Magazine Le Mensuel

Nº 2953 du vendredi 13 juin 2014

LES GENS

Souad Karout Achi. Une pionnière de l’information

Depuis 1973, date de son entrée à Télé Liban, elle n’a pas cessé d’accrocher le téléspectateur par sa voix, son sourire et son intelligence. «Je n’ai pas choisi ce métier, c’est lui qui m’a choisie. Je me suis lancée, les yeux fermés, dans ce domaine et le rêve est devenu pour moi une réalité». Ces propos sont ceux de Souad Karout Achi, une pionnière dans le monde de l’information et de l’audiovisuel. Portrait.
 

C’est chez elle que Souad Karout Achi nous reçoit. Affable et chaleureuse, elle nous entraîne dans ses souvenirs. Elle évoque ses débuts à Télé Liban, cette époque dorée de la télévision qu’elle a vécue, son parcours, ses angoisses et sa famille, qui reste à ses yeux sa principale réussite.
Il est vrai que le hasard fait souvent bien les choses. Souad Karout Achi a dix-huit ans lorsqu’elle rencontre par pure coïncidence chez sa tante, à qui elle rendait visite, le directeur exécutif de Radio Liban, Hussein Sabra. «Je lui ai dit que mon rêve était de travailler à la radio. Il m’a alors demandé d’apporter un journal et de lui lire un paragraphe. Il a trouvé que j’avais une jolie voix et de l’assurance et m’a dit, qu’avec un peu d’exercice, je ferai une très bonne speakerine», se souvient Souad Karout Achi. Après deux mois d’exercice, elle s’adresse de nouveau à lui, mais elle est très déçue. A l’époque, seules existaient Radio Liban et Télé Liban, qui ne pouvaient absorber tous ceux qui voulaient y travailler. «C’était
un monde magique et il était très difficile d’y accéder. Si on y était accepté, c’était un rêve qui se réalisait. Il me fallait pour y arriver, selon Hussein Sabra, un piston du président de la République ou du président du Conseil. J’ai été alors voir Saëb Salam, un ami de la famille. C’est ainsi qu’en 1973, j’ai fait mes débuts à Radio Liban».
 

Ascension fulgurante
Au bout de quatre mois à l’antenne, Souad Karout Achi commence à faire parler d’elle. «La presse s’est intéressée à moi et la télévision m’a réclamée. C’est ainsi que j’ai débuté à Télé Liban après un bref passage à la radio. C’était la concrétisation de mes rêves». Elle fait ses débuts à Télé Liban avec un programme sur le cinéma égyptien avec Walid Chmeit, qui accueillait les principales figures égyptiennes. Elle présente plusieurs programmes et le journal télévisé. Pour Souad Karout Achi, l’aspect physique seul ne suffit pas pour réussir à la télévision. «Un physique agréable est un emballage qui attire le téléspectateur, mais ne le retient pas si le contenu est vide». Selon la journaliste, il faut avoir de la présence et posséder une vaste culture. «Beaucoup de surprises interviennent durant une émission. Il faut tout connaître de la personne qu’on interviewe et être prêt à toutes les éventualités. Cela nécessite également un esprit vif et alerte, savoir éviter les situations gênantes, entrer à l’intérieur de l’interlocuteur et en faire sortir toutes les réponses. Sinon, c’est un échec». Une jolie voix captive et la confiance en soi est primordiale. «On ne peut s’imposer si on en manque de confiance. Il faut réussir à captiver le téléspectateur».

 

Renouvellement continu
Depuis 1973, Souad Karout Achi a réussi à rester à jour et à évoluer avec les événements, en essayant de se renouveler sans cesse et d’être à la page. En 1975, elle présente le journal télévisé et l’audimat enregistre un taux très élevé lorsqu’elle est là. «J’étais très fière. Ceci a renforcé ma confiance en moi surtout que je n’avais pas fait d’études. La télévision était mon école, l’université de laquelle je voulais être diplômée». En très peu de temps, entre son passage à la radio et son apparition à l’écran, elle réalise un grand succès. «Malgré mon jeune âge, je n’ai jamais connu la vanité ou l’arrogance. J’étais remplie de fierté et tout ce succès m’a donné encore plus confiance en moi, mais sans jamais franchir le seuil de la simple assurance». Bien au contraire, malgré sa réussite, elle n’est pas à l’abri des remises en question et s’interroge souvent. «Je me demande toujours si je suis à la hauteur, si les gens ont toujours confiance en moi. J’ai peur que le temps me trahisse. Il n’y a pas de place à l’arrogance dans ma vie».  
Souad Karout Achi passe plus de quinze ans à Télé Liban, essentiellement au journal télévisé, jusqu’à l’année 2000, date de la première fermeture de la chaîne nationale. Durant toutes ces années, elle se distingue par sa présence, son élocution et sa prononciation. «Au cours de cette période, je me suis construite. Lorsque je donnais le journal télévisé, la chaîne enregistrait son plus haut audimat», dit-elle. Pour elle, l’essentiel a toujours été le respect du téléspectateur à travers la tenue et le maintien. A côté du journal télévisé, elle présente, pendant ces années, plusieurs émissions, des premières du genre, imitées par la suite. Aux côtés de Sonia Beyrouthi et de Wassim Tabbara, elle présente, en 1973, la première édition de Studio el-Fan, l’émission produite par Simon Asmar. Suivront plusieurs programmes tels qu’Al Moutaffawikoun. «Avec Marwan Najjar, nous avons transformé le principe des émissions amusantes en émissions culturelles». Souad Karout Achi lance le premier talk-show politique en direct avec son émission Salon Al khamiss qui recevait des personnalités politiques de premier plan. Chahed ala Aaser est également une première du genre.
Après Télé Liban, c’est sur la chaîne ART qu’elle présente l’émission Ahl el-Dar. «Cela ressemblait à ce qui est devenu très courant aujourd’hui, le genre d’émission dans laquelle on mêle la politique au culturel et on reçoit un assemblage de personnes venues d’horizons différents: des acteurs, des artistes, des sportifs, des médecins, etc. C’était trois heures de direct». Avec l’émission Zakirat al ousbou’,  elle présente un round-up politique de la semaine en recevant des hommes politiques.
En 2003, elle intègre la chaîne NBN jusqu’en 2006 et présente plusieurs émissions à succès dans lesquelles elle traite de sujets tabous intéressant un public libanais et arabe. En 2010, Simon Asmar lui demande de faire partie du jury de Studio el-Fan. Elle revient en 2014 en force sur la chaîne al-Mayadeen où elle anime, avec Karim Pakradouni, l’émission Al-Joumhouria 2014. «C’est Ghassan Ben Jeddo qui m’a contactée pour me proposer cette émission, une idée conçue par Karim Pakradouni. C’était une approche nouvelle de présenter une émission, lui appartenant au monde de la politique et moi à celui de la presse. C’était un défi que j’ai aimé relever surtout que j’ai beaucoup d’admiration pour Karim Pakradouni et son parcours très impressionnant». Après cette émission, dont la dernière sera ce soir, le vendredi 13 juin, Souad Karout Achi n’a pas de projet précis. «Je ne fais jamais de plans. Le hasard se charge de tout».
Pour Souad Karout Achi, la principale réussite c’est sa famille. «Je remercie Dieu à chaque instant d’avoir construit une famille heureuse et unie». Mariée à Ahmad Achi, ils ont trois enfants: Mazen, Mohammad et Tamara. Journaliste, écrivain et ancien directeur de la chaîne ART au Liban, Ahmad Achi a toujours été le bras droit de Souad. «Il a été mon plus fervent supporter. C’est lui qui m’a aidée à réussir. Je n’aurai jamais pu réaliser tout ce que j’ai fait sans son support. Mon succès le rend heureux. Lorsque je m’absentais, c’est lui qui restait à la maison auprès des enfants pour que je n’ai pas le sentiment de les avoir laissés seuls». Mazen, l’aîné est marié et a des jumeaux, Lara et Adam. «Ils vivaient au Canada, mais après avoir eu leurs enfants, ils sont revenus vivre au Liban auprès de la famille». Très attachée à ses petits-enfants, elle confie: ce sont «la flamme de ma vie et la fleur dont je respire le parfum». Quant à Mohammad, il vit aux Etats-Unis. Tamara, après des études et six années passées aux Etats-Unis, est revenue au Liban et vit auprès
d’elle. En parlant de la benjamine, Souad Karout Achi a les larmes aux yeux. «Tamara est mon amie, ma compagne, ma partenaire. Elle occupe une très grande place dans mon cœur». Elle estime avoir réussi l’éducation de ses enfants, car elle les a élevés comme sa mère l’a elle-même élevée. «Ma mère était une femme remplie d’amour mais très stricte en même temps. Elle m’a aidée à élever mes enfants. Mes parents étaient fiers de moi et cela m’a donné confiance. Leur départ a laissé un grand vide. La vie sans eux manque de joie et de bonheur. La séparation est difficile et il reste toujours ce serrement au cœur».
Franche et simple, Souad Karout Achi n’hésite pas à livrer ses impressions et confie sa peur de l’échec. «Je suis fière de tout ce que j’ai réalisé et je demande à Dieu de me laisser persévérer dans ce sens. J’ai peur de reculer. Je me suis habituée à être la première dans tout ce que je fais. L’échec me fait plus peur que la mort. La mort peut survenir à n’importe quelle heure et elle est inévitable, mais un échec peut être évité. On peut agir de manière à ne pas y tomber». 

Joëlle Seif
 

Cinq femmes
Lorsqu’en 1973, Souad Karout Achi fait son entrée à Télé Liban, elles sont trois femmes: Gaby Lteif, Elsy Ferneini et Souad Karout Achi. Elles n’avaient été précédées que par deux femmes: Jeanne d’Arc Abi Zeid et Charlotte Wazen Khoury. «A l’époque, l’ambiance était très agréable et sérieuse. Nous étions toutes fières d’appartenir à Télé Liban, qui n’était pas seulement la seule télévision au Liban, mais la deuxième dans le monde arabe».    

Ce qu’elle en pense
Social Media: «Je n’aime pas l’étalage. Je ne suis pas contre la technologie, mais je n’aime pas m’exposer. J’estime que sur Facebook c’est se mêler de la vie des gens, ce que je n’aime pas. Je ne pense pas non plus qu’exposer mes photos puisse intéresser les gens. De plus, certaines photos pourraient agresser la personne qui les regarde».
Ses loisirs: «Surtout la lecture. Je suis de très près tout ce qui se passe dans
l’actualité».
Sa devise: «Ne rien détester de tout ce qui vous arrive, bon ou mauvais, car ceci peut être pour votre bien».

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