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Nº 2857 du vendredi 10 août 2012

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Saïd Jalili au Liban. Une visite qui divise

La visite du secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale iranienne, Saïd Jalili, n’est pas passée sans commentaires. Survenue après la visite du ministre syrien des Affaires étrangères Walid Mouallem à Téhéran, elle est sujette à critique de la part de l’opposition et du député Walid Joumblatt.

Dès son arrivée à l’Aéroport international de Beyrouth, Saïd Jalili a clairement annoncé les buts de sa visite. Il est au Liban pour discuter de son «rôle fondamental par rapport à la sécurité régionale». Conscient de l’issue des derniers développements en Syrie, son premier message est pour la Résistance, du fait que «le Liban en est le symbole et constitue aujourd’hui la pierre angulaire de la sécurité et la stabilité à l’échelle de l’ensemble de la région». Un discours compris par l’opposition comme un renforcement du dispositif de Téhéran au Liban en prévision de toute agression éventuelle contre son territoire. D’où la vague de réactions libanaises qui ont accueilli la visite et les propos de Jalili avec une inquiétude accrue.
Reçu par le ministre des Affaires étrangères, Adnane Mansour, et par l’ambassadeur de Téhéran, Ghodanfar Rokn Abadi, Jalili s’est rendu à Beiteddine, où il s’est entretenu avec le président de la République Michel Sleiman des relations bilatérales, à la lumière des développements récents en Syrie.
De Beiteddine à Aïn el-Tiné, puis au Grand Sérail avant Damas, le discours du responsable iranien n’a pas varié. Sa visite est placée sous le signe de l’hommage à la Résistance. «C’est à la noble Résistance que le Liban doit l’atmosphère positive qui prévaut sur la scène interne» a-t-il affirmé.
Son second message concerne la Syrie et la nécessité d’appuyer la volonté du peuple syrien, telle que comprise par l’Iran. Il a insisté sur le fait que ce que veut le peuple syrien aujourd’hui est différent de ce que réclament les insurgés. Il a expliqué comment l’Iran envisage la solution de la crise syrienne «qui se résume en un mot: la démocratie. La seule voie vers la démocratie reste le dialogue».
La visite de Jalili est qualifiée par la majorité de «hautement stratégique». Dans le camp de l’opposition, c’est un autre son de cloche. L’ancien Premier ministre, Saad Hariri, a estimé que cette visite «n’est pas la bienvenue au moment où le peuple syrien est victime des pires formes de massacres et de destruction de la part du régime de Bachar el-Assad et de ses protecteurs étrangers». La qualifiant d’«incompatible avec l’intérêt du peuple libanais», Hariri a insisté sur le fait que les Libanais «ne peuvent se désolidariser ni de leurs frères en Syrie ni de la position unanime des Arabes qui exigent le départ de Bachar el-Assad et l’arrêt de l’ingérence du régime iranien dans les affaires arabes, en général, et syriennes et libanaises en particulier».
Pour le leader du Front de lutte nationale, Walid Joumblatt, Jalili devrait plutôt se mêler des affaires internes de son pays «dont certaines régions ont été le théâtre d’insurrections populaires, qui restent minimes par rapport aux souffrances des tranches sociales iraniennes démunies», a-t-il dit. Soulignant la nécessité du dialogue national, Joumblatt appelle Jalili à se tourner vers les citoyens défavorisés, «au lieu de distribuer un arsenal militaire, à un moment où les volailles en Iran coûtent plus cher que des roquettes»
Le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, et les responsables du Courant du futur, ont catégoriquement rejeté «le diktat iranien transmis par Jalili».
Dans le contexte régional actuel, la visite de Jalili revêt une grande importance aux yeux des Libanais. Pour les uns, elle apporte un appui au régime syrien, et va dans le sens du renforcement de l’alignement du Liban sur la politique de l’axe chiite: Iran, Irak et Syrie. Pour les autres, elle entre dans le cadre des ingérences iraniennes dans la politique du Liban, l’Iran étant conscient de l’imminence de la chute de son allié syrien, il craint que l’étau ne se resserre autour de son programme nucléaire. Cette visite aurait-elle des répercussions sur les dissensions internes?

Arlette Kassas
 

 

Qui est-il?
Saïd Jalili est l’homme de confiance du Guide de la Révolution iranienne, l’ayatollah Ali Khamenei. Il est né en 1965 et a occupé le poste de vice-ministre des Affaires étrangères en 2005. Il a mené les négociations avec les pays européens et les Etats-Unis sur le programme nucléaire en 2009. Actuellement, il occupe les fonctions de secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale iranienne, et négociateur en chef du programme nucléaire.

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