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Nº 2859 du vendredi 24 août 2012

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Achrafié, 1960. La police lance une grenade sur la foule

La grenade lancée sur une foule à Achrafié par la brigade 16, en 1960, a suscité une vive polémique. Les responsabilités ne sont pas claires. La brigade 16 aurait-elle agi sans raison? Les membres de partis dispersés parmi la foule sont-ils responsables de l’incident?

Le 1er mai 1960, alors que le chef du gouvernement Rachid Karamé et les ministres Pierre Gemayel et Ali Bazzi assistent à une messe célébrée par le patriarche Méouchy dans l’église des Sœurs de la Charité à Achrafié, pour le tricentenaire de la mort de Saint-Vincent de Paul, une grenade tombe sur la foule massée à l’extérieur de l’église. Bilan: une fillette de 13 ans est tuée et 84 personnes blessées. L’une d’entre elles succombera plus tard.
Un agent de la Brigade 16 aurait lancé une grenade, suivie de tirs, sur la population. Le directeur général de la police, le commandant Aziz Ahdab, avance une version qui disculpe les agents de la Brigade 16. Selon lui, ces derniers tentaient d’empêcher un choc entre les Kataëb et le Parti national libéral (PNL) quand ils ont été la cible d’une grenade et de tirs. Une autre version des faits est donnée par des témoins oculaires qui affirment que ce sont bien les policiers qui ont lancé l’engin mortel et ouvert le feu sur la foule.
Le Liban sortait difficilement des événements qui ont marqué la fin du mandat du président Camille Chamoun, et le début du mandat du Président Fouad Chéhab. Une réunion de crise est tenue à minuit par le Conseil des ministres. La responsabilité des membres de la brigade 16 est retenue, à la lumière des premières investigations faites sur le terrain. Le Conseil des ministres charge alors le ministre de l’Intérieur de demander au directeur général de la police de «prendre dans un délai maximum de 48 heures les mesures disciplinaires qui s’imposent à l’encontre des membres des FSI».
Des appels au calme sont lancés, et le Patriarche Méouchy demande «aux Libanais, à quelque confession qu’ils appartiennent, de contribuer aux efforts déployés par les chefs spirituels et temporels de toutes les communautés pour apaiser les esprits, liquider les haines et refaire l’unité nationale».
La situation devient menaçante. Le Conseil des ministres et les responsables craignent que l’affaire ne soit exploitée sur le plan confessionnel. L’acte d’accusation a déterminé les responsabilités. Emis deux semaines plus tard, le 19 mai, il retient la responsabilité des membres de la brigade 16 et estime que les manifestants Kataëb et PNL étaient pacifiques et que la police a voulu, sans raison, les disperser à coups de crosse et arracher les portraits de Gemayel et Chamoun. Selon le verdict, le directeur de la police Ahdab a cravaché la foule et a reçu un coup de poing à la figure. L’agent Abbas Hazimé de la Brigade 16 a lancé une grenade et l’agent municipal Mohammad Singer a tiré sur la foule. L’acte d’accusation a requis la peine de mort contre Hazimé et Singer et engagea la poursuite contre cinq agents pour recel d’informations.
Il ne fut jamais possible de savoir d’où est venu l’ordre de disperser la foule par la force. Mais l’affaire avait fait l’effet boule de neige, et il fallait calmer la situation. Les mesures du Conseil des ministres ainsi que l’acte d’accusation ont contribué à limiter les conséquences de l’affaire.
Le 14 septembre 1960, tous les agents sont acquittés. Le tribunal militaire, faute de preuves, ne retient pas les faits de l’acte d’accusation, et les deux agents condamnés à la peine de mort sont relâchés, ainsi que les agents emprisonnés pour recel d’informations. La défense avait attaqué l’acte d’accusation, estimant que la situation qui risquait de se dégrader avait nécessité sa parution, sans aucune preuve. L’affaire est alors classée.

A.K.

 

N.B: Les informations de cet article sont tirées du Mémorial du Liban-mandat de Fouad Chéhab de Joseph Chami

La Brigade 16
Au lendemain des événements de 1958, la brigade 16 est créée en mars 1959 par le ministre de l’Intérieur Raymond Eddé. C’est une unité de commandos de la police, spécialement entraînés et équipés pour les interventions rapides dans les cas où l’ordre public est gravement menacé. Elle relève directement du directeur général de la police et épaule les 60 patrouilles de police chargées de la sécurité à Beyrouth.

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