Magazine Le Mensuel

Nº 2867 du vendredi 19 octobre 2012

ACTUALITIÉS

L’Union européenne. Insubmersible… comme le Titanic!

Le rêve européen s’est incarné dans l’Union européenne (UE). Un paquebot diplomatique aujourd’hui dans la tempête économique. En France, le Traité européen de stabilité, pourtant très contesté, a été ratifié le mardi 9 octobre. Trois jours plus tard, le jury norvégien décernait le prix Nobel de la paix à l’UE. Faut-il y voir des signes annonciateurs d’une éclaircie à venir? Ou le navire a-t-il déjà heurté l’iceberg?

Huit cents: c’est le nombre d’emplois industriels que les Français perdent par jour ouvrable. Dettes publiques colossales, plans d’austérité drastiques, croissance en berne, crise de compétitivité majeure, perspectives sans cesse revues à la baisse, chômage incontrôlé, salaires en chute libre, explosion sociale dans les pays du Sud, démocratie bafouée, les nuages s’amoncellent et s’assombrissent au-dessus de l’Union européenne (UE). On ne compte plus pourtant les ultimes sommets de la dernière chance et les annonces fracassantes. Les docteurs bruxellois sont au chevet du malade européen. Mais le patient n’y croit plus guère et le médecin fait semblant. Des soins palliatifs en fait. On apaise la douleur en injectant quelques milliards. Mais la morphine ne guérit pas.

Intégration ou désintégration?
Il serait extrêmement réducteur d’assimiler la crise de l’euro à la seule crise des dettes souveraines. Les disparités macroéconomiques sont trop importantes à l’heure actuelle pour que la monnaie unique soit viable. Rationnellement, deux solutions s’imposent: une plus forte intégration, pour homogénéiser la zone euro ou une désintégration totale, pour que chaque Etat puisse recouvrer des moyens d’action qui leur permettent de répondre à ses besoins particuliers conformément à ses intérêts propres. La première solution est difficilement acceptée par les populations majoritairement horrifiées par l’austérité et le fédéralisme, et la seconde est sèchement balayée par les gouvernants. «L’autre Europe» est la seule idée qui rassemble et maintient une passerelle au-dessus du gouffre qui sépare le peuple et ses élites dirigeantes. Pour elles, l’avantage est gigantesque, les projets d’avenir canalisent la colère des citoyens. Seulement, cette idée alter-européiste se heurte à la réalité factuelle–depuis 40 ans, le cap du Titanic UE n’a pas changé d’un pouce, iceberg ou pas- et à la réalité juridique. L’article 63 du Traité de fonctionnement de l’UE est frappant à ce titre. «Toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites». Comment dès lors protéger ses entreprises d’une concurrence déloyale venue d’Asie? L’UE promeut un libre-échangisme absolu qui ne saurait être remis en question, fut-il nocif. Les exemples sont légion dans tous les domaines. Certaines solutions à nos difficultés actuelles sont décrétées impossibles par le droit. C’est un peu le chirurgien qui se coupe les mains. Un traité se renégocie-t-il? Il devrait, c’est la base du droit international, mais pourquoi le président François Hollande n’a-t-il pas pu changer une seule virgule au traité européen, que son prédécesseur avait négocié?
Lors de sa négociation, une majorité de droite dirigeait les affaires françaises. L’opposition socialiste (PS) avait montré sa vive opposition tout en promettant de renégocier et d’offrir une autre Europe libérée de l’austérité. Une fois élu, François Hollande n’a pas pu, de l’aveu même de son Premier ministre, changer une seule virgule du Traité de stabilité, de coopération et de gouvernance  (TSCG). Mais sa majorité soutient mordicus que «la réorientation de l’Europe est redevenue possible», «c’est d’abord les classes moyennes et les classes populaires qu’on protège» et que «c’est une étape vers plus de démocratie», affirme Jean-Marc Ayrault dans une interview au site Mediapart. Comprenne qui pourra.
Concrètement, le Traité de stabilité institue l’austérité. Il fixe un objectif de 3% de déficit à chaque Etat. A ceux qui mijoteraient de ne pas prendre les mesures nécessaires, des sanctions financières sévères sont prévues. Le TSCG a été adopté à la demande de l’Allemagne en contrepartie d’un accord donnant la possibilité à la BCE de racheter des obligations. Ceci pour éviter que les Etats ne se laissent aller à trop de facilité budgétaire. La rigueur est imposée par les créanciers pour obtenir des garanties de leur débiteur. Mais ces garanties ont un coût. Alors que les analystes prévoient en 2013 une 6ème année de récession pour la Grèce, lundi, le ministre adjoint grec des Finances affirmait que «nos bailleurs de fonds se sont trompés en matière d’impact de la rigueur sur la récession.» Le cercle vicieux «récession-rigueur-plus de récession» est enclenché et les politiques lancées jusqu’à présent demeurent inefficaces. En fait, on comprend qu’avec 27 malades qui souffrent d’une maladie différente, il soit compliqué de déterminer un remède qui convienne à chacun. En fin de compte, personne n’est pleinement satisfait et la situation se dégrade.

L’UE, c’est au moins la paix?
Le jury norvégien a annoncé vendredi 12 octobre, l’attribution du prix Nobel de la paix à l’UE. Cette décision est particulièrement savoureuse de la part d’un pays anti-européen, qui a rejeté à 2 reprises par référendum son adhésion au Marché commun. Explication? Pour avoir œuvré depuis soixante ans en faveur de la paix et de la réconciliation, de la démocratie et des droits de l’Homme. S’ils le disent, on va presque commencer à y croire, mais quelques doutes subsistent.  Passons sur la démocratie, alors que les référendums irlandais, français et hollandais ont été piétinés, alors que de plus en plus de hautes responsabilités sont occupées par des dirigeants non-élus et prenons au hasard l’article 46 du Traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE). «La politique de l’Union respecte les obligations découlant du traité de l’Atlantique Nord et elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre.» Oui, l’UE est bel et bien la face politique de l’Otan. Et celle-ci se bat en Afghanistan et ailleurs. Un peu plus loin dans le même article, à l’alinéa 6, on peut lire: «Les Etats membres s’engagent à améliorer progressivement leurs capacités militaires». Définitivement pacifiste, cette UE. Jean-Louis Bourlanges, ancien député européen pourtant très europhile, reconnaît que «ce n’est pas l’Europe qui a fait la paix, mais c’est la paix qui a fait l’Europe.».
Le paquebot est en difficulté, il a heurté l’iceberg et sur le pont l’orchestre joue l’ode à la joie –l’hymne européen. La Suède, la Norvège, la Suisse, le Danemark. Quels points communs ces pays ont-ils en commun? Ils se portent plutôt mieux que leurs voisins. Et ils ont refusé de monter dans le bateau.

 

Antoine Wénisch

Vers un morcellement européen?
Au Royaume-Uni, un accord a vu le jour entre les Premiers ministres anglais et écossais en vue de l’organisation d’un référendum au sujet de l’éventuelle indépendance de l’Ecosse en 2014. «Je crois farouchement que l’Ecosse doit rester au sein du Royaume-Uni», a précisé le Premier ministre conservateur, «mais on ne peut en aucune façon garder un pays en son sein contre la volonté de son peuple». En Belgique, les élections municipales ont vu triompher à Anvers, Bart de Wever, le leader des séparatistes flamands. C’est un pas supplémentaire vers la partition du royaume. En Catalogne, d’importantes manifestations pour obtenir l’autonomie ont régulièrement lieu. Un morcellement à mille lieux d’une intégration européenne fédérale, ou tout près de la disparition des Etats existants que l’UE désire implicitement.

L’UE, une construction américaine?
L’Union Populaire Républicaine, mouvement politique français anti-européen, dévoile sur son site Internet des documents déclassifiés publiés le 19 septembre 2000 dans le Daily Telegraph. Ces documents révèlent que les fondateurs du Mouvement européen, principal initiateur du traité de Rome, étaient tous «traités comme des employés par leur parrain américain». De manière générale, Washington avait un puissant levier sur l’ordre du jour européen appelé l’American Committee on United Europe (Comité Américain pour une Europe Unie). On apprend également qu’une note émanant de la Direction Europe du département d’Etat américain, datée du 11 juin 1965, conseille au vice-président de la Communauté économique européenne, Robert Marjolin, de poursuivre de façon subreptice l’objectif d’une union monétaire. Elle recommande d’empêcher tout débat jusqu’au moment où «l’adoption de telles propositions serait devenue pratiquement inévitable».

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