Magazine Le Mensuel

Nº 2876 du vendredi 21 décembre 2012

Editorial

2012 s’achève sans regrets

Nous aurions tant voulu, en cette période de fêtes, offrir du rêve à nos lecteurs. Mais pouvions-nous échapper à cette formule historique, «Annus horribilis», par laquelle la reine d’Angleterre avait résumé en deux mots l’année 1992 marquée pour la famille royale par des divorces successifs? «Annus horribilis», s’écrient donc les Libanais tous concernés par les mêmes problèmes du quotidien et la même inquiétude, à des niveaux divers, autrement plus dramatiques que ceux d’Elizabeth II. Comment donc qualifier 2012? Une année meublée de grèves de tous genres, de sit-in permanents à travers le pays, de combats de rues meurtriers, de routes bloquées au Sud comme au Nord, de multiples enlèvements politiques ou crapuleux, souvent suivis de demandes de rançons de tous genres, de menaces paralysant toute action politique, du boycott d’un dialogue voué à l’échec avant d’être entamé, des appels à la stabilité lancés de l’étranger… Enfin et en bref, des dirigeants qui ne dirigent plus rien dans une République bananière, pour ne pas dire soumise à la loi de la jungle où l’on s’entre-tue autant par les actes que par les discours de bas niveau, triste exemple pour la jeune génération. L’insécurité, tant dénoncée par ceux qui, pourtant en sont responsables, continue à sévir. Nous entendons, après le décompte des victimes de chaque attentat ou de chaque échauffourée, le ministre de l’Intérieur, «assurer qu’il ne pourrait plus accepter l’inacceptable…», qu’il s’apprêtait à donner ses instructions pour que le nécessaire soit fait et qu’il soit mis un terme à «cette situation inadmissible». Cela continue jusqu’à faire dire à ce même ministre qu’il «jurait par sa mère être las et n’en pouvoir plus». On se souvient encore, qu’il y a peu de temps, il avait décrété un «mois de la sécurité». Grands biens lui fassent. Nous avons vu les agents de la sécurité se déployer dans les quartiers les plus tranquilles, histoire de rassurer au moins ceux qui ne sont pas concernés par le désordre régnant.  
Faut-il à tout prix démontrer au monde que le Liban n’est toujours pas majeur. Dans les années 70, un Premier ministre en poste, aujourd’hui disparu, déclarait dans une conférence de presse que «le pays à trente ans n’était pas encore majeur…». Il ne l’est visiblement pas encore. D’une tutelle à l’autre, les Libanais ne sont toujours pas maîtres chez eux. Preuve en est la réunion officielle de quatre diplomates étrangers à l’invitation d’une chancellerie non moins étrangère, en l’absence de tout responsable libanais sur le territoire libanais et l’annonce, au Liban, par communiqué de leur position dans un conflit étranger.
Sur cette situation de troubles sécuritaires, se greffe un malaise social toujours plus profond et plus inextricable. Les salariés vivent carrément dans la rue depuis plusieurs mois. Ils ne réclament rien de plus que le respect des promesses qui leur ont été faites. Certes, nous comprenons que la trésorerie nationale ne permet pas de telles dépenses, mais nous ne comprenons pas les raisons, sinon démagogiques, qui ont fait prendre au gouvernement, en toute connaissance de cause, de tels engagements. En outre, le temps court et les législatives qui posent, elles aussi, autant de problèmes, ne sont pas assurées pour autant. Les députés, ministres ou non, revêtiront bientôt le costume des candidats, prêts à tout pour plaire à des électeurs de plus en plus réticents. Auront-ils les moyens de satisfaire leurs revendications? Y iront-ils de leurs biens personnels? Les Libanais seront-ils, une fois de plus, bluffés par les discours prometteurs? Difficile pour le moment d’établir des pronostics, à l’ombre du flou qui entoure les projets de loi électorale dont le sort dépend des intérêts individuels ou partisans des uns et des autres et, certainement pas, des aspirations des citoyens à un régime parlementaire, dit démocratique.
Devant ce sombre tableau que nous aurions souhaité ne plus voir, il ne nous reste plus qu’à regarder le futur avec plus d’optimisme et à rêver d’un «pays des merveilles» que le vieillard à la barbe blanche, nous apporterait dans sa hotte. L’homme, dit-on, vit d’espoir et de rêves, dans l’Histoire des Libanais, leur pays reste celui des miracles.

Mouna Béchara

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