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Nº 2882 du vendredi 1er février 2013

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Les Mille et Une Nuits se révèlent à l’IMA. Un chef-d’œuvre oriental au cœur de l’Occident

Une splendide exposition est actuellement en cours à l’Institut du monde arabe à Paris, donnant à voir quelque 300 œuvres inspirées par les merveilleux contes des Mille et Une Nuits.

Qui n’a jamais entendu parler des fabuleux contes des Mille et Une Nuits et de la légendaire Schéhérazade? L’histoire d’un sultan, amer, qui décide de ne plus faire confiance aux femmes et d’exécuter, chaque matin, une nouvelle femme épousée la veille. Face à lui, la fragile et belle Schéhérazade, qui arrêtera le temps d’un poème sans fin. Chaque nuit, elle contera au sultan une histoire, toujours inachevée, le tenant ainsi en haleine, durant mille et une nuits.
Autant d’histoires qui figurent dans une longue épopée vers des pays aux noms prestigieux et empreints de mystères, comme l’Inde, la Chine, l’Asie centrale, la Perse, l’Irak, la Syrie et l’Egypte.
On l’aura compris, les Mille et Une Nuits constituent, sans nul doute, le plus extraordinaire recueil d’histoires «étonnantes et surprenantes», telles qu’on les qualifiait autrefois, de la littérature. L’ouvrage fait aujourd’hui partie de la culture universelle et aura fait rêver plus d’un lecteur.
Pour l’Institut du monde arabe qui accueille cette exposition, ce chef-d’œuvre de la littérature mondiale constitue «un lien exceptionnel entre Orient et Occident». Ce livre «sans fin» ou «avec toutes les fins», a une histoire aussi curieuse, riche et prodigieuse que les péripéties des contes qu’il recèle et dont les sources sont, elles aussi, multiples.
Car les Mille et Une Nuits auront véhiculé de nombreuses mythologies et croyances typiquement orientales, qui auront inspiré les imaginations de générations entières d’artistes et de créateurs. Des créateurs qui s’en nourrissent et l’enrichissent encore parfois.
Pour illustrer son propos et rendre hommage de la plus belle façon qui soit aux Mille et Une Nuits, l’Institut du monde arabe a sélectionné plus de 300 œuvres qui mettent en scène la sublime Schéhérazade. Parmi elles, on trouve également quelques-uns des plus anciens manuscrits du conte qui sont ainsi dévoilés au public.

Sortilèges de l’Orient
L’exposition permet ainsi de suivre le fil de l’ouvrage, depuis sa genèse et les origines indo-persanes, en passant par les contes arabes du IXe siècle jusqu’à la première traduction dans une langue européenne, par Antoine Galland. L’iconographie exposée par l’Institut du monde arabe provient, elle, de différentes sources, aussi bien en Europe qu’en Occident plus largement.
Les contes ont inspiré tous les arts. Le théâtre, la mode, la musique, la peinture, l’opéra, la photographie, la littérature et, bien entendu, le cinéma. Haroun el-Rachid, Shahriyâr et Shéhérazade, Sindbad et Aladin: on retrouve là tous les personnages des Nuits et les villes qui leur ont servi de décor, dans des évocations qui empruntent à toutes les disciplines artistiques.
Au fil de son parcours dans l’exposition, le visiteur est porté par la voix des contes, au rythme des Nuits succédant aux Nuits. Accédant ainsi à tous les songes, les illusions, les fantaisies et les chimères générés depuis mille ans par les contes. A chacun son interprétation et ses rêveries, mais l’Institut propose aussi des clés de compréhension pour accéder à un autre univers.
Si, à l’origine, les Mille et Une Nuits n’étaient absolument pas des contes illustrés, dans leurs premières versions manuscrites connues, l’image commencera à se joindre à l’œuvre à partir du XIXe siècle, via des illustrations européennes. Et si, en Orient, les contes étaient au départ dénigrés par l’élite qui considérait cette œuvre comme un genre populaire, en Occident, l’engouement aura été rapide. Pour preuve, le succès de la première traduction effectuée par Antoine Galland, bibliothécaire de son état, qui fera paraître douze volumes des contes entre 1704 et 1717. Il récupéra également les paroles d’un moine syrien grâce auquel des personnages légendaires comme Aladin, Ali Baba et Sindbad le marin devinrent célèbres.
Galland avait écarté toute mention érotique et triviale dans sa traduction. Le Dr Joseph-Charles Mardrus, pour sa part, y fait allusion dans sa traduction publiée deux siècles plus tard.
On l’aura compris, chacun apporte son interprétation des contes des Mille et Une Nuits. Et c’est cela que l’Institut du monde arabe donne à voir.
A voir donc des peintures par exemple de Jacques-Emile Blanche, Van Dongen, Edmond Dulac ou encore Chagall. Peintures à l’huile, aquarelles, costumes de ballets, extraits de films de Méliès à Pasolini, font goûter aux sortilèges de cet Orient qui fascine depuis toujours.
Les contes inspirent aussi les compositeurs, comme Maurice Ravel, qui écrira une série de mélodies d’une poésie magique.
Le cinéma aussi prend à bras-le-corps les thèmes des contes, que cela soit avec les dessins animés de Walt Disney, ou encore à Bollywood, en Inde, qui exploite au maximum le thème des Nuits avec des films chantés et dansés, aux couleurs chamarrées. La danse également reprend le thème, comme le ballet Schéhérazade créé par les Ballets russes de Diaghilev en 1910.
L’Institut du monde arabe expose aussi des objets, comme des céramiques et des armes ciselées, des tapis volants et autres lampes à huile. Autant d’objets qui feront rêver et imaginer un monde peuplé de djinns et de fées, dans les luxueux palais du calife de Bagdad ou encore dans l’obscurité de la caverne d’Aladin.
Parmi les pièces les plus audacieuses de l’exposition, cette affiche représentant une aquarelle du Schéhérazade de Rimski-Korsakov, interprétée par les Ballets russes à Paris en 1910. On y voit le grand danseur Nijinski, en «nègre d’or», jeté aux pieds de la sultane Zobéïde, à moitié déshabillée.
Qu’on les ait déjà lus ou pas, l’exposition sur les contes est en tout cas à voir, lors d’un passage à Paris. Elle sert aussi de véritable manifeste pour un islam des lumières, en ces temps troublés où l’islamisme intégriste est sur le devant de la scène.

Jenny Saleh

Jack Lang nommé à l’IMA
L’Institut du monde arabe vient de se doter d’un nouveau président. Il s’agit de Jack Lang, ancien ministre de la Culture socialiste du temps du président François Mitterrand. «Conformément au souhait des autorités françaises et de la partie arabe, le mode de gouvernance de l’IMA, doté depuis 2009 de deux présidences, vient d’être réformé et le principe de la présidence unique rétabli», indique l’Institut.
Jack Lang succède à Renaud Muselier qui présidait le haut conseil depuis septembre 2011 et à Bruno Levallois, qui présidait le conseil d’administration depuis décembre 2009.
Jack Lang va avoir fort à faire pour relever un institut chancelant qui souffre d’un problème de visibilité et de fréquentation. Seuls quelque 350000 visiteurs se rendent à l’Institut chaque année. L’IMA souffre aussi d’une crise financière, certains des pays arabes représentés ne payant pas leur part ou s’en désintéressant, faisant face à des problèmes plus urgents à régler.  

 


 

The balustrades of Beirut, de Mazen Haïdar
Restaurer le patrimoine et le préserver

Pour sa première exposition en solo, l’architecte Mazen Haïdar a choisi de mettre en lumière les balustrades de sa ville, Beyrouth. Une histoire d’amour qu’il fait partager au public depuis le 30 janvier dernier, à l’Art Factum Gallery.

A 18 ans, en chemin vers l’Italie pour faire ses études d’architecture, le jeune homme sait déjà quelle sera sa spécialité: la restauration du patrimoine. «J’ai grandi pendant la Guerre civile au rythme des beaux souvenirs de nos aînés sur Beyrouth. Comme si, suggère-t-il, les générations passées étaient sadiques avec nous, comme si le présent n’avait aucune importance. Beyrouth, une «ville qui a été». Je me suis alors attaché à l’existant, à l’architecture».
Pendant quatorze ans, Mazen Haïdar fait ses gammes à Rome, dans cette ville «qui respecte son passé, une ville où l’on garde toutes les couches, à l’extrême opposé de Beyrouth». En 2010, le trentenaire ressent pourtant le besoin de revenir sur ses terres pour livrer une bataille en faveur de la protection du patrimoine. «Dès que je voyais la destruction d’un immeuble, c’était une atteinte à mon histoire personnelle. Au Liban, nous avons mal vécu notre passé, nous n’avons pas de bonne relation avec le présent et on nous coupe les liens qui nous attachent à ce que nous sommes. Notre futur n’est alors pas très clair».
Arrivé à Beyrouth gonflé d’espoir, il enchaîne les expertises pour la Délégation générale des antiquités et pour des associations telles que Save Our Heritage. Mais bientôt, il devient plus pragmatique, constatant que, sans décision drastique sur la protection du patrimoine, rien ne pourrait être fait.
«Au Liban, la notion du patrimoine est assez floue et archaïque. Il n’y a pas pour ainsi dire de maturité historique et uniquement une partie de l’architecture beyrouthine compte, celle d’avant le mandat français». D’après le jeune architecte, qui a notamment participé au projet de restauration de la Beit Beirut, c’est la Guerre civile qui aurait préservé, d’une certaine façon, la mémoire de Beyrouth. «Il fallait saisir cette période particulière pour préserver le patrimoine de la ville car il y avait encore quelque chose à exploiter», souligne Haïdar.

Loin d’être démotivé, pour sensibiliser les Libanais au patrimoine, il décide de les charmer à la poésie de fer des balustrades de la capitale, tout particulièrement celles du début des années 30 jusqu’aux années 60, un pied de nez à ceux qui ne considèrent pas la période moderne à sa juste valeur.
Les balustrades, «ces éléments de faible importance architecturale qui caractérisent pourtant un quartier», Haïdar les apprivoise depuis bientôt cinq ans. Tout commence par la balustrade de l’ancien appartement de ses parents à Hamra. «Je voyais la ville à travers elle, se souvient-il. La balustrade est un élément accessible à tout le monde». Lors d’un séjour au Liban en 2008, il entreprend de faire des croquis de toutes celles qui titilleront son intérêt lors de ses longues promenades à Beyrouth, intrigué de savoir si ces dernières allaient changer selon les quartiers.
Pas forcément. Il remarque que plus on s’éloigne du centre de la capitale, plus les motifs des balustrades sont simplifiés et vulgarisés. «Chacune raconte quelque chose de différent. Certaines, rarement, comportent les initiales de leurs propriétaires, d’autres reprennent les ouvertures de portes ou encore ne respectent pas de symétrie. J’ai décidé de parler de ces balustrades pour inviter les Libanais à redécouvrir ces éléments du patrimoine qui existent déjà et qu’il faut préserver au lieu de les réinventer».
A l’Art Factum Gallery, l’architecte partagera, jusqu’au 23 février, ses découvertes avec le public à travers des croquis en noir et blanc et non des photographies. «Car si je ferme les yeux, je ne retiens que le motif de ces balustrades. Et puis, je n’avais ni envie de m’imposer ni de m’expliquer à chaque fois. Alors, j’ai préféré le croquis, plus en douceur».
Des photographies, on en retrouvera tout de même dans son prochain ouvrage sur le même thème qui devrait sortir en automne prochain. L’occasion d’y découvrir quelque 400 dessins et autres textes sur les techniques du fer, de l’évolution de ses motifs, sans oublier quelques mots sur les créateurs de ces balustrades.

Delphine Darmency

 

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