Magazine Le Mensuel

Nº 2891 du vendredi 5 avril 2013

Economie & Finances

Economie et finance

L’ampleur de l’onde de choc de la crise chypriote   
Un malaise souffle sur les marchés financiers dans la zone euro et sur les marchés des pays émergents. L’incertitude frappe petits et grands déposants auprès des banques; la crise chypriote ayant mis à mal la confiance dans le système bancaire. Il s’agit sans nul doute «d’un précédent historique» qui va faire date dans les annales du monde de la finance. La question que toutes les parties concernées directement ou indirectement se posent est celle de savoir si la solution mise sur pied pourrait être applicable à d’autres cas que celui de la crise chypriote. D’autant qu’un ancien ministre français et député européen a stigmatisé une telle solution «qui a été parachutée par le Fonds monétaire international (FMI), l’Eurogroupe et la Banque centrale européenne (BCE) sans que le Parlement européen n’ait été consulté». Certes, l’Europe est à la croisée des chemins et il est indispensable qu’elle se livre à un exercice de «réorganisation de ses structures», avant de faire appel à l’adhésion de nouveaux pays membres. Et beaucoup d’économistes affirment flairer un parfum des années 30. Le dilemme est celui de savoir quelle Europe souhaitent les Européens. Est-ce une simple zone de libre-échange avec des politiques fiscales différentes ou un espace politique cohérent, honnête et démocratique? Pour l’instant, le flou prévaut sur le paysage. Le FMI a considéré qu’il est difficile d’étendre la solution à la crise chypriote à d’autres cas en Europe ou ailleurs dans le monde, «l’île de Chypre demeurant un cas exceptionnel». Si le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, est du même avis que le FMI, le président de l’Eurogroupe, Jérôme Dysselbloen, estime que le plan de sauvetage de Chypre pourrait faire école.
Partant de là, les détenteurs de comptes bancaires au Liban, à dix minutes de vol de l’île de Chypre, s’inquiètent. Les banques libanaises sont exposées à la dette souveraine à près de 55%. En revanche, celles-ci ont déjà fait leur baptême du feu vu la résilience dont elles ont fait preuve, ne serait-ce que depuis 2008 lors de la crise financière internationale. Le plus récent satisfecit de bonne conduite a été délivré par EFG Hermès. L’institution a estimé qu’à la suite des efforts déployés par les banques libanaises en 2011 et 2012, le coût de leurs provisions devrait reculer en 2013. En incluant des provisions spécifiques et d’autres collectives, ainsi que des garanties réelles, la couverture des défauts de paiement en Syrie s’est approchée de 100 pour 100. En revanche, des provisions supplémentaires seraient allouées par les banques libanaises afin de couvrir les risques de crédit de leurs clientèles commerçantes exposées aux marchés syriens. En poussant plus loin l’analyse du secteur bancaire domestique, il est bon de souligner que le ratio de la valeur des crédits rapportés aux montants des dépôts dans les banques chypriotes est de 97,5%, alors que ce pourcentage n’est que de 34,1% au Liban. L’ouverture exagérée des vannes du crédit des banques chypriotes particulièrement aux non-résidents grecs, individus et institutions – la part de ces crédits représente 45% du montant total des prêts consentis, soit 91,4 milliards de dollars – a constitué un véritable risque. Les établissements de crédit chypriotes comptaient sur des facilités, telles que l’octroi de lignes de crédit et/ou des liquidités, que leur accorderait la Banque centrale européenne en cas de crise de solvabilité. Ce qui n’a pas été le cas. Les banques libanaises, elles, ne comptent en premier et dernier recours que sur leur propre liquidité en devises. Ce scénario signifie une meilleure santé du secteur bancaire mais une moindre profitabilité.

Expédition des affaires courantes  
Les nouvelles émissions d’eurobonds sont légales

Le statut de gouvernement d’expédition des affaires courantes n’a pas empêché le ministère des Finances de poursuivre l’opération d’émission de nouveaux eurobonds ou euro-obligations pour la couverture de dettes souveraines dont les échéances sont réparties entre mars et juin, pour un montant de 832 millions de dollars. L’opération de nouvelles émissions est légale pendant cette période de transition de l’Exécutif dans la mesure où le ministère des Finances n’est pas contraint d’en référer au gouvernement. Sa démarche est couverte légalement par d’anciennes lois portant sur cette question. Les banques qui seraient chargées de la gestion des émissions n’ont pas encore été sélectionnées. En revanche, certaines rumeurs qui circulent évoquent les noms de Fransabank et Standard & Chartered.    

Banques
Taux d’intérêt débiteurs quasiment stables

L’Association des banques du Liban (ABL) a recommandé à ses membres de maintenir le taux de référence de Beyrouth (BBR) en dollars à 5,82% pour le mois en cours. Le BBR est le taux de référence débiteur des banques libanaises qui a remplacé en 2009 le Libor, considéré par l’ABL comme ne reflétant plus le coût des fonds et du financement des prêts au Liban. En revanche, l’ABL a recommandé à ses membres de relever le taux du BBR en livres qui passerait de 8,49%, appliqué en mars dernier, à 8,53%. Pour rappel, le BBR ne remplace pas le taux d’intérêt préférentiel, mais il représente la base pour le calcul du taux préférentiel auquel on ajoute le coût de la liquidité du refinancement, ainsi que celui du risque crédit et des bénéfices de la banque.    

Industries, agriculture
Les exportations se portent mal

Les opérations d’exportation des produits industriels et agricoles libanais se compliquent. Aux problèmes chroniques – à savoir le coût élevé de la production en raison notamment des tarifs élevés de l’énergie, de la hausse des prix des matières premières et du recul des investissements – sont venus s’ajouter d’autres paramètres. Aujourd’hui, la pérennité des opérations d’exportation est tributaire des lignes d’exportation, du coût du transport et de la préservation des marchés extérieurs. Depuis le début des violences en Syrie en mars 2011, le seul passage du transport terrestre des marchandises du Liban vers l’hinterland arabe se trouve fermé par intermittence, avant de l’être complètement il y a quelques semaines. Le blocage du passage via la Syrie est un handicap de taille pour les exportations libanaises dans la mesure où 11 pays arabes – à savoir l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, la Syrie, l’Irak, la Jordanie, l’Egypte, le Qatar, le Koweït, le Yémen, le sultanat d’Oman et Bahreïn – représentent une part des marchés à l’exportation par voie terrestre de 52,6% du total des exportations vers ces destinations. Sachant que ces pays accaparent 66% du total des exportations libanaises. Parallèlement, plusieurs pays du Golfe dont l’émirat de Dubaï, réclament depuis un certain temps «une fixation des prix des produits au préalable» et tout changement à ce niveau nécessite des formalités bureaucratiques susceptibles de traîner plusieurs semaines, sinon davantage. Enfin, en ce qui concerne les marchés européens et américains, les contraintes relatives à certains standards de qualité portant notamment sur la composition des produits agroalimentaires et/ou sur les normes de conditionnement et d’emballage peuvent contribuer à hausser le coût de production jusqu’à 70% dans certains cas. Une mission on ne peut plus difficile à entreprendre.    

Liliane Mokbel       

  

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