Magazine Le Mensuel

Nº 2898 du vendredi 24 mai 2013

Affaire Déclassée

L’affaire des Mirage. Un complot soviétique déjoué au Liban

L’affaire des Mirage a marqué les relations entre le Liban et L’Union soviétique à la fin des années 60. Une tentative soviétique de s’emparer d’un avion Mirage avait été mise en échec par les autorités libanaises. Retour sur une affaire digne des meilleurs romans d’espionnage.

Le Liban avait acheté douze avions Mirage III Dassault à la France. Ils lui sont livrés entre 1968 et 1969. Mais le Mirage a très peu servi à l’Armée de l’air libanaise. Pendant la guerre de 1975, ces avions ont été cloués au sol faute de fonds. Deux avions avaient été perdus et les dix autres furent parqués à la base aérienne de Koleyate de 1975 à 1979.
Le 30 septembre 1969, un complot est déjoué par les services militaires de sécurité qui arrêtent un ancien pilote libanais et deux Soviétiques qui essayaient de voler un avion Mirage III C. Hassan Badaoui avait été renvoyé de l’Armée libanaise pour mauvaise conduite. Alexandre Komiakov, diplomate, et Vladimir Vassilev, attaché à l’ambassade de l’URSS, étaient membres du KGB.
Le complot se préparait depuis la fin du mois d’août. A la demande de Vassilev, Badaoui propose au lieutenant pilote Mahmoud Matar de livrer un avion Mirage aux Russes. Il lui promet une grosse somme d’argent et lui explique que les Russes voulaient connaître le dispositif électrique de tir de l’avion.
Matar fait semblant d’accepter l’accord et en informe ses supérieurs. Ces derniers mettent un plan en place. Matar demande alors trois millions de dollars à Badaoui et réclame que sa famille soit installée en Suisse pour des raisons de sécurité. Badaoui se laisse prendre et négocie le marché: Matar devra donc recevoir deux millions de dollars, dont 200000 lui seront versés en acompte. Le plan est mis en route.
Le 30 septembre, les deux hommes se rencontrent au domicile de Vassilev, en présence de Komiakov. Ils mettent au point le plan final pour s’emparer de l’avion. Matar devrait le jour de son entraînement, le 3 octobre, lancer un signal de détresse, après le décollage, et conduire son avion à Bakou en Azerbaïdjan. Son vol au-dessous de la ligne de détection des radars le mettrait à l’abri et laisserait croire que l’avion s’est abîmé en mer.
 

Deux Soviétiques blessés
Matar avait avisé ses supérieurs de la date de la réunion. Soudain, alors que les derniers points sont finalisés, des militaires forcent la porte de l’appartement et prennent en flagrant délit les comploteurs. Ils sont accueillis par des tirs et un officier et un soldat de l’armée sont blessés. Les forces militaires ripostent et les deux Soviétiques sont blessés et emmenés dans un hôpital, alors que Badaoui est arrêté. Plusieurs documents sont saisis, dont le chèque de 200000 dollars, l’acompte versé à Matar et des papiers de petites sommes d’argent.
L’ambassadeur de Russie proteste. Mais Beyrouth reste intraitable. Les responsables affirment qu’ils détiennent toutes les preuves qui accablent les deux Soviétiques. Dans un communiqué, ils donnent les détails et expliquent les dessous de l’affaire.
Une vive polémique secoue la scène interne. Certains leaders libanais vont même jusqu’à accuser les autorités d’un coup monté. Mais l’enquête se poursuit en secret, l’affaire ne fait plus la une des journaux. L’interdiction leur est faite de traiter cette affaire délicate qui touche aux relations entre le Liban et la Russie.
Le 4 octobre, les deux Soviétiques, couverts par l’immunité diplomatique, sont embarqués sur un avion en direction de l’URSS. Ils sont emmenés de l’hôpital sur des civières. L’affaire s’arrête là.

Arlette Kassas   
 

Les informations citées dans cet article sont tirées d’articles sur Internet, et du Mémorial du Liban: le mandat Charles Hélou de Joseph Chami.

Le Mirage III
Le Mirage III est un avion à multiples rôles. Il est conçu par le constructeur aéronautique français Dassault Aviation à la fin des années 1950. C’est le premier avion de combat de conception européenne capable de dépasser une vitesse de Mach 2 en vol horizontal.  
Le Mirage III a donné lieu à de nombreuses variantes et a rencontré un succès notable à l’export avec 21 pays utilisateurs et 1401 exemplaires construits. Les premiers Mirage ont été livrés au début des années 1960, et de nombreux exemplaires sont encore en service de par le monde au début du XXIe siècle.
 

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