Magazine Le Mensuel

Nº 2900 du vendredi 7 juin 2013

Expositions

Images et mots. Un décollage vers d’infinis lointains

C’est à l’Unesco que l’artiste Hiba el-Khatib Badreddine a dernièrement exposé ses travaux – des tableaux qui sont un mixed media entre acrylique et collage – et a signé son premier recueil de poèmes intitulé, Ce que je veux dire.

«Vous êtes les bienvenus dans un monde où de petits bouts de papier, des photos de la vie réelle, des objets divers, se rencontrent sur une toile féérique, dans un espace qui sort de la logique et qui souligne la sensualité». Décrivant ainsi son exposition, Hiba el-Khatib Badreddine nous entraîne, à travers ses toiles, dans un monde où la douleur et le ressentiment se mêlent, où le Beau s’unit à la pensée rebelle.
«Technique [consistant] à prélever un certain nombre d’éléments dans des œuvres, des objets, des messages déjà existants et à les intégrer dans une création nouvelle pour produire une totalité originale où se manifestent des ruptures de types divers», les premiers collages ont été réalisés entre 1912 et 1913 par Georges Braque et Pablo Picasso. Initiateurs de cette «métaphore approximative» qu’est le collage, les deux artistes ont ainsi réussi à introduire une technique consistant à détourner des éléments arrachés au réel de leur sens initial afin de créer un amalgame entre la réalité concrète et le merveilleux, l’ici et l’ailleurs, l’identifiable et le bizarre.
Critiquer l’actualité politique, illustrer des romans fantastiques, décorer la chapelle du Rosaire à Vence, souligner la sensualité des images et le dynamisme des compositions, provoquer le dégoût, le collage, art pratiqué par maints artistes du XXe siècle, a subi plusieurs évolutions au fil des ans. Des cubistes aux surréalistes et aux futuristes, cette technique part d’un même principe: la déconstruction au service de la reconstruction.
C’est ainsi que Hiba el-Khatib Badreddine, inspirée des œuvres de Picasso et de Max Ernst, puise et sélectionne, au cœur du réel, un ensemble de morceaux hétéroclites. Pratiquant dans ce sens une sorte d’intervention chirurgicale esthétique pour créer des tableaux ou transfigurer des meubles ou des accessoires, Hiba prélève, découpe et ampute des images dans un premier temps, pour se libérer et libérer l’art de toute contrainte. Souvent, le hasard de la trouvaille ou l’accidentel accompagnent son travail. Dans un second temps, l’artiste assemble – sans être préoccupée par un ordonnancement préétabli – et met en rapport (de manière conflictuelle) les morceaux
de ce puzzle. Ces brisures du réel sorties de leur contexte initial sont alors insérées, sans toutefois perdre leurs propriétés originelles, au sein d’une structure mouvante. Hiba cherche alors à mettre en scène ces ruptures simultanées, visibles ou souterraines, dans un cadre spatiotemporel indéterminé. Derrière ces tableaux et œuvres artistiques qui défilent sous notre regard, nous ne pouvons qu’éprouver l’ivresse et le vertige d’«aventureux voyages», selon l’expression de Walter Benjamin. «Gaies et graves, essentielles et dérisoires, [le collage] nous pousse à explorer les fissures du quotidien, à dépasser les frontières du convenu, à transfigurer le banal, à nous laisser aller vers l’imprévu».

Natasha Metni
 

Cafe Ole
Exposition des créations de Pascale Charabati, des fantaisies sur porcelaine, métal, bois, plexi, chapeau et autres. Avec la participation des copines: Aline Nahas, Lamia Tuéni Akelian et Diane Sfeir (bocaux, bijoux cuir et feutrine). Du jeudi 6 au dimanche 9 juin de 11h à 19h, au Jardin de Aïda Charabati à Rabié, rue 5 à côté de la banque Audi.

C.T.D.
 

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