Magazine Le Mensuel

Nº 2900 du vendredi 7 juin 2013

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Une première. Les archives à portée de main

Célébrée chaque année depuis 2008, la Journée internationale des Archives, se tiendra, le 9 juin, pour la première fois au Liban. L’occasion de placer sous les projecteurs ces perles ayant survécu du passé pour nous raconter notre Histoire, détentrices d’informations essentielles pour la compréhension du présent et de l’avenir. Pour l’occasion, sept institutions beyrouthines ouvriront leurs archives au grand public, entre le 8 et le 10 juin.

Le 9 juin 2013 ne sera pas un jour tout à fait comme les autres au Liban. Ce 9 juin, sera célébrée, pour la première fois, la Journée internationale des Archives au Pays du Cèdre. Son importance? Synonyme d’une vitalité de la société civile, elle offre la possibilité aux citoyens de découvrir les traces de leur Histoire et de leur mémoire, dans différentes institutions de la capitale. «Car les archives sont extrêmement importantes pour comprendre le passé, et par le passé, appréhender le présent et l’avenir», selon Monika Borgmann, codirectrice du centre de documentation et de recherche, Umam.
Cet événement, on le doit à l’Observatoire du Patrimoine moderne, le Moho, un réseau regroupant différentes institutions et individus du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, œuvrant pour la préservation du patrimoine culturel moderne de la région (et financé par l’Union européenne et la Fondation Heinrich Böll). C’est au cours de l’une de leurs réunions périodiques que naît la perspective d’organiser au Liban, pour la première fois, cette Journée.
Et pour sa première édition libanaise, sept institutions ont répondu présentes: le centre de recherche d’an-Nahar, le Centre arabe pour l’architecture (ACA), la Fondation arabe pour l’image (AIF), l’Institut Cervantes de Beyrouth, l’Association pour la Musique arabe (Irab), la Bibliothèque nationale et le centre de documentation et de recherche, Umam. «Les Archives nationales libanaises sont absentes de la liste des participants, remarque Borgmann. Parce qu’elles ne sont tout simplement pas accessibles au public. J’espère donc que cet événement permettra de sensibiliser le grand public à l’importance des archives, et à la nécessité de les protéger et de les rendre accessibles».

Car aujourd’hui, ces archives, témoins fragiles de notre mémoire, «sont souvent perçues comme des documents privés que les chercheurs ne consultent que lors de leurs recherches, explique Claudine Abdelmassih, chargée de projet à l’ACA. Alors qu’avec le recul du temps, on constate qu’une société ne peut être cernée qu’à travers ses archives. C’est pourquoi cette sensibilisation aide tout un chacun à conserver la mémoire de son passé et permet de savoir qu’il existe des institutions en mesure de protéger, classer et donner un sens à ces témoignages du passé». Des témoignages qui se conjuguent sur différents supports et à travers divers domaines: de la photographie aux enregistrements sonores en passant par des manuscrits, des lettres, des documents en tout genre, des plans d’architectes, des vidéos, des documentaires ou encore des films.
Pour Nabila Bitar, responsable du département de photographie au centre de recherche d’an-Nahar, «célébrer cette journée au Liban est un message pour les jeunes que leur pays a un passé, une mémoire et une Histoire dont ils peuvent se servir pour construire le futur».
La Journée internationale des Archives, qui s’étalera sur trois jours, sera l’occasion de rendre hommage à ces différentes institutions qui œuvrent quotidiennement pour la sauvegarde des archives du Liban et de la région. «Ces dernières s’adressent au grand public tout au long de l’année et lui proposent de découvrir leurs archives dans un espace public, à travers l’organisation d’événements ou encore par le biais de collections digitalisées et disponibles en ligne, précise la chargée de communication de l’AIF. Ces structures travaillent dans un contexte où les financements publics sont presque inexistants et où la pérennité des organisations qui œuvrent à la préservation des archives n’est pas assurée. C’est pour cette raison qu’il est crucial de capter l’attention et le soutien du grand public pour les projets d’archives au Liban».
Le samedi 8 juin, c’est la Bibliothèque nationale qui ouvrira les festivités dans ses locaux provisoires de la zone franche du port de Beyrouth. Elle proposera une sélection de ses trésors. Le 9, ce sera le tour d’Umam, de l’ACA, de l’Irab et de l’AIF. Fondé en 2004, le but d’Umam est de constituer une «archive citoyenne», ouverte et accessible à tous. Alors qu’une partie de leurs archives est détruite pendant la guerre de 2006, ils décident de les numériser et de les cataloguer. Sur leur site en ligne memoryatwork.org, dédié à la guerre civile, l’internaute a accès à quelque 25000 documents dans la version arabe et 10000 dans la version anglaise, en attendant d’autres téléchargements, notamment de leur collection audiovisuelle. «Ce site est un portail virtuel pour inviter les gens à confronter leurs récits à ceux des prétendus ‘‘autres’’, car nous sommes convaincus de l’importance de cette confrontation du passé, surtout dans un pays très divisé, où chacun a sa propre narration de ce qui s’est passé ou sa propre façon d’expliquer les conflits en cours», explique Borgmann. Dans leurs bureaux de Haret Hreik, les curieux pourront découvrir des archives qui ne sont pas encore en ligne: journaux, revues, quotidiens et littérature grise. Des collections diverses, entre autres celles de l’Hôtel Carlton ou du Studio Baalbeck, dont les archives sonores et cinématographiques devraient faire l’objet, en septembre prochain, d’un appel de fonds, afin de les protéger et de les numériser, en collaboration avec le CNC France.
Du côté de l’ACA, fondé en 2008 et situé place Sassine, les visiteurs seront invités à découvrir un espace de travail dédié à la protection, au classement et à la numérisation des archives d’architecture du Liban pour mieux les rendre accessibles. «Ils pourront apprécier la valeur didactique des dessins, photos ou documents et consulter une collection d’ouvrages sur l’architecture, en particulier sur l’architecture moderne au Liban et dans la région», précise Claudine Abdelmassih. L’occasion pour certains visiteurs d’envisager un avenir pour leurs propres archives. Le centre encourageant toute personne en possession d’archives d’architecture à les leur confier pour les numériser avant de les leur restituer.
A Gemmayzé, l’AIF proposera une exposition intitulée Enfants en noir et blanc. Cette institution qui, depuis 1997, a réussi à rassembler plus de 600000 clichés, ouvre ses portes quotidiennement au public et présente quelques atouts de séduction: sa bibliothèque dédiée à la photographie, à l’art, à l’histoire et aux archives, et son centre de recherche donnant accès à sa banque d’images provenant du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord et de la diaspora arabe.
«Avec la Journée internationale des Archives, nous souhaitons éveiller l’intérêt d’un public élargi aux familles, aux étudiants et à tous les curieux», annonce la Fondation.
Quant à l’Irab, elle a archivé à ce jour plus de 15000 heures d’enregistrements musicaux, vieux parfois d’un siècle. L’Irab offrira aux visiteurs l’occasion d’écouter certains sonores datant des années 1920 à 1970 au Metro al-Médina à Hamra. Une conférence sur les archives musicales y sera également donnée par le Dr Mahmoud Zabawi. «Notre musique est le reflet de notre Histoire, que nous voulons préserver, explique Loubane Tay. Cette Journée nous donne l’opportunité de montrer au public ce que nous avons, mais également de prouver qu’en rendant la musique ancienne plus accessible aux jeunes, ils l’apprécieront».
Lundi 10 juin, à l’Institut Cervantes de Beyrouth, Place de l’Etoile, les curieux pourront découvrir l’exposition De Madrid au ciel de Beyrouth, dont certains clichés puisés dans les archives de l’institut n’ont jamais encore été présentés au grand public. Des photographies qui laisseront entrevoir la vie des centres culturels de Beyrouth et le  quotidien des expatriés de la ville, jusqu’au 21 juin. Un peu plus loin, Place des Martyrs, le centre de recherche d’an-Nahar a prévu d’épater ses visiteurs. «Nos archives sont composées de photos et documents couvrant l’Histoire du Liban, de la région et du monde. Elles ont vocation à aider le public à en savoir plus sur les événements passés qui sont en train de façonner leur présent», décrit Nabila Bitar.
Alors qu’une partie des archives libanaises sera à la fête et fêtée les 8, 9 et 10 juin, la plupart sont toujours aux abonnées absentes, détruites pendant les guerres, abandonnées dans les dépôts de certaines institutions publiques ou privées, voire oubliées dans les armoires de particuliers. La bataille contre l’oubli n’est pas près de finir et on ne peut qu’espérer que l’année prochaine, d’autres institutions participeront à cette Journée internationale des Archives au Liban.

Delphine Darmency
 

Le programme
Bibliothèque nationale: le 8 juin, de 9h à 13h.
Centre arabe pour l’architecture: le 9 juin, de 10h à 19h.
Fondation arabe pour l’image: le 9 juin, de 10h à 18h.
Association pour la Musique arabe: le 9 juin, visites de 15h à 18h, conférence et écoutes de 20h à 1h30 du matin.
Umam: le 9 juin, de 10h à 18h.
Centre de recherche d’an-Nahar: le 10 juin, de 10h à 17h.
Institut Cervantes de Beyrouth: le 10 juin, de 9h à 20h.
www.modernheritageobservatory.org
www.facebook.com/modernheritageobservatory.

 

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