Magazine Le Mensuel

Nº 2907 du vendredi 26 juillet 2013

Presse étrangère

Au bord de la dislocation

Qu’elles soient d’ordre politique, communautaire ou social, les menaces qui pèsent sur le Liban inquiètent les grands titres de la presse régionale et internationale.   

Al-Hayat
Le quotidien à capitaux saoudiens al-Hayat compare «la petite Syrie» au «Grand Liban».
La stratégie de Bachar el-Assad et de ses alliés est clairement définie: sécuriser les lignes de communication entre Damas et la côte syrienne afin d’éviter l’encerclement, la chute de la capitale et d’assurer la continuité territoriale des régions syriennes frontalières avec les zones contrôlées par le Hezbollah. Mais tout ceci ne permettra pas au régime de regagner le contrôle du sud, du centre et du nord du pays. Protégée par l’Iran et le Hezbollah, l’autorité d’Assad s’exercera dans une «petite Syrie». Comment croire que la formule de la petite Syrie et du Grand Liban pourra résister à l’épreuve du temps? Qui croit que la géographie politique du pays pourra être renversée au point de faire du Liban la base-arrière protectrice du régime syrien? L’Histoire nous a appris comment une Grande Syrie protégeait son petit voisin libanais.
Si on prend en considération le bonheur du régime qui voit la balance sur le terrain basculer en sa faveur, prélude d’une négociation régionale et internationale, elle aussi favorable au régime, cet accord permettra-t-il à l’Etat central d’exercer son pouvoir sur le territoire syrien? Ou alors, est-ce le contraire qui est prévu, à savoir le morcellement du pays et le début de mini-guerres communautaires? Si l’on croit les informations qui font état de la volonté du régime de naturaliser près de 750 000 personnes − Iraniens, Irakiens, houthis yéménites et asiatiques − pour rééquilibrer la balance communautaire à Homs ou à Swaïda, on peut le craindre.

The Financial Times
Pour The Financial Times, «le Liban est redevenu la boussole du Moyen-Orient». «Syriens et Libanais forment un seul peuple dans deux Etats», aimait expliquer Hafez el-Assad, le père de l’actuel despote syrien, quand Damas tenait encore le Pays du Cèdre sous sa botte. De même qu’Assad le vieux avait, pour régner au Liban, joué sur les divisions communautaires entre chrétiens et musulmans, sunnites et chiites, Palestiniens et nationalistes, Assad le jeune a volontairement «confessionnalisé» la crise syrienne, pour mieux discréditer et écraser la révolution. Les failles qu’il a ouvertes ont fatalement fissuré, de l’autre côté des montagnes, la mosaïque libanaise. Portée à bout de bras par le Premier ministre, Najib Mikati, depuis 2011, la doctrine de la «dissociation» (ou «distanciation») n’a pas résisté à la démission de son instigateur, en mars dernier, ni à l’incapacité du nouveau Premier ministre à former un gouvernement. Dès sa promotion, cette politique avait déjà été mise à mal par le flot de réfugiés civils ou en armes, ainsi que par les trafics en tout genre qui, depuis le Liban, alimentent la rébellion syrienne.
Tout en revendiquant un engagement non partisan, le Tripolitain Fadi Sukkari, professeur à l’Université arabe, explique: «Le rêve d’un grand Etat chiite allant de Téhéran à Beyrouth en passant par Damas n’a jamais été aussi près de se concrétiser, et le Hezbollah ne laissera pas tomber cette occasion historique».
Justifiée ou fantasmée, cette peur d’un grand dessein chiite est, selon Joe Bahout, symptomatique de la discorde nationale qui s’accentue dangereusement au Liban, entre chiites et sunnites essentiellement. Zone tampon des grandes confrontations géopolitiques régionales au siècle dernier, le Liban pourrait bien devenir aujourd’hui l’autre champ de bataille de l’arc chiite (Téhéran-Bagdad-Damas-Hezbollah) contre le triangle sunnite (Ankara-Riyad-Le Caire). Résistera-t-il au séisme régional promis 
par Assad?

The National
Dans les colonnes de The National émirati, Michael Karam s’attaque au «scandale» de l’Electricité au Liban. Un édito cinglant.
Chaque année, c’est pareil. L’été, lorsque je quitte Beyrouth pour les montagnes, je me rends compte qu’en dehors de la capitale, les Libanais ne reçoivent que dix heures de courant par jour. Dans mon village, le courant arrive ou part à dix heures, deux heures, six heures et minuit, avec quelques coupures imprévues pour pimenter la journée. Croyez-moi, cela vous rend la vie compliquée. Dans mon village, ma vieille lampe torche est ma meilleure amie. Ajoutez-y les avaries de l’EDL et vous comprendrez pourquoi j’ai fini par m’acheter un générateur que je peux actionner de chez moi. Vingt-trois ans après la fin de la guerre civile, nous n’avons toujours pas d’électricité 24 heures sur 24. C’est le plus gros scandale de notre si 
courte histoire.
Les économistes estiment que le marché des générateurs privés s’élève à deux milliards de dollars, mais ce marché-là est profondément corrompu, entre rackets et intimidations. Pas étonnant que toute mesure visant à s’attaquer au déficit de l’EDL se soit heurtée à une opposition invariable et bornée au cours de ces dernières années. L’est encore moins le comportement de certains politiciens, barons de l’électricité, qui ont su profiter de cet énorme marché; le scandale du Fatmagül Sultan est là pour nous le rappeler. Le réseau national fonctionne toujours à 60% de ses capacités et les fournisseurs privés d’électricité continuent de régner en maîtres. Mon vieux générateur a duré vingt ans. Quand je l’ai acheté, un ami de la famille m’a dit de ne pas gaspiller mon argent. «La situation va s’arranger dans un an», prédisait-il.

Secours Catholique
Dans une tribune en ligne, le directeur général du Secours Catholique, qui s’est récemment rendu au Liban, lance un signal d’alarme: «Le pays est au bord de l’embrasement».
Pour Bernard Thibaud, les conditions de vie des réfugiés syriens sont extrêmement précaires. «Dans les camps, le problème n’est plus la boue et le froid comme cet hiver, mais la chaleur et l’approvisionnement en eau. J’ai aussi été frappé par une forme d’exploitation des réfugiés par certains propriétaires de terrain ou de logement. Par exemple, dans un immeuble en construction, sans eau, sans électricité, les Syriens louent 30 m² pour 250 dollars par mois. Or, les réfugiés n’arrivent à travailler qu’une quinzaine de jours par mois, à dix dollars la journée…». Il poursuit: «Ce qui m’a frappé, c’est la panne institutionnelle au niveau de l’Etat, qui n’a aujourd’hui ni gouvernement ni Parlement opérant. A cela s’ajoute un rapport aux Syriens qui n’est pas simple. Cette situation réveille les divisions communautaires du Liban. Dans les zones frontalières, il y a aussi des comités de défense et des milices qui se remettent en place et peuvent recruter des réfugiés syriens qui ne travaillent pas et ont besoin d’argent. Le pays est au bord de l’embrasement».

Julien Abi Ramia

Global Voices
Les casinos en ligne interdits?
Un internaute libanais soulève, sur la plateforme Global Voices, la question de l’interdiction des casinos en ligne au Liban.
On m’a dit le mois dernier que les sites de jeux et de poker en ligne n’étaient plus accessibles au Liban. Je suis allé vérifier l’information sur Internet et effectivement, les sites étaient 
inaccessibles. La décision a apparemment été prise par le ministère de la Justice. Il y a quelques jours, un utilisateur de Twitter a posé la question au ministre des Télécoms, Nicolas Sehnaoui, sur son compte. «En vertu de quelle loi ces sites ont-ils été bloqués?». Le ministre a répondu qu’il s’agissait de se conformer au monopole du Casino du Liban sur les jeux d’argent, ajoutant qu’il a essayé de convaincre le juge de changer la décision en vain. Or, la loi en question parle d’un monopole sur le 
territoire libanais, pas sur la Toile. En vertu de cette distorsion, les autorités seraient capables de prendre d’autres décisions.

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