Magazine Le Mensuel

Nº 2927 du vendredi 13 décembre 2013

  • Accueil
  • Culture
  • Livre
  • Iran, Ouzbékistan, Egypte, Turquie… et autrement. Amine Issa, entre l’image et la poésie
Livre

Iran, Ouzbékistan, Egypte, Turquie… et autrement. Amine Issa, entre l’image et la poésie

Eternel curieux, voyageur invétéré, photographe de tout temps, intéressé par l’écriture, l’art islamique, après un premier roman L’imposteur, Amine Issa publie Iran, Ouzbékistan, Egypte, Turquie… et autrement aux éditions Tamyras. Un voyage en image et en poésie.

L’aventure a commencé en 2006, au détour d’un premier voyage en Iran, un pays qui a de tout temps intéressé Amine Issa. A force de recherche et de lecture, dit-il, «j’y suis allé en croyant tout savoir. Mais je me suis rendu compte qu’en fait je ne savais rien, qu’on apprend à connaître un pays uniquement au contact des gens dans la rue, les cafés, les centres d’art, en voyant comment ils réfléchissent, ce qu’ils sentent, ce qui les inquiète, ce qui leur fait plaisir, et quel est le rôle de la religion, de la politique». De retour au Liban, pour garder un souvenir de son voyage, il imprime un catalogue de sept photos qu’il accompagne de sept textes et qu’il distribue à quelques amis. L’idée plaît à tout le monde. Et les voyages se poursuivent, en Iran encore une fois, en Ouzbékistan, en Turquie à trois reprises, en Egypte. «A chaque fois, le même processus mental me guidait: l’intérêt de l’art islamique, l’intérêt de connaître les gens dont je connaissais un peu la culture sans les côtoyer, la tentative de les capter dans leur réalité, pas dans ce qu’on dit d’eux, car, généralement, il s’agit de clichés».
Autant de clichés pour contourner les clichés; Amine Issa s’arrête devant un visage, un sourire, la devanture d’un magasin, une situation, une place… prendre son temps pour capter le cliché ou le saisir rapidement au gré d’un déplacement dans le bus. «Ce sont les gens et les situations qui m’intéressent. Une devanture aussi banale soit-elle peut m’inspirer sur l’histoire d’un pays qui n’a pas évolué ou qui a évolué autrement ou qui s’accroche à son passé». Les images s’enchaînent, racontent une histoire, une multitude d’histoires, exacerbées par l’utilisation du noir et blanc «qui exprime mieux la réalité, selon Amine Issa. C’est beaucoup plus subtil, moins agressif et plein de nuances, alors que les couleurs peuvent distraire par leur beauté première et ne plus pousser à chercher ce qu’il peut y avoir au-delà».
 

D’autres pays, 
d’autres histoires
Chaque image déclenchait un mot, des mots, un texte qui éveille chez le lecteur une autre image, entre poésie et rêves, une expression qui chatouille l’imaginaire et fait voyager, par-delà le temps et l’espace, par-delà les frontières, qu’importe la frontière. «Les saltimbanques du Caire n’ont pas besoin de scène, le théâtre tragique est partout, dans les chambres, sur les toits, dans la rue, dans les souks et les impasses. Ils ne peuvent maintenir l’illusion de «faire semblant», de la comédie comme la vie, le reflet du réel s’est étiolé. La mauvaise pièce se joue avec le public, dans la salle, depuis si longtemps qu’il n’y a plus de planches ni de souffleur ni de sièges».
Au détour des clichés, des mots, des sourires, des villes et des histoires, c’est une plongée au cœur de l’autre, des autres. Au cœur de cet «autrement» qui semble inviter le lecteur à aller encore plus loin, au-delà des frontières géographiquement dessinées. Autrement, parce que, comme l’explique Amine Issa, «ces pays sont d’autres pays aussi, ils sont autre chose que ce qu’ils sont. Il y a un fil conducteur entre tous ces pays et nous. On a trop tendance à stéréotyper les nationalismes, en disant telle nationalité, telle culture, telle identité ne bouge pas. Quand j’ai été en Ouzbékistan, par exemple, dont je connais très peu de chose, malgré l’éloignement géographique et culturel, malgré surtout le barrage de la langue, il y a eu un dialogue. Le fait qu’ils acceptent que je les photographie et que je sente une affinité avec cette population, c’est que, quelque part, il y a un fil conducteur au-delà du fait que nous sommes tous humains. Un fil intéressant, un filon à creuser, autour duquel il y a à réfléchir de façon positive. Les nationalismes provoquent généralement des réactions de rejet; je suis ce que je suis car je suis contre toi. Essayons d’aborder les gens autrement».
Iran, Ouzbékistan, Egypte, Turquie… et autrement s’effeuille à l’image d’une exploration historique et humaine de ces pays, par l’imaginaire et la poésie. Ceux de l’auteur qui croisent ceux des lecteurs. Arrêt sur un mot, un cliché, un détail, une nuance, une émotion saisie au vif, exprimée dans tous ses possibles. En attendant peut-être un second ouvrage, parce qu’Amine Issa compte bien poursuivre ses voyages; les Balkans, Azerbaïdjan, l’Arménie…
«Le monde est infini. Je ne comprends pas que quelqu’un puisse s’ennuyer sur cette terre».

Nayla Rached

Related

Mimosa, d’Alexandre Najjar. Sublime ode à toutes les mères

A l’aube de soi de Michèle Gharios. «Dénonçons la violence… dès aujourd’hui»

Mots sur couleurs de Zeina Nader Selwan. D’art, de voyages et d’émotions

Laisser un commentaire


The reCAPTCHA verification period has expired. Please reload the page.