Magazine Le Mensuel

Nº 2931 du vendredi 10 janvier 2014

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Culture

A place to stay de Pauline Drand. En attendant, la musique

Elle est une habituée du Liban, la Française Pauline Drand. Armée de sa guitare acoustique, elle s’est déjà produite dans plusieurs endroits de la ville au cours de ces dernières années, entre une visite et une autre. Et voilà que depuis quelques jours, depuis quelques semaines, les internautes ont eu l’occasion de voir, via YouTube et Vimeo, son premier vidéoclip tourné au Liban même. A place to stay. Un titre qui, paradoxalement, porte son contraire en lui-même. Un endroit qu’on pourrait appeler chez-soi. Est-ce encore possible en ce monde au bord du gouffre, qui va droit à la dérive, sans nulle échappatoire à l’horizon? «I don’t know a place to stay/why do colors never fade?/I don’t know a place to stay/Why do soldiers never fail?». De sa voix grave, enrobée de douceur, Pauline Drand nous transporte d’emblée dans son univers particulier. Entre le merveilleux, l’onirique, le réel, entre les couleurs et la transparence, l’envie de crier et le besoin de rêver. Filmée par Jad Safar, Pauline Drand se faufile au cœur de Beyrouth, ses ruelles, ses agoras, ses espaces publics, ses espaces intimes, longeant par moments la statue des martyrs, et par d’autres, la grande roue de Manara. L’image, menée par le chef opérateur Roody Khalil, se joue d’un effet d’hésitation saccadée qui épouse parfaitement l’esprit qui règne sur la vidéo, exacerbé par certains jeux de sons signés Charbel Haber, l’épicentre du groupe Scrambled Eggs. Et vous vous retrouvez à fredonner le refrain, presque obsessionnellement.

Afro-Arabia au Yukunkun
Quand la musique se fait urgence

Le 27 décembre, le Yukunkun a accueilli une soirée musicale qui sort de l’ordinaire au Liban. Pas de jazz, de blues, de rock, de pop… cette fois, c’est la musique touareg métissée de sonorités du désert qui était à l’honneur.
Ce n’était pas le lendemain, ni même quelques jours plus tard. C’était le soir même. Le soir même de l’explosion qui a secoué le centre-ville de Beyrouth, quelques heures après l’attentat qui a visé l’ancien ministre Mohammad Chatah. Aussitôt branchés sur les dernières infos, et les hésitations commencent. Entre l’espoir d’une annulation, la crainte d’une annulation, entre la lassitude et la colère, entre la décence et l’indécence, entre cette image usée de vouloir continuer à vivre malgré tout, de faire triompher la culture et l’art… Cela fait des années que ces pensées, ces images nous triturent. Des hésitations jusqu’à la dernière minute, au-delà de la confirmation du maintien de la soirée musicale. Le vendredi 27 décembre, au Yukunkun, à Gemmayzé, c’était l’événement Afro-Arabia Live Desert Music concocté par Mohammad Khochen.
Et c’était exactement ce qu’il fallait en ce soir plombé de noirceur. Une musique qui frôle le corps et l’esprit, tout en douceur, en nuances, en spiritualité. Une espèce de transe involontaire qui s’empare de vous, progressivement, lentement, pour éclater d’un coup, vous immerger malgré vous, au-delà de la réalité. La réalité du pays qui, pourtant, s’imbrique tellement à vos sens, jusqu’à en devenir une deuxième identité. Est-ce pour cette raison que le refuge dans l’art était, ce soir-là, encore tellement plus pressant, plus urgent, plus intense? Et vous voilà transposés ailleurs, vous voilà en transe.
Sur la scène du Yukunkun, dans l’une des ruelles de Gemmayzé, cinq musiciens dialoguent en toute chaleur; Riad Hawa au chant et à la guitare, Adel Minkara à la guitare, Bashar Farran à la basse, Jad Balaban aux percussions et Fouad Afra à la batterie. La synergie entre eux crevait la scène, chaque instrument se faisant tour à tour la résonnance de l’autre et correspondant par-delà les frontières et l’imaginaire à la sensualité de la musique du Sahara. Une musique qui, paradoxalement, semble vouloir retrouver ses racines, son écho, ici même. Et c’est bien d’ailleurs l’essence même de toute forme artistique, la musique avant toute chose.
Tinariwen, Ali Farka Touré, Bombino… toute cette musique sonnait différemment en ce 27 décembre au Liban. Passées les quelques premières minutes où l’hésitation épousait cette sorte de timidité première, toutes les réticences sont tombées. Les yeux fermés, les sens vibrant à la moindre note, le corps s’élançait d’un coup, indomptable, irrépressible. Les accords s’entrechoquaient en toute harmonie, quand, comme surgie de nulle part, une envolée spontanée de Jad Balaban aux percussions ajoutait à l’ambiance des flopées de jouissance. Et la voix de Riad Hawa reprenait, recommençait, tournait et nous faisait tournoyer. Tellement et tellement que le public n’a pas cessé d’en redemander encore et encore.

Dans les recoins de Beyrouth
The Unease of Michel Samaha: An intervention in a Court Case

Une invitation via Facebook qui semble intrigante, intéressante. La date est fixée au samedi 4 janvier, 20h, à l’espace 98 weeks, à Mar Mkhayel. Une lecture menée par Chaza Charafeddine et Roger Outa qui cherchent à s’interroger sur la relation entre le crime et le discours du criminel. Une relation qui repose, dans le cas de Michel Samaha, entre l’acte terroriste qu’il a commis et les justifications qu’il y a apportées en avançant comme défense «l’embarras», ou plus justement en arabe «al-i7raj wa al-mousayara». En se basant en partie sur les rapports et les procès-verbaux dans cette affaire publiés dans les médias, et empruntant à l’imagination, à la réflexion, à la théorie, les deux auteurs présentent une performance qui n’est pas près de s’oublier. L’embarras annule-t-il, allège-t-il la responsabilité et la criminalité de Samaha, ou est-il en soi le crime? Et les interrogations ne cessent de se succéder, entre l’humain et l’inhumain, le crime et les justifications, l’acceptable et l’inacceptable, la nature humaine et la société libanaise. En présentant dans une première partie une figure humaine de l’antagoniste, et dans une deuxième partie, une approche théorique du cas de l’embarras, en comparaison notamment avec la honte et la culpabilité, cette performance va au-delà de son approche première et pousse les interrogations jusqu’aux questions du libre arbitre, du crime, des coutumes sociales, de l’irresponsabilité. En espérant, peut-être, qu’on aura à nouveau l’occasion de voir cette performance. Pour s’interroger encore davantage.

Photomed Au Liban
Photomed a lieu dans le sud de la France. En invitant chaque année les artistes émergents de l’un des pays de la Méditerranée, le festival, mené par son directeur artistique Jean-Luc Monterosso, contribue aux échanges culturels entre les divers pays méditerranéens. Pour l’édition 2013, le Liban était à l’honneur. Et grâce à une initiative prise par les cofondateurs de Photomed, Philippe Heullant et Philippe Serenon, en collaboration avec Serge Akl, directeur de l’Office du tourisme, et Tony Hage, commissaire de la partie libanaise, Photomed est exporté, pour la première fois, hors les murs… au Liban! Du 17 janvier au 15 février:
16 janvier Inauguration à Byblos Bank où expose Nino Migliori.
17 janvier Inauguration à Solidere.
17h, Saïfi Village:

MR1 de Fouad el-Koury
La jeune photographie libanaise; Caroline Tabet, Emile Issa, Joanna Andraos, Lara Zankoul, Tanya Traboulsi, Mazen Jannoun et Ghadi Smat.
Les Grecs de Katerina Kaloudi.
18h, Souks de Beyrouth, Beirut Jewellery souks:

Portraits de Costa-Gavras, Fishermen de Stratis Vogiatziz et Portraits 1981-1985 de Tony Hage.
18 janvier Inauguration à l’Institut français de Beyrouth (12h-13h).

La Méditerranée de nos jours de Guy Mandery et Marseille précisément de Jacques Filiu.
17h-18h, à Station:

Inauguration.
Installation de vidéos de la collection de la Maison européenne de la photo. n

Agora
Au théâtre Tournesol

Agora 1 est une plateforme dédiée aux performances et aux débats autour des «theater laboratories» de Syrie, du Liban, du Maroc et de Tunisie. Sa mission: soutenir le jeune théâtre arabe et cherche à stimuler la communication et l’échange avec le public.
Agora-Liban est une association à but non lucratif dont l’objectif est de renforcer la vie culturelle dans toute sa diversité, en considérant que chaque citoyen a le droit de se déplacer, de s’exprimer et de discuter en toute liberté dans les espaces publics. Agora cherche ainsi à créer des liens organiques entre les arts, la culture et la société libanaise, à encourager les échanges créatifs entre artistes et intellectuels libanais et leurs collègues dans la région et dans le monde.
La première édition d’Agora aura lieu du 16 au 19 janvier, au théâtre Tournesol, en collaboration avec l’association Shams et Ettijahat Independent Culture.
Jeudi 16, 20h30
Lucena/Obedience Training, de la compagnie de théâtre Zoukak (Liban).
Vendredi 17, 20h30
Hadda, un concert théâtral de Dabateater (Maroc).
Samedi 18, 20h30
It happened tomorrow, de Oussama Ghanam (Syrie).
Dimanche 19, 10h30
Forum ouvert en présence de tous les participants, ainsi que de Moez Mrabet qui présentera à cette occasion The Tunisian Theatre Lab et sa première production Striptease.
Informations et réservations au théâtre Tournesol: (01) 381 290 – (03) 035 298.

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