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Nº 2940 du vendredi 14 mars 2014

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Une découverte qui inquiète. Un virus géant vieux de 30000 ans

Le réchauffement climatique, associé à des forages profonds, serait à l’origine du retour à la vie de virus contre lesquels l’homme n’est plus immunisé. Un virus vieux de plus de 30000 ans vient ainsi d’être retrouvé dans les sols gelés du nord-est de la Sibérie.

La découverte intrigue et inquiète. Dans la dernière publication des Pnas – des comptes rendus de l’Académie des sciences des Etats-Unis – une équipe internationale de chercheurs révèle avoir mis au jour «le plus gros virus jamais découvert». Baptisé Pithovirussibericum, ce virus affiche des mensurations impressionnantes: un diamètre de 0,5 micromètre et une longueur de 1,5 micromètre. Quant à son âge, il est lui aussi qualifié d’extraordinaire, puisqu’il a plus de 30000 ans. Ce qui correspond à l’ère du pléistocène supérieur, soit, pour les profanes, l’époque de l’extinction de l’homme de Neandertal. Le Pithovirussibericum a été découvert dans une couche de permafrost sibérien, dans la région autonome de Chukotka. Le permafrost est une couche du sol qui, du fait des températures extrêmement froides, reste majoritairement gelée, hiver comme été.
Toutefois, ce virus géant n’est pas la cause de l’inquiétude des chercheurs. Car il serait capable d’infecter des amibes, mais s’avèrerait en revanche inoffensif tant pour les hommes que pour les animaux. Pithovirus rejoint deux autres virus géants déjà détectés, le Mimivirus, découvert en 2003 et le Pandoravirus, décrit dans la revue Science en 2013.
L’une des particularités de ces virus géants est de renfermer un très grand nombre de gènes, par rapport aux virus plus classiques, comme ceux de la grippe ou du sida, qui n’en contiennent qu’une dizaine.
«La démonstration que des virus enfouis dans le sol il y a plus de 30000 ans puissent survivre et être encore infectieux suggère que la fonte du permafrost due au réchauffement climatique et l’exploitation minière et industrielle des régions arctiques pourraient comporter des risques pour la santé publique», commente le Pr Jean-Michel Claverie, directeur du laboratoire information génomique et structurale du CNRS-Université d’Aix-Marseille, l’un des
coauteurs de l’étude.
Car ce qui inquiète les scientifiques, c’est que d’autres virus, mortels pour l’homme, comme la variole, puissent également ressurgir, après une longue période de congélation dans le permafrost. «La possibilité d’une réémergence de virus considérés éradiqués, comme celui de la variole qui se multiplie de façon similaire à celle des Pithovirus, à partir de ce grand frigo qu’est le permafrost, ne relève plus d’un scénario de science-fiction», a souligné le Pr Claverie, lors d’une interview accordée à l’AFP. Il rappelle d’ailleurs que «la variole a sévi dans le temps en Sibérie».
Le danger est d’autant plus réel, qu’avec le changement climatique et la fonte des glaces en Arctique et du permafrost, qui en découle, des zones non accessibles jusqu’à présent, vont le devenir. «En creusant pour trouver du pétrole ou du gaz, des hommes pourront bien involontairement entrer en contact avec des microbes», s’inquiète le Pr Claverie. Et quand on sait que l’Arctique est considéré aujourd’hui comme le nouvel eldorado minier, on comprend effectivement l’enjeu du problème. Le Pithovirus a, par exemple, été découvert dans un échantillon à trente mètres sous terre. Depuis l’éradication de maladies comme la variole, les défenses immunitaires de l’homme ne sont plus aptes à les affronter. Selon les chercheurs, la variole, très meurtrière, n’a été en fait éradiquée qu’à la surface de la Terre (voir encadré). D’autres virus, comme la syphilis, la rougeole, la polio, pourraient aussi réapparaître en force.
Preuve supplémentaire des dangers de la fonte des glaces et du permafrost, la résurgence, ces dernières années, de la bactérie Bacillus anthracis, responsable de la maladie du charbon, qui infecte régulièrement les troupeaux de rennes domestiques. Plus récemment, un parasite protozoaire séquestré dans la glace a émergé, provoquant une mortalité étendue chez des populations de phoques gros et de mammifères polaires de l’Arctique.

Jenny Saleh

Qu’est-ce que la variole?
Appelée aussi petite vérole, la variole est une maladie infectieuse d’origine virale, très contagieuse et épidémique. Totalement éradiquée depuis octobre 1977, grâce à une campagne de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et des vaccinations massives, la variole se caractérise par des pustules sur le visage ou sur le corps, selon les types. Fléau redouté, elle tuait un malade sur cinq, voire un malade sur trois, chez les adultes.

 

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