Magazine Le Mensuel

Nº 2943 du vendredi 4 avril 2014

Presse étrangère

La stratégie de la peur

La période décisive qui s’est ouverte au Liban et dans la région plonge le Liban dans un tunnel sombre que la presse internationale analyse sous le prisme de l’inquiétude.

Al-Sharq al-Awsat
Téhéran, la tentation du pouvoir
Dans les pages Opinion du quotidien saoudien al-Sharq al-Awsat, Amir Taheri dénonce les objectifs secrets de l’Iran, au Liban, qu’il perçoit.
Jusqu’à récemment, les analystes de la politique régionale étaient d’accord pour expliquer qu’aucune des puissances impliquées dans la vie politique libanaise n’avait intérêt à plonger le pays dans une crise majeure. Trois raisons à cela, l’équilibre local des forces, le désintérêt des grandes puissances et le potentiel explosif du conflit en Syrie. Aujourd’hui cependant, les trois raisons citées pourraient devenir caduques. Pour commencer, le bloc dirigé par l’Iran se sent renforcé, considère qu’il a la main. La République islamique a réussi à enfermer les Etats-Unis dans des négociations interminables sur la question nucléaire, éliminant ainsi toute possibilité d’action militaire contre elle. Ensuite, bien que dépendante de nombreux impondérables, la situation en Egypte et en Irak a atteint un certain degré de stabilité. Même si elle s’avère être un stratagème temporaire, l’élimination des Frères musulmans de la scène égyptienne permet au bloc arabe qui s’inquiète des ambitions iraniennes de tourner son regard vers le Levant. Troisième raison, le tandem russo-iranien qui maintient le régime syrien au pouvoir est maintenant convaincu qu’il pourrait atteindre une sorte de victoire militaire.
Si prise de pouvoir par le Hezbollah il y avait, Khamenei pourrait réussir à détourner l’attention des grandes puissances en faisant des concessions sur la question nucléaire.

The Guardian
Beyrouth fait la fête dans la peur

Depuis plusieurs mois, The Guardian propose à ses lecteurs une couverture assez large de la vie des Libanais. Cette semaine, le quotidien britannique s’intéresse au sentiment d’insécurité qui paralyse le pays.
Le bus n°4 traverse le centre de Beyrouth. Le véhicule et ses sièges usés sont presque toujours pleins. Sur le pare-brise, un petit écriteau grossièrement conçu. Il demande aux passagers de déboutonner leurs vestes avant de monter. La peur des kamikazes. Ce panneau constitue la seule protection du chauffeur du bus contre le terrorisme. En surface, Beyrouth peut apparaître comme une ville détendue. Les bars sont bondés, les cafés du centre-ville débordent de colonnes de fumée de chicha et d’élégantes dames déjeunent – parfois seulement quelques heures après qu’une bombe eut explosé. Un étranger pourrait croire que les Libanais minimisent le risque, qu’ils ont fini par accepter une réalité effroyable.
Mais le fait est qu’il est incroyablement stressant de vivre dans ce qui est aujourd’hui l’une des villes les plus instables de la planète. Beyrouth est un lieu qui a appris à vivre de façon créative avec le risque. Et la situation empire. La violence n’a rien de nouveau au Liban. Beaucoup de Beyrouthins ont tendance à compartimenter leur vie afin de se protéger psychologiquement. Aujourd’hui, la violence n’est plus ressentie comme quelque chose qui vient d’ailleurs.

Libération
Contre la «syro-phobie»

Libération rend compte d’une campagne antiraciste sur les réseaux sociaux libanais.
Une campagne de «soutien aux Syriens victimes de racisme» a été lancée depuis une semaine sur Facebook. «Nous avons voulu créer une plate-forme de discussions pour montrer que les réfugiés syriens ne doivent pas être considérés comme responsables de l’insécurité et de la crise économique qui frappent le Liban depuis la guerre en Syrie», explique Saad, l’un des fondateurs de la campagne. En quelques jours, les internautes ont publié des dizaines de messages en soutien aux Syriens: «Le Syrien est mort une première fois en fuyant son pays, ne le tue pas une seconde fois avec ton racisme!», «Tout Syrien n’est pas un criminel, tout Libanais n’est pas un innocent», «Un jour, un Syrien nous a rendus fiers, toi et moi»… Une semaine après sa création, la page totalise déjà plus de 10000 fans.
«Une partie des Libanais accuse les Syriens de prendre leur travail, d’introduire des armes dans le pays, de ternir l’image du Liban. La télévision libanaise diffuse régulièrement des sketchs racistes sur les Syriens sans déclencher de réaction», poursuit l’activiste, initiateur de la campagne avec plusieurs membres du Mouvement contre le racisme, une association libanaise connue pour lutter contre les discriminations visant les travailleurs migrants.
A l’origine, c’est la création d’une page Facebook intitulée Le mouvement nazi libanais contre la présence syrienne au Liban qui a poussé les activistes à réagir.

 

The Sydney Morning Herald
Ersal soigne les rebelles

Le quotidien australien The Sydney Morning Herald a suivi un rebelle syrien de Yabroud à Ersal.
Le jeune commandant rebelle syrien, Mohammad, boite à la suite d’une blessure subie dans «la folie» des bombardements de l’armée de sa région natale du Qalamoun, comme il le dit en racontant son évacuation périlleuse à travers la frontière libanaise.
Pendant les derniers jours de la bataille de Yabroud, «il y avait des bombardements dingues. Douze hommes sont morts autour de moi, un seul homme a survécu», explique le combattant de 26 ans. «J’ai été emmené à Ersal pour le traitement parce que l’hôpital de camp dans Yabroud n’était pas équipé pour m’aider».
Le voyage du Qalamoun à Ersal, le long d’une route dangereuse de montagne, «c’était l’enfer». «Ils m’ont conduit ici dans la nuit pendant deux heures, avec les phares éteints et un hélicoptère de l’armée de l’air syrienne qui stationnait au-dessus de nous», dit-il, ajoutant qu’il était dans une «immense douleur». Dans l’une des cliniques de Ersal, Marwan, un rebelle de 23 ans, partage une chambre avec trois autres hommes, la jambe droite émaciée après avoir perdu sa jambe gauche lors d’un bombardement de l’armée.

The New York Times
La détresse des réfugiés

Plus habitué à reproduire des dépêches d’agence lorsqu’il s’agit d’évoquer les dossiers libanais, The New York Times consacre un reportage à cette réfugiée syrienne qui s’est immolée par le feu.
Mariam el-Khawli, réfugiée syrienne d’une cinquantaine d’années, s’est immolée par le feu sous les yeux de ses quatre enfants. Elle faisait la queue devant un centre de l’Onu, dans la ville de Tripoli, pour réclamer une aide alimentaire, comme des centaines de réfugiés.
Abou Riad el-Amudi, un vendeur ambulant qui se trouvait près du centre, a raconté la scène: «Elle a dit: “Cela fait trois jours que je viens ici pour recevoir de l’aide pour moi et mes quatre enfants et à chaque fois, on me renvoie et on me promet de l’aide si je reviens le lendemain. Mais ces promesses sont vides”. Puis, avec ses enfants debout à côté d’elle, elle a sorti de son sac une petite bouteille d’eau en plastique, en versant le contenu sur sa tête et ses habits. C’était du gazole. Elle a pris un briquet et s’est immolée». Aussitôt, plusieurs personnes ont enlevé leurs vestes pour couvrir la femme et l’ont aspergée d’eau. Elle a été transportée à l’hôpital.
Depuis le début de la guerre en Syrie il y a trois ans, plus d’un million de Syriens sont réfugiés au Pays du Cèdre. Ils vivent dans des abris de fortune construits avec des plaques de tôle, ou des murs en béton montés à la hâte, des bâches en plastique et des cartons ficelés pour se protéger du froid.

Julien Abi Ramia

Top Thèmes
La question sécuritaire est évidemment au cœur des préoccupations de la presse internationale cette semaine. Le dernier attentat à la voiture piégée dans la Békaa a fait les gros titres, tout comme les affrontements qui ont émaillé la ville de Tripoli depuis plusieurs jours. D’autres titres préfèrent s’intéresser à la situation à la frontière libanaise entre Ersal et Qalamoun, une région où les rebelles syriens ont élu domicile pour éviter les coups des forces du régime et de ses alliés.  

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