Magazine Le Mensuel

Nº 2948 du vendredi 9 mai 2014

Affaire Déclassée

Depuis les années 50. La politique étrangère divise les Libanais

Dès la naissance de la République arabe unie, en 1958, la tension a régné au Liban. Les Libanais sont divisés, comme toujours, entre partisans et opposants de la RAU. Les partis de droite attaquent ouvertement cette nouvelle République, et ceux de gauche ne calment pas le jeu. Au contraire, ils contribuent à attiser la tension.
 

Le 8 mai 1958, le drapeau de la République arabe unie, hissé sur la citadelle de Tripoli, déclenche des affrontements dans les grandes villes du Liban entre partisans du président Camille Chamoun et les milices nationalistes arabes. Damas fournit des armes et de l’argent aux baassistes libanais.
La situation se dégrade très vite et les incidents se multiplient dans plusieurs régions. Le 5 mars 1961, des délégations populaires prennent le chemin de Damas dans un convoi d’autobus. Elles brandissent des portraits de Jamal Abdel-Nasser et diffusent des slogans rendant hommage au président égyptien. Arrivé à Kahalé, sur la route de Damas, le convoi est attaqué à coups de pierres par les habitants qui jugent provocants ces slogans. Six personnes sont blessées dont une grièvement. Aussitôt, les forces de l’ordre interviennent, arrêtent vingt-six personnes et les défèrent devant la justice où ils sont soumis à un interrogatoire serré.
La tension est alors à son comble. Kamal Joumblatt avait, quelques jours plus tôt, interdit les partis Kataëb, PPS (actuel PSNS) et PNL et appelé à un remaniement du cabinet. Il demande qu’une délégation officielle soit dépêchée à Damas et que soit fermée l’école de Chemlane comme les centres culturels relevant des ambassades étrangères, ainsi qu’une meilleure coopération sécuritaire avec la RAU.

 

Coups d’Etat en Syrie
L’incident de Kahalé attise la tension à tous les niveaux. Les autorités prennent des mesures radicales. Elles suspendent certains journaux pour empêcher la publication de caricatures ou d’articles prenant position avec les uns ou les autres. Joumblatt va plus loin. Il rejette la responsabilité de l’incident sur «ceux qui tentent, avec la complicité de l’étranger, de créer une patrie chrétienne au Liban, renforçant les courants unionistes arabes».
La justice suit son cours. Les responsables, parmi les habitants de Kahalé, passent en jugement et la responsabilité de dix-neuf d’entre eux est retenue.
En septembre 1961, la RAU disparaît, mais L’Egypte continue à porter officiellement ce nom jusqu’en 1971. Le cours des événements dans la région changera avec les coups d’Etat successifs en Syrie.
Le 8 mars 1963, à Damas, la perspective d’une nouvelle République arabe unie est relancée à la suite d’un coup d’Etat. Le spectre du nassérisme réapparaît.
Beyrouth, qui reconnaît le nouveau régime syrien, aura bientôt d’autres préoccupations importantes. Les médias égyptiens se lancent dans une violente campagne contre les dirigeants libanais dont ils dénoncent la neutralité dans les contacts unionistes ouverts entre Damas, Bagdad et Le Caire. Les autorités libanaises redoutent la relance du clivage de 1958 opposant pronassériens, partisans de l’unité arabe et ceux qui avaient combattu Nasser et la RAU au Liban.
La tension interne revient encore plus forte, surtout avec les positions de Joumblatt qui se prononce en faveur de l’union arabe. Les Kataëb dénoncent ce comportement contraire à la politique du gouvernement dont Joumblatt est membre, mais aussi à celle du régime. Le chef de l’Etat, Fouad Chéhab, réagit et met en garde contre une politique étrangère du pays altérée par des prises de position individuelles de qui que ce soit.

Les informations citées dans cet article sont tirées du Mémorial du Liban – le mandat Fouad Chéhab, de Joseph Chami et des articles sur Internet.

Contexte régional troublé
Le coup d’Etat de 1963 en Syrie suit de quelques semaines celui  survenu, quelques semaines plus tôt, à Bagdad. Les communistes prennent position contre le putsch soutenu par Bagdad. Des pronassériens manifestent à Beyrouth et dans diverses régions, arborant drapeaux et portraits de leaders non libanais. Des affrontements font trois blessés à Tripoli et à la Forêt des Pins dans la capitale. Le ministère de l’Intérieur interdit les manifestations.

Arlette Kassas

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