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Nº 2948 du vendredi 9 mai 2014

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Prochain rendez-vous le 15 mai. Présidentielle: que du vent…

Face à l’imminence de la fin du délai constitutionnel, l’impasse des trois dernières séances laisse place à l’émergence de nouveaux candidats de consensus avant le 15 mai; à l’espoir d’un miracle de dernière minute avant le 25 et au vide présidentiel que seule tranchera une entente régionale.
 

Mercredi matin, place de l’Etoile, l’élection suprême a pris un nouveau tournant. Pendant trois semaines, au soutien de Saad Hariri et du 14 mars à la candidature de Samir Geagea, ses opposants ont répondu par le dédain et la politique de la chaise vide. La veille, par la voix de Salim Jreissati, le bloc parlementaire du CPL a défendu la légitimité de sa stratégie. «Le fait de provoquer un défaut de quorum ou d’assurer ce dernier est un droit politique par excellence qui ne contredit point la pratique de la démocratie, surtout si l’absence du député avait pour raison le refus de tout président élu à la suite d’un compromis», a expliqué le constitutionnaliste et ancien ministre. «Ce que nous bloquons est le vide masqué à la présidence ou plutôt les projets de la confrontation». Tout pour Michel Aoun. Les éléments de langage sont rodés. Non à un candidat de compromis «qui ferait des concessions sur les piliers de l’Etat libanais», oui à un président «capable, consensuel et rassembleur». Sans accord préalable, pas de quorum; sans quorum, pas d’élection. Qui peut casser le cercle vicieux?
Le 14 mars prépare déjà le coup d’après. Avec le leader des Forces libanaises en tête de gondole. Mardi, lors de sa réunion hebdomadaire, le bloc du Courant du futur lui a réitéré son soutien. En faisant ce choix, Saad Hariri aura réussi à ressouder les rangs de la coalition qu’il dirige. La page de la formation du gouvernement et «des divergences tactiques» est tournée. En soutenant Samir Geagea, sa candidature clivante et le projet de la Révolution du Cèdre qu’il porte, le leader naturel du mouvement joue la carte de l’unité, du bloc compact. Tout ceci a peu à voir avec la compétition présidentielle et les têtus rapports de force au Parlement. Geagea aura beau dénoncer «le coup contre la Constitution» orchestré par les partis qui n’assurent pas le quorum, ses chances d’accéder à la présidence sont minces. Place à des candidats moins marqués et celui qui s’est le plus ouvertement manifesté cette semaine, c’est Amine Gemayel.
Prenant appui sur son profil plus rond, le leader des Kataëb a pris la parole lundi. «Le processus de l’élection présidentielle est devenu très inquiétant en raison des obstacles et des complications qui l’entravent». Ce qui, selon lui, met «la République en danger» en raison de la faillite des institutions constitutionnelles. Il a donc décidé de réagir au plus vite pour «tenter de provoquer un sursaut national pour sauver la République». Mardi, Amine Gemayel s’est rendu à Maarab pour y rencontrer Samir Geagea, toujours candidat du 14 mars, selon le premier. A l’issue d’un entretien de près de trois heures, l’ancien président s’est exprimé: «Nous voulons un président qui rassure les chrétiens et les Libanais, un président doté d’un véritable pouvoir et qui ne se contente pas de diriger le palais présidentiel». Mercredi, il s’est rendu à Rabié pour y rencontrer cette fois Michel Aoun. Entretien cordial à l’issue duquel ils ont convenu qu’il était «obligatoire que l’échéance ait lieu dans les délais constitutionnels pour sauvegarder les institutions et la stabilité».
L’initiative d’Amine Gemayel est le résultat d’une synthèse entre les deux courants qui s’opposent au sein de son parti. Les premiers veulent solidement ancrer les Kataëb au sein du 14 mars, d’où le soutien exprimé à Samir Geagea. Les autres, amener Gemayel à se positionner comme candidat potentiel à la présidence de la République, d’où la rencontre avec les deux leaders de la communauté chrétienne. Si le 14 mars, Geagea d’abord, Hariri ensuite, venait à soutenir une candidature Gemayel, certains cadres à Bikfaya donnent de grandes chances à leur président. Au-delà du 14 mars, Walid Joumblatt pourrait se laisser convaincre, voire Nabih Berry. Comme Aoun ou Frangié de l’autre côté, Gemayel pose sa candidature sans se déclarer.
Avec le leader druze et le président du Parlement, le leader des Kataëb compte sur le soutien du patriarche Béchara Raï. Avant le 25 mai, les trois hommes seront les clés. Joumblatt pour basculer la majorité, Berry pour assurer le quorum et le chef de l’Eglise pour entériner le choix. Eux, comme tous les autres en réalité, ont compris que le profil du prochain président devra avant tout être consensuel. Chacun des trois ont leur candidat de cœur − Henri Hélou, Jean Obeid, Ziad Baroud − mais ils savent que leurs chances dépendent avant tout de leur capacité à infléchir les positions du 14 mars, du Hezbollah et du CPL. Leur objectif? Comme celui de tous les autres, garder leurs chances intactes. Le blocage qui s’est figé depuis la première séance élective était aussi prévisible que souhaitable à leurs yeux. Pour proposer une alternative à l’impasse, il fallait d’abord qu’ils y foncent tête baissée, avec toutes les précautions d’usage et de langage évidemment. C’est désormais chose faite, d’autant que le trident a également compris que les puissances étrangères n’étaient pas encore invasives.     
Dans les salons des ambassades, les messages des nations mères qui comptent sont limpides: la situation régionale est encore trop incertaine; ce qui compte, c’est la continuité institutionnelle. C’est ce que martèle sans cesse l’ambassadeur de Russie, Alexander Zasypkin, par exemple à ses interlocuteurs libanais. Inlassablement interrogé sur la position de son pays vis-à-vis de l’Iran et de l’Arabie saoudite, il concède que les élections irakiennes et égyptiennes fourniront des réponses. Autrement dit, que la question de la présidence libanaise vient en troisième rideau. Du côté de la représentation américaine au Liban, on acquiesce en ajoutant que ce dossier est en ce moment régenté par la diplomatie française. La semaine dernière, le président François Hollande s’entretenait avec Walid Joumblatt sur la question, soulignant «l’importance de respecter les délais constitutionnels afin de maintenir la stabilité et l’entente entre Libanais».
Autre signe diplomatique fort, le retour vendredi dernier de l’ambassadeur d’Arabie saoudite au Liban, Ali Awad Assiri, qui avait quitté le pays «en raison de la détérioration de la situation sécuritaire». Il s’est tout de suite entretenu avec le président Michel Sleiman, le Premier ministre Tammam Salam et le président du Parlement, Nabih Berry. Un retour aux affaires au timing loin d’être innocent. Riyad est au centre des convoitises des candidats à la présidence. Michel Aoun et Gebran Bassil attendent toujours un signe, et l’ambassadeur des Etats-Unis posté à Beyrouth, David Hale, multiplie les navettes avec le pays. L’Arabie saoudite entend les discours du Hezbollah et de l’Iran qui appellent à l’élection d’un président qui protégerait la Résistance. Elle sait aussi qu’en appuyant la formation du gouvernement Salam, elle a contribué à combler un éventuel vide à la tête de l’Etat. Un vide qui se rapproche dangereusement et qui ouvre des perspectives politiques incertaines. A moins que sous la houlette de Riyad et de Téhéran qui se seraient mis d’accord avec le blanc-seing des Etats-Unis, une solution miracle n’apparaisse. 



Inquiétude des évêques
Le Conseil des évêques maronites libanais s’est dit inquiet, mercredi à l’issue de sa réunion mensuelle, d’une éventuelle vacance à la présidence à la lumière des propos tenus par certains députés libanais sur la question. «Nous rappelons qu’il est du devoir des députés d’élire un président», ont souligné les évêques. Ils ont appelé à l’élection d’un président «compétent et responsable», à la «hauteur des défis locaux et régionaux», afin d’éviter toute nouvelle crise. Le Conseil des évêques s’est, par ailleurs, félicité de l’amélioration de la situation à la suite de la mise en œuvre des plans sécuritaires au Liban-Nord et dans la Békaa.

Julien Abi Ramia

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