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Nº 2950 du vendredi 23 mai 2014

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Le vrai du faux. La polémique sur les prix des médicaments

Grâce à une collaboration ininterrompue entre les secteurs public et privé, le Liban est l’un des pays de la région qui bénéficient des réglementations les plus avancées en matière de conditions d’enregistrement et de tarification des médicaments. Ces critères ont l’avantage d’être transparents et capables d’évoluer de façon dynamique pour pallier les failles et rester adaptés aux exigences de plus en plus strictes du secteur aux niveaux international et régional.
La mission d’établir  les bases de fixation des prix des médicaments est confiée par le législateur au ministre de la Santé publique (Article 80 de la loi # 367 du 1er août 1994). Cette mission a toujours fait l’objet de tiraillements naturels entre le ministre et les parties prenantes, fabricants, importateurs et pharmaciens, puisqu’il s’agit de chercher l’intérêt des citoyens et des tiers payants en fixant les prix au plus bas possible, tout en reconnaissant aux parties prenantes leur droit à une rémunération légitime. Sans oublier que, pour le consommateur, quel que soit le prix d’un médicament, il est toujours trop cher, puisque c’est le seul produit qu’il achète malgré lui.
Armand Pharès, président du Syndicat des importateurs de médicaments, simplifie pour Magazine le processus d’enregistrement et de tarification des médicaments, qui remonte aux années 50. A cette époque, explique-t-il, la tarification des médicaments contenait déjà les trois étapes essentielles:
la fixation du prix d’importation (FOB ou CIF);
la structure de conversion du prix d’importation au prix public (incluant les pourcentages consentis pour couvrir les frais de transport, assurance, dédouanement, la marge de l’importateur/distributeur et celle du pharmacien);
le taux de conversion en livre libanaise de la devise d’importation.
Les décisions ministérielles 306/1 du 9 juin 2005 et 51/1 du 24 janvier 2006 ont introduit les éléments suivants:

Des critères supplémentaires pour la fixation des prix d’importation: cinq nouveaux pays voisins en plus de la Jordanie et de l’Arabie saoudite (Koweït, Oman, Emirats arabes unis, Bahreïn, Qatar) et le prix médian dans sept pays de référence européens (France, Royaume-Uni, Belgique, Suisse, Italie, Espagne et Portugal).
La répartition des produits en quatre catégories de prix (moins de 10 dollars, entre 10 et 50 dollars, entre 50 et 100 dollars, au-dessus de 100 dollars), avec structures dégressives de conversion au prix public.
L’obligation de révision systématique des prix tous les cinq ans.
La décision ministérielle # 728/1, publiée au Journal officiel le 5 septembre 2013 et mise en application en avril 2014, a introduit de nouvelles conditions de tarification des «génériques» et des produits fabriqués localement. En exigeant que le prix d’importation d’un produit générique:

soit inférieur de 30% au prix de son princeps lors de son enregistrement;
qu’il subisse la moitié des baisses successives de prix du princeps (médicament innovant) après son enregistrement;
qu’il ne puisse à aucun moment être supérieur à celui du princeps.
La décision 728/1 a permis la baisse des prix de plus de 600 produits génériques avec un avantage immédiat pour les patients et les tiers payants (CNSS et autres).
La décision ministérielle # 796/1 datée du 17 avril 2014 et parue au Journal officiel le 8 mai a introduit les modifications suivantes:
n Le prix d’importation (FOB ou CIF) doit désormais être inférieur au «plus bas» (au lieu du «médian») des prix de référence dans les sept pays européens de référence. Une 5e catégorie de prix (E) a été créée réduisant substantiellement la structure de conversion au prix public conformément au tableau ci-dessus.
En introduisant ces changements, la décision 796/1 a essayé de réparer les distorsions de prix (prix public Liban vs prix public pays d’origine, niveau appelé «head to head») que le système de tarification en vigueur avait engendrées. Ces distorsions n’existaient pas en 2005/2006, puisque le nombre de médicaments dont les prix d’importation dépassaient les 100 dollars était relativement réduit. En revanche, depuis deux à trois ans, même le nombre de produits dont le prix dépasse 1 000 dollars n’était plus négligeable.
Bien que mises en application dès leur publication au Journal officiel, le 8 mai dernier, les mesures arrêtées dans cette dernière décision ministérielle # 796/1 sont encore l’objet de contestation de la part des parties prenantes pour ce qui concerne la structure de conversion de la catégorie E, qui ne rémunère pas, à leur juste valeur, leurs contributions professionnelles respectives. N’oublions pas que c’est grâce aux importateurs/distributeurs, aux pharmacies et aux hôpitaux que le corps médical et les patients libanais trouvent à leur disposition, à tout moment et sans interruption, les médicaments dont ils ont besoin, des plus courants jusqu’aux plus avancés, traitant les maladies chroniques et dégénératives, sans compter la chaîne ininterrompue de responsabilités qu’ils assurent, du fabricant au citoyen.

Liliane Mokbel

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