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Nº 2981 du vendredi 26 décembre 2014

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Joseph Ghosn. En musique ou ailleurs, l’important c’est l’identité culturelle

Comme beaucoup de Libanais ayant fui la guerre, Joseph Ghosn s’est construit ailleurs. Sa force et son goût pour la mode et la musique, il les puise dans son mélange culturel. Après huit ans d’expérience aux Inrocks, il accède au poste de rédacteur en chef des sites du groupe et d’un magazine, Obsession, rattaché au Nouvel Observateur, récemment disparu. Rencontré au Salon du livre à Beyrouth où il était invité, il nous parle de musique et de mode.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes musiciens libanais qui veulent s’exporter?
Je n’ai pas de conseils précis à leur donner. Je crois cependant qu’il existe une tentation de copier ce qui se passe ailleurs pour essayer d’entrer dans le cercle fermé des musiciens à succès. Mais pour réussir, il faut au contraire, garder sa singularité et faire une musique correspondant à son identité. La recette miracle n’existe pas. Vos particularités vont, à un moment donné, vous faire exister et devenir un modèle pour les autres grâce à ce qu’il y a de surprenant chez vous. Mais si vous êtes un groupe, cela ne sert pas à grand-chose.

Côté mode, les tendances en France et au Liban sont-elles complémentaires ou opposées?
Je n’ai jamais vu la mode sous cet angle, mais c’est intéressant d’y réfléchir. On pourrait avoir tendance à dire que la mode est liée à une histoire, à une culture. Mais à mon sens, cela se complète et se construit différemment. On pourrait imaginer cela comme une pyramide. Paris serait tout en haut. Mais je ne pense pas qu’il y ait une opposition. Je pense que chaque pays a une mode spécifique conforme à la fois à son identité culturelle et à son marché. La mode conçue au Liban est en fonction de l’intérêt que lui portent les Libanais. Cet intérêt ne sera pas le même en France. Néanmoins, nous sommes aujourd’hui dans un monde qui a tendance à s’uniformiser. Les oppositions étaient beaucoup plus marquées il y a dix ou quinze ans. On peut aussi relever que chaque ville a ses spécificités, les silhouettes sont différentes entre Paris et Marseille, comme elles le sont entre Beyrouth et Tripoli.

Comment expliquez-vous le succès de certains créateurs libanais en France?
Je ne les vois pas spécialement liés à la France. La silhouette créée par Elie Saab n’est pas forcément la parisienne, comme vous pouvez l’imaginer, mais en revanche, ils sont très bien implantés en France. Les collections d’Elie Saab, comme celles des maisons italiennes et autres, sont présentées à Paris. Cette ville est incontournable en termes de mode et de défilés. Dans la hiérarchie, Paris est ce qu’il y a de plus haut pour les défilés, ce serait quelque chose du genre, Paris, Milan, New York et Londres! Le fait de se trouver à Paris est génial. Elie Saab a su internationaliser sa conception de la silhouette en profitant de ce monde dans lequel on vit actuellement, un monde de plus en plus à l’affût de tapis rouges et d’images de stars, un monde où l’on cherche en permanence le glamour. Les actrices et les personnalités portent ses vêtements. C’est un challenge pas facile et qu’il a réussi.

Parlez-nous de vos œuvres notamment sur la musique numérique sorties l’année dernière?
Dans mon dernier ouvrage, il s’agit d’un musicien du nom de Sun Ra, et le précédent porte sur la musique numérique et la façon dont le numérique a changé la musique. On l’écoute différemment, on la compose autrement. Je pense qu’il est de plus en plus dur pour les musiciens qui veulent percer s’ils n’ont pas tout de suite un tube. Ils sont condamnés à rester longtemps, j’allais presque dire, dans le prolétariat de la pop. Aujourd’hui, des milliers de groupes font de la musique et la mettent sur YouTube… Tout est devenu facile à diffuser et produire, l’entrée dans le jeu donne l’illusion d’y participer sauf que les règles ne sont plus les mêmes. Les gens dont la musique est la plus diffusée sont les gens les plus connus. C’est une prime à la notoriété. Cela veut dire qu’un musicien ne se limite pas à faire de la musique, mais il doit se construire une image, un personnage et celle-ci en fait partie. Ainsi, à titre d’exemple, on entend tout autant parler de Rihanna par sa musique que par ce qu’elle poste sur les réseaux sociaux. C’est devenu presque une obligation, car le public vous zappe très vite malheureusement.

Quel regard portez-vous sur le Liban maintenant? Pensez-vous y revenir?
Mon regard est peut-être difficile, car je suis en quelque sorte «un étranger», alors parfois je regrette certaines choses. Certains aspects hyper occidentalisés d’ici me désolent un peu. Toutes ces enseignes que nous retrouvons dans les rues parisiennes ou de n’importe quelle capitale européenne, je trouve cela dommage. Ce n’est pas cela qui maintient la spécificité et qui fait la ville, mais je peux le comprendre! En ce qui concerne un éventuel retour, ce n’est pas prévu dans un futur proche, mais la question reste ouverte!
 

Propos recueillis par Anne Lobjoie Kanaan

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