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Nº 2984 du vendredi 16 janvier 2015

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Samandal en sa nouvelle formule. Histoires graphiques d’ici et là

Généalogie est le titre du premier volume de la nouvelle formule adaptée par la revue Samandal. Les dessins et les mots voyagent à travers des «histoires graphiques d’ici et là».

La revue Samandal change de peau. Son format s’agrandit, plus large qu’un format A4, et elle se transforme en publication annuelle à chaque fois dirigée par un rédacteur différent choisi par le comité de rédaction. Dans sa nouvelle formule, elle rassemble des «histoires graphiques d’ici et là», au lieu des anciennes «histoires d’images d’ici et là». Généalogie est le titre du premier volume dirigé par Rima Barrack. «La généalogie est supposée être verticale, se prolonger entre ancêtres et descendants, au sein d’une famille où l’on apprend de ses aînés», écrit-elle dans son édito. «Pourquoi ne pas aborder la généalogie de façon horizontale, et du point de vue du langage de la narration visuelle? C’est l’aventure dans laquelle je me suis lancée, à la recherche de liens entre artistes de générations et lieux géographiques différents».
Le volume comprend vingt illustrations de vingt-deux artistes, dont Zeina Abirached, Akram Zaatari, Laure Ghorayeb, Golo, Migo, Baladi, Nawal Abboud, Paula Bulling, Joseph Kai, Mazen Kerbaj, Hatem Imam, Lena Merhej… certains appartenant déjà à «la famille Samandal».
D’emblée, le livre emmène le lecteur dans une sorte de jeu de piste, de puzzle ou de chassé-croisé à la suite d’illustrateurs dont il connaît peut-être déjà l’univers ou qu’il découvre pour la première fois. A l’instar d’un journal Spirou ou Tintin, entrée de plain-pied dans une multitude d’univers, au cœur de la pensée et de la plume de dessinateurs libanais, arabes et étrangers. Mais à la différence des journaux précédemment cités qui s’inscrivent tous dans la même lignée de l’école franco-belge, les planches de Généalogie déploient tout autant un florilège d’influences puisées çà et là, ainsi que des caractéristiques particulières et originales à chacun des dessinateurs, avec lesquels le lecteur prend le temps de se familiariser, lecture après lecture, si tant est que le mot «lecture» puisse s’appliquer réellement à l’univers du 9e art.
«Je suis parti d’ici… et j’ai regardé là… Le point de départ est le Liban et l’horizon est le monde entier. Entre ces deux espaces, le monde arabe et les diasporas». Le travail effectué en amont de la publication semble énorme, voire gigantesque, à lire les propos de Rima Barrack qui a voulu et tenu à suivre les artistes tout au long de leur démarche, leur soumettant un questionnaire «pour mieux comprendre leur méthode de travail et connaître leur filiation artistique». Le lecteur se trouve ainsi plongé dans ces moments d’intimité privilégiés entre l’artiste et son œuvre, pour suivre, lui aussi, l’instant créatif où finalement tout s’agence. Parsemés dans les premières pages du livre, entre les biographies des contributeurs et l’édito, les mots des dessinateurs sur le processus créatif, sur l’art, saisis au vif des doutes, des aspirations, des inspirations, ces dernières puisées elles-mêmes de différents modes d’expression artistiques, entre la peinture, le cinéma, la sculpture, la musique… parce que, comme le dit le Français Baudoin, «faire de l’art c’est essayer de donner envie de vivre, de danser, de chanter, de faire l’amour à celui qui regarde ou entend»; ou parce que, pour reprendre les propos du Belge Louis Joos, «quand j’ai vu Thelonious Monk jouer, j’étais tellement heureux. Le concert terminé, j’étais déprimé et démuni… Ces personnalités si marquées et si étranges sont une superposition de nonchalance, de virtuosité, de profondeur… J’avais un désir, dessiner cette musique»; ou encore parce que, comme le souligne l’Algérienne Nawel Louerrad, «la simultanéité des scènes qui s’offrent à nous sur une seule ou double page s’appréhende déjà comme un tout autre niveau de lecture, où passé, présent et futur coexistent et se contaminent».
Ce sont exactement les sensations qui émergent en feuilletant, au fil des minutes et des jours, les quelque 300 pages de cet ouvrage, pour s’émerveiller presque inconsciemment, comme première réaction du moins, devant telle ou telle planche, ou pour découvrir encore, immense coup de cœur, de Rima Barrack en tête, le délicieux univers d’Ahmed Bouanani, poète, romancier, cinéaste et dessinateur, qui est une figure marquante de la scène artistique marocaine. Trois ans après sa mort, et grâce à la collaboration de sa fille, Rima Barrack a pu obtenir quelques-unes de ses pages parues dans le journal al-Maghrib dans les années 80, pour les publier dans cet ouvrage, pour notre plus grand plaisir. Et le plaisir se poursuivra longtemps encore…

Nayla Rached

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