Magazine Le Mensuel

Nº 2985 du vendredi 23 janvier 2015

à la Une

Le Hezbollah en Syrie. Mission et objectifs

La présence de l’un des plus haut gradés du Hezbollah en Syrie et d’un général des Gardiens de la Révolution iraniens, tués avec cinq autres combattants du parti par un raid israélien à Qoneitra, sur les hauteurs du Golan, montre l’importance stratégique que revêt la région où les forces militaires du Hezbollah affrontent Israël et la rébellion syrienne.
 

Il est aux alentours de midi, ce 18 janvier, à Harfa, dans le gouvernorat de Qoneitra, à tout juste quatre kilomètres à l’est de la lisière du no man’s land qui sépare Israël de la Syrie, sur le plateau du Golan. Israël n’est qu’à sept kilomètres à vol d’oiseau. Un cadre du Hezbollah, Mohammad Issa, et un général iranien, Mohammad Ali Allah-Dadi, quittent un compound. Issa est accompagné par cinq autres combattants du parti dont Jihad Moughnié, le fils de l’ancien commandant en chef de la Résistance islamique, Imad Moughnié, assassiné en 2008 à Damas. Les sept hommes embarquent à bord de deux voitures, une Jeep Cherokee et une Kia Cerato. Ils prennent la direction de Hader, à la frontière du Golan syrien, pour une tournée d’inspection autour de Mazraat al-Amal. Après avoir passé le poste d’observation 30 de la Force des Nations unies, chargée d’observer le désengagement (FNUOD), un hélicoptère de l’armée israélienne apparaît et tire deux missiles en direction du convoi. La cible est atteinte. Il n’y a pas de survivants.
 

Le Golan, le deuxième front
Que faisaient ensemble un responsable du Hezbollah et un général des Gardiens de la Révolution dans cette région particulièrement sensible? Dans un communiqué, le département des relations publiques de l’unité d’élite des forces armées iraniennes a déclaré que le général «défendait les lieux saints et le peuple syrien opprimé» et qu’il «assurait les consultations pour le soutien du gouvernement et du peuple syriens face aux takfiristes» en présentant «des conseils décisifs». En clair, l’un des généraux envoyés par Téhéran pour soutenir le régime syrien pour sa lutte contre la rébellion islamiste. De son côté, le Hezbollah décrit Mohammad Issa comme l’un de ses responsables chargés des dossiers syrien et irakien. Leur mission? Coordonner la mise en place d’une force militaire chargée de reprendre en main la zone frontalière du Golan syrien où une autre guerre a lieu, un peu différente de celle qui se déroule ailleurs sur le territoire syrien.
Trois jours auparavant, dans un entretien accordé à la chaîne de télévision panarabe al-Mayadeen, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, avait menacé d’exercer des représailles contre les frappes répétées d’Israël sur la Syrie. Il avait ajouté que son organisation était prête à occuper la Galilée et même des territoires «au-delà de la Galilée». «Les raids répétés qui ont frappé plusieurs cibles en Syrie sont une violation majeure, et nous considérons que toute frappe contre la Syrie est une frappe contre l’ensemble de l’axe de la Résistance, pas seulement contre la Syrie». L’aviation israélienne a mené plusieurs raids contre des cibles en Syrie, y compris contre des dépôts de stockage d’armes destinées au Hezbollah, depuis que la guerre civile a commencé il y a près de quatre ans. Le raid le plus récent a eu lieu en décembre.
Le Hezbollah et l’Iran accusent clairement Israël de commander et de diriger contre eux, et contre le régime syrien, certaines des forces rebelles syriennes. C’est pour cette raison que le Hezbollah a déployé depuis le mois de mai 2013 des centaines de combattants dans le Golan syrien.

 

Déploiement tentaculaire
Depuis plusieurs mois, le régime syrien, les conseillers militaires venus de Téhéran et les commandants des forces armées du Hezbollah coordonnent leurs actions sur l’ensemble du territoire syrien pour éliminer la rébellion. Sur le front sud, sur lequel s’est invitée l’armée israélienne, «l’axe de la Résistance», tel que l’a nommé Nasrallah, met sur pied depuis plusieurs semaines une force paramilitaire, à la manière des Forces de défense nationale, créées par le régime et formées de volontaires faisant office d’armée de réserve. Cette armée comporte deux entités: une armée composée de plusieurs centaines d’hommes, chargée de combattre les forces rebelles sur le terrain, et une unité spéciale, chargée, elle, de lancer des «opérations de résistance» contre les positions israéliennes dans le Golan occupé et le mont Hermon.
Les agents du Renseignement du Hezbollah ont découvert que les forces israéliennes ont créé des réseaux de collaborateurs dans les rangs de la rébellion, sur le modèle de l’unité 504, qui avait œuvré au sud du Liban. Israël aurait ainsi recruté des blessés qu’il a soignés, mais aussi des chefs de milice comme Charif Saffouri, qui a déserté l’armée syrienne et qui commande la brigade d’al-Harameïn al-Charifeïn, Mohammad el-Baridi qui dirige le bataillon des martyrs de Yarmouk et le leader du Front al-Nosra à Qoneitra, Abou el-Dardara. Selon leurs informations, tous possèderaient des numéros de téléphone israéliens. Le front du Golan, où ont été envoyés plusieurs centaines de combattants du Hezbollah, s’ajoute à tous les autres fronts sur lesquels le parti chiite est engagé.

 

Près de 8 000 hommes
Le Hezbollah a pris une place de plus en plus importante dans le dispositif: si, à l’origine, l’importation de ces combattants avait été pensée comme un simple appui logistique et humain aux soldats syriens, la branche militaire du parti chiite s’est rapidement transformée en une véritable force de substitution, et ce depuis la bataille symbolique de Qoussair. C’est ainsi qu’entre 5 000 et 10 000 hommes du Hezbollah y seraient présents en permanence, officiellement pour sécuriser la frontière, porter assistance aux réfugiés et assurer la défense des sites sacrés chiites. Les sources proches du Hezbollah parlent plutôt de chiffres variant entre 6 000 et 8 000 hommes.
Une grande partie de ces forces sont intégrées dans des dispositifs mixtes avec l’armée syrienne. D’un point de vue opérationnel, le Hezbollah dispose d’un savoir-faire incontestable en contre-guérilla et combat d’infanterie, après des décennies de lutte contre Israël. Le parti de Dieu est le vainqueur de la «sécurisation» de la frontière syro-libanaise en déployant un millier d’hommes à la frontière et de 2 000 à 3 000 hommes dans la région du Qalamoun et sur toute la ligne frontalière entre la Békaa et le territoire syrien. Le reste de l’effectif est disséminé un peu partout sur le territoire où le commandement de la Résistance a besoin de forces d’appoint, mobiles, pour engager des combats rapprochés de guérillas. L’armement à leur disposition a donc été choisi à cet effet.

Julien Abi Ramia  

Les funérailles des martyrs
Aux cris de «Mort à Israël», «Israël, ennemi des musulmans» et «Non à l’humiliation», des milliers de partisans du Hezbollah ont participé lundi aux funérailles de Jihad Moughnié, 25 ans. Il a été enterré dans le même caveau que son père.
Le lendemain, à 13 heures, Ghazi Daoui, 26 ans, a été inhumé à Khiam.
A 15 heures, en présence du directeur du bureau exécutif du Hezbollah, Hachem Safieddine, et du chef du bloc parlementaire du Hezbollah, Mohammad Raad, a été enterré dans son village natal de Arabsalim, près de Nabatié, Mohammad Issa, 42 ans.
Ali Ibrahim, 21 ans, a été inhumé à Yohmor Chakif.
Mercredi, ont eu lieu les obsèques de Mohammad Aboul-Hassan, 29 ans, à Aïn Qana, au nord de Nabatié et Abbas Hijazi, 35 ans, à Ghaziyé, au sud de Saïda.

Revue de presse israélienne
Tout en reconnaissant l’impact du raid sur le Hezbollah et le fait qu’une réponse aura lieu, le quotidien Yediot Aharonot ne s’attend pas à l’ouverture d’un nouveau front entre le parti chiite et l’armée israélienne sur le plateau du Golan. Pour Maariv, la réaction du Hezbollah dépendra sans doute des circonstances dans lesquelles il s’est déroulé. «Si Moughnié a été tué alors qu’il se trouvait sur un site de lancement de roquettes, il est possible que le Hezbollah s’en tienne à une riposte modérée», explique le journal de droite. «Mais s’il apparaît que l’armée israélienne a délibérément visé Moughnié pour se débarrasser de lui, alors il y a tout lieu de craindre une escalade très sérieuse à notre frontière nord».
Le journal de gauche Ha’aretz s’interroge sur l’opportunité de cette opération qui a beaucoup à voir avec les prochaines élections et qui pourrait casser le statu quo qui consistait à laisser l’Iran en dehors du bras de fer qui oppose Israël au Hezbollah.

Une riposte «ferme et décisive»
Pour Téhéran, le raid israélien de Qoneitra signe la collusion entre les autorités israéliennes et la rébellion islamiste qui combat le régime syrien.
Le président iranien du Conseil législatif, Ali Larijani, a indiqué que «ce crime horrible montre la complicité entre les groupes terroristes et l’entité qui occupe al-Qods».
Pour le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Jawad Zarif, «la bataille en Syrie fait partie de la confrontation avec l’entité sioniste».
Le général Mohammad Ali Jaafari, chef des Gardiens de la Révolution, a averti que «les sionistes doivent s’attendre à des ‘‘coups de tonnerre’’ dévastateurs».
Dans le même sens, le conseiller du président du Conseil de consultation islamique, Hussein Cheikh el-Islam, a assuré que «sans l’aide offerte par les groupes terroristes au régime sioniste au niveau des renseignements, l’ennemi n’aurait pas pu mener cette attaque dont l’objectif est de satisfaire les partis extrémistes de l’entité sioniste pour des fins électorales».

Attentat à Tel-Aviv
Treize passagers de la ligne 40 à Tel-Aviv ont été blessés mercredi matin par un terroriste à hauteur du pont Maariv en plein cœur de la ville. L’assaillant a tenté de prendre la fuite, mais a été blessé par des tirs et appréhendé par les forces de l’ordre. Le dernier bilan de la police fait état de treize blessés dont neuf par arme blanche, six d’entre eux dans un état grave, et quatre autres personnes choquées. Selon la police israélienne, le terroriste est un Palestinien âgé de 23 ans habitant à Tulkarm en Cisjordanie, qui serait entré illégalement en Israël il y a quelques jours.

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