Les promoteurs et développeurs immobiliers se plaignent des lourdes charges fiscales qu’ils assument, surtout dans le cadre général d’un ralentissement qui marque le secteur de l’immobilier depuis près de cinq ans. L’Association des développeurs de l’immobilier au Liban (Redal) a transmis au ministère des Finances un mémorandum dans lequel elle a consigné ses recommandations dans sept chapitres. Redal réclame la réhabilitation des lois portant sur l’impôt sur le revenu, en particulier l’article 5 de la législation 282/93. Les dispositions de cet article stipulent la baisse de moitié de l’impôt sur le revenu lorsque celui-ci est appliqué aux bénéfices de sociétés de capitaux dont le corps d’activités consiste en la construction d’immeubles et le lotissement de ses appartements en vue de leur cession à des tiers, ou l’édification d’unités de logement destinées à la vente. Cet article avait prévu cette baisse dans le but d’encourager la création de projets résidentiels. Celui-ci est resté en vigueur jusqu’en 1998, date à laquelle il a été supprimé. Redal demande aussi la suppression des taxes d’enregistrement des immeubles neufs dont les différentes unités sont mises à la vente pour la première fois. Elle demande, par ailleurs, que les promoteurs immobiliers soient en mesure de récupérer la TVA versée sur les installations d’équipements fonctionnels des immeubles (art. 69 de la loi sur la TVA). D’autre part, l’association met l’accent sur l’importance de déterminer de nouvelles normes pour l’évaluation de la valeur locative, qui équivaut aujourd’hui à une proportion de 5% de la valeur de vente du fonds immobilier, alors que ce pourcentage ne représente pas plus de 3% que ce soit une unité résidentielle ou de bureaux. L’adoption d’un seul organisme de référencement pour l’évaluation de la valeur locative, de sorte que tous les autres organismes étatiques se basent sur son estimation pour le calcul des taxes et impôts. L’amendement du délai pour l’acquittement des droits de timbre imposés aux contrats de travaux conclus avec les entrepreneurs, de manière à que ce délai devienne de deux mois au lieu de cinq jours, car la mouture définitive de ces contrats ne peut pas être correctement finalisée avant le début d’exécution des travaux.
Interrogé par Magazine, Jacques S. Saadé, directeur-associé de Mazars, exprime certaines réserves concernant les doléances de Redal. Il met l’accent sur le fait que «le budget de l’Etat étant déficitaire, si le secteur de l’immobilier − où la majorité des investissements au Liban sont concentrés − va être exempté d’impôts directs et indirects, de quel secteur l’Etat pourra-t-il collecter des impôts dans une période à croissance faible?». Par conséquent, le fiscaliste considère que les propositions de Redal vont avoir du mal à faire leur chemin auprès des pouvoirs publics. Pour ce qui est de la valeur locative, Jacques S. Saadé qualifie «de bonne idée» celle d’avoir un organisme indépendant pour l’évaluation des valeurs locatives. Toujours est-il que cet organisme devrait avoir des relais locaux qui l’assistent dans l’opération d’évaluation. Commentant les doléances des promoteurs relatives aux droits de timbre, il souligne que la législation en vigueur en ce moment permet que le droit de timbre soit perçu sur les factures quand la valeur contractuelle n’est pas connue lors de la signature des contrats. Le contribuable paie uniquement 5 000 livres libanaises lors de la signature du contrat, l’acquittement des droits de timbre se fera sur les factures émises. Ceci étant, c’est une bonne chose d’accorder un délai de paiement des droits de timbre, supérieur à cinq jours ouvrables, conclut le fiscaliste.
Prix des logements
La mixité sociale battue en brèche
La ségrégation socio-spatiale fait son chemin dans le pays mue par une fluctuation sensible des prix des unités de logement entre une région et une autre. Après près de cinq ans de ralentissement de la croissance du secteur de l’immobilier, les prix ne sont pas en train de décrocher d’une manière spectaculaire, poussant les ménages à s’adapter à une nouvelle réalité. Celle de la reconnaissance d’une répartition géographique de fait, qui s’installe graduellement dans le pays, caractérisée par une concentration des ménages aisés dans la capitale et des familles à revenu limité dans les quartiers de la première banlieue et la deuxième banlieue de Beyrouth.
Interrogé par Magazine, le consultant en immobilier Guillaume Boudisseau, de la société de conseil Ramco, confirme le phénomène, tout en apportant certaines nuances. Selon lui, il existe des quartiers plus populaires que d’autres dans la capitale où ceux qui élisent domicile ne devraient pas se faire d’illusions quant à la qualité et la fonctionnalité des logements proposés à la vente et à l’infrastructure collective du milieu. Ces quartiers, situés dans la capitale, sont les seuls à proposer des appartements de 100 m2 de superficie, les régions populaires en dehors de Beyrouth proposant des appartements modestes avec un métrage supérieur, soit une superficie d’entrée de 150 m2. Néanmoins, cette catégorie de projets ne représente pas plus de 10% de l’ensemble des chantiers de construction dans Beyrouth, ce qui constitue un pourcentage faible. A titre de référence, le consultant confirme que le quartier de Badaoui est le quartier le moins cher à Achrafié, avec un prix de départ de 2 500 dollars par mètre carré pour un appartement neuf en construction au premier étage. Ensuite, les quartiers les moins chers sont: Adlié (avec un ticket de prix d’entrée) variant entre 2 600-2 800 $/m2; Fassouh et Getaoui 2 700-3 000 $/m2 et Hay Syrian 2 900-3 000 $/m2.
Quant au paysage général du secteur de l’immobilier, les chiffres ont montré que le total des transactions immobilières (qui inclut celles effectuées par des ressortissants étrangers et par des Libanais) a atteint un niveau à la baisse record en février 2015 sur les six dernières années, représentant un recul de 26,73% sur un an. Cette régression s’est traduite par la conclusion de 7 531 transactions immobilières d’une valeur globale de 1 milliard de dollars. A la suite d’un recouvrement partiel du niveau des transactions immobilières en février 2014, qui s’est rapproché de celles enregistrées en 2011 et 2012, l’activité globale du secteur de l’immobilier au cours des deux premiers mois de 2015 a connu un recul en raison, principalement, de la recrudescence de l’instabilité de la situation sécuritaire dans la région. Par ailleurs, les chiffres ont montré que la part des transactions conclues par des ressortissants étrangers est passée de 1,46% à 2,42% sur un an à fin février 2015. Cette amélioration pourrait être due à une hausse de l’activité touristique dans le pays et au vent d’optimisme qui a soufflé à la lumière de l’évolution du dialogue interlibanais. Sur un autre plan, la moyenne de la valeur d’une seule transaction a reculé de 1,08% passant de 134 661 dollars à 133 202 dollars sur la période précitée. Cette tendance baissière, quoique légère de la moyenne de la valeur des transactions, pourrait être le résultat d’une des retombées de l’instabilité des prix du pétrole.
Liliane Mokbel