Magazine Le Mensuel

Nº 2995 du vendredi 3 avril 2015

POLITIQUE

Syrie et présidentielle. Joumblatt rentre déçu de Paris

Certains pensaient que la rencontre de Walid Joumblatt avec le chef de l’Etat français, François Hollande, avait pour thème principal les développements en Syrie et la présidentielle libanaise. Mais les inquiétudes du leader druze portaient surtout sur l’influence de l’Iran en Syrie et en Irak et la crainte qu’elle ne s’étende au Liban pour y imposer sa politique.
 

A en croire des informations diplomatiques, Paris aurait informé le maître de Moukhtara de la position inchangée de François Hollande, communiquée à John Kerry à l’occasion du passage du secrétaire d’Etat américain dans la capitale française, et dans les contacts permanents entre Washington et Paris, conformément aux décisions de Genève I.
Des sources diplomatiques rapportent que Hollande a posé plusieurs questions à Joumblatt sur la situation au Liban et l’a informé qu’il écartait toute possibilité de dialogue avec Bachar el-Assad. Il lui a confirmé qu’il n’existait aucune coopération entre les services du Renseignement français et leurs homologues syriens, ajoutant que les déclarations de Kerry ont «embarrassé la France, mais aussi l’Administration américaine, car nul n’ignore qu’il n’existe aucune possibilité de dialogue avec Assad». Il a également exprimé ses craintes de l’extension de la politique iranienne dans la région.
Cette visite de Joumblatt a eu de modestes résultats politiques. Ce fut une simple concertation et des échanges d’idées sans que Hollande ne montre sa capacité à influer sur la situation au Liban et sans donner la moindre réponse satisfaisante. Après un entretien de 45 minutes, le leader du Parti socialiste progressiste a quitté l’Elysée sans la moindre lueur d’espoir lui permettant de dissiper ses craintes sur la double situation politique et sécuritaire. Ni les assurances du chef de l’Etat français sur l’impossible dialogue avec le régime syrien, ni sur le fait que les Renseignements français n’ont pas l’intention de poser les jalons d’une stratégie sécuritaire ou politique avec le régime syrien. Si Hollande a montré un accord avec Joumblatt sur les déclarations de Kerry concernant les négociations avec Assad qu’il qualifie «d’embarrassantes» pour la France, les inquiétudes vis-à-vis de la politique iranienne dans la région ont accru la tension de Joumblatt, qui a entendu à l’Elysée des plaintes et de la colère contre l’expansion iranienne, sans obtenir une réponse apaisante sur de possibles interventions. Il a senti chez son hôte une sorte de capitulation devant le destin qu’imposent les Etats-Unis face à la stratégie iranienne.

 

Que veut Washington?
Les véritables craintes de Joumblatt et des Français portent sur l’évolution des relations iraniennes et américaines sur le dossier du nucléaire. Mais pour Joumblatt, la principale inquiétude reste la grande question que pose la politique américaine par rapport au régime syrien. L’administration française n’a pas de réponses claires sur les intentions américaines de faire des ouvertures sur Assad. Jusqu’à présent, elle ne connaît pas les raisons réelles qui empêchent les Américains d’aider sérieusement et efficacement l’opposition syrienne «modérée», en dépit des pressantes demandes françaises depuis près de deux ans, mais il est probablement trop tard car ils ont laissé passer l’occasion. Les données sur le terrain ne permettent plus de réaliser le moindre progrès depuis que les forces de l’opposition «modérée» commencent à se disperser.

Chaouki Achkouti

Entre Aoun et Nasrallah
Dans le cadre de sa nouvelle dynamique politique, et la décision de séparer le sujet de la présidence de la République de celui du commandement de l’armée, le général Michel Aoun a rencontré successivement le président Saad Hariri, le chef du Parlement Nabih Berry et le député Walid Joumblatt. Il aurait également rencontré loin des feux de la rampe sayyed Hassan Nasrallah afin de discuter avec lui de la désignation d’un successeur de Jean Kahwagi dont il ne souhaite pas une prorogation du mandat. Un sujet auquel Aoun donne la priorité au point de le faire passer avant l’élection présidentielle et se dit disposé à aller jusqu’au bout même s’il devait faire chavirer le gouvernement. La présidence n’était pas à l’agenda de cette rencontre, l’avis de Nasrallah étant connu. Le général a une très grande confiance dans son allié qui a été clair dès le départ: «Nous vous voulons chef d’Etat et nous ferons tout ce qu’il faudra pour que réussisse votre combat et nous n’accepterons aucune négociation sur le sujet. Il vous reviendra à vous tout seul de répondre aux questions et de renoncer ou non à la présidence en désignant qui vous voulez à ce poste. Il ne vous reste plus qu’à imposer votre présence aux autres. Nous soutenons toute action que vous mènerez y compris auprès des capitales régionales ou internationales».

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