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Nº 2997 du vendredi 17 avril 2015

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Christian Haddad autour du Congrès international de la francophonie. Le métier de biologiste: des conditions à revoir

Organisé par le Syndicat des biologistes du Liban, en association avec la Fédération internationale francophone de biologie clinique et de médecine de laboratoire (FIFBCML), le Congrès international de la francophonie se déroule du 16 au 18 avril 2015 à Beyrouth, à l’hôtel Hilton Habtoor. Le Dr Christian Haddad, président du Syndicat des biologistes du Liban, explique.

Pouvez-vous nous parler du Congrès international de la francophonie? En quoi consiste-t-il? Quels thèmes y sont abordés? Quelle en est la visée principale?
Ce congrès est le lieu de rencontre des biologistes de diverses nationalités autour de sujets touchant leur profession spécifiquement et la médecine de manière générale. Il est également le lieu d’interaction entre les divers participants qui peuvent ainsi échanger leurs connaissances quant aux dernières nouveautés de la recherche médico-scientifique et des publications médicales.
Plusieurs pays européens y sont représentés (francophones ou non) et des délégations venant de tous les pays arabes (Syrie, Algérie, Lybie, Yémen, Palestine, Tunisie, Soudan, Maroc, Tunisie, Egypte…) y assistent malgré la conjoncture politique et sécuritaire peu propice dans ces pays, surtout que la Fédération arabe de chimie clinique (AFCC) et la Fédération internationale de chimie clinique (IFCC) y sont aussi représentées.

Dans quelle mesure peut-on améliorer la situation actuelle des biologistes au Liban? Comment permettre une meilleure évolution professionnelle à ce niveau?
Les biologistes au Liban souffrent du manque de cadres qui délimitent leur profession, qui préservent leurs droits et qui les protègent des «prédateurs» de toutes sortes. Lorsque des laboratoires sont mis en place par des non-professionnels, faisant ainsi la compétition avec les petits centres d’analyses gérés, eux, par des biologistes de profession, lorsque les dispensaires destinés à la «bienfaisance» facturent des analyses au même prix que les laboratoires légaux, lorsque les centres de prélèvement ramassent sur tout le territoire des analyses qui ne seront effectuées qu’à distance dans des plateaux techniques éloignés sans garantie de conditions de transport du sang, le métier de biologiste est en danger.
Nous ne cacherons pas non plus que certains médecins se font repayer un pourcentage sur la facture payée par le patient, ce qui, effectivement, n’est autre qu’un abus de prescription d’analyses souvent inutiles, mais permettant au médecin en question d’augmenter sa rentabilité. Plus encore, beaucoup de laboratoires, des plus renommés, ne sont pas dirigés par des biologistes. Comment garantir alors la qualité des analyses effectuées dont seul un vrai biologiste doit en avoir la mission, la charge et l’expertise?

Quels sont les handicaps d’un tel métier? Les avantages?
Il s’agit d’un métier au carrefour de toutes les spécialités médicales. Aujourd’hui, l’équipe de soins mise au service du patient doit être pluridisciplinaire, et le biologiste constitue le seul élément qui centralise toutes les informations, puisque supposé être à jour concernant toutes les nouveautés dans les divers domaines médicaux. 90% des diagnostics médicaux se font à la lumière des analyses de laboratoire, qui ne représentent en fait que 5% du coût des montants globaux des soins au patient.

Qu’en est-il des progrès scientifiques et des nouvelles découvertes effectuées au cours des dernières années?
La science avance à grands pas et le biologiste se doit d’être constamment au courant des innovations qui s’effectuent dans le domaine, et d’adopter les derniers outils offerts par nos partenaires dans l’industrie. Or, les multiples problèmes financiers et la compétition illégale à laquelle nous sommes confrontés rendent la tâche plus difficile. En effet, la qualité exigée dans la profession de biologiste et l’avant-gardisme requis ont un prix que la rentabilité des laboratoires, dans le cadre actuel, sur le terrain, ne peut, malheureusement, plus assurer.

Comment se font la formation, la mise à jour des connaissances et le développement des recherches intégrant les priorités de santé publique?
Un biologiste est un médecin ou un pharmacien avec un minimum de quatre ans d’études (ce nombre pouvant aller jusqu’à dix ans) au-delà du diplôme de base, notamment dans les hôpitaux. L’apprentissage pour un biologiste ne s’arrête jamais. C’est grâce au ministre de la Santé publique, Waël Abou Faour, que notre profession peut espérer un changement au niveau des conditions dans lesquelles le métier est exercé. Un projet rendant la formation professionnelle continue obligatoire à travers le Syndicat des biologistes est en cours d’approbation et sera édité sous la forme de décret ministériel. Ainsi, les biologistes seront contraints à suivre des formations de mise à jour de leurs connaissances et de leurs pratiques professionnelles, ce qui constitue un grand pas vers l’exclusion des non-professionnels de notre système. Pour assurer la réussite d’un tel projet, nous avons mis en place, au syndicat, un comité formé de professeurs d’universités chargés de l’élaboration de programmes de formation, de leur application et du suivi. Nous offrons donc des opportunités de formation et un soutien technique à ceux qui le désirent. Nous disposons de programmes de formation mensuels qui démarreront bientôt et nous mettons à la disposition des participants, en association avec l’Ordre des médecins et celui des pharmaciens, les outils nécessaires (e-learning, bibliothèque virtuelle, etc.) à leur formation. Je tiens à souligner le rôle extrêmement important qu’ont joué les présidents des deux ordres, à savoir le professeur Antoine Boustany et le Dr Rabih Hassounah, de par le soutien illimité qu’ils nous ont offert. En tant que syndicat, nous avons, dans le même ordre d’idées, instauré un système de contrôle de la qualité externe relié à un réseau de laboratoires international. Il consiste en l’envoi d’échantillons tests à tous les laboratoires, ces derniers pouvant ainsi comparer leurs performances. A travers ce système, le patient pourra être en mesure, quel que soit le laboratoire auquel il s’adresse, de recevoir des résultats comparables d’un laboratoire à l’autre. L’utilisation de ce système sera rendue obligatoire sur tout le territoire libanais, à la suite d’une décision du ministre de la Santé.
Un biologiste est responsable des analyses depuis le prélèvement qui doit se faire selon les règles de l’art (étape la plus simple, mais la plus difficile à en respecter les règles), l’analyse proprement dite, mais aussi la vérification de sa justesse, son interprétation, sa validation en vue de la clinique coexistante, l’aide au médecin traitant à son interprétation et, aussi, au suivi biologique du patient.
Les cliniciens de nos jours, et devant la multitude des tests existants et la difficulté de leur interprétation, vu les changements perpétuels dans la panoplie d’analyses existantes et de leur performance, ne peuvent pas contourner le rôle primordial joué par un biologiste digne de ce nom dans l’exploitation optimale de ce que nous permettent les grandes avancées médico-scientifiques biologiques aujourd’hui.

Propos recueillis par Natasha Metni

La FIFBCML
Créée en mai 2007 par cinq membres fondateurs (l’Association algérienne des laboratoires d’analyses médicales, la Société française de biologie clinique, la Société marocaine de chimie clinique, la Société tunisienne de biologie clinique et le Syndicat des biologistes libanais), la FIFBCML s’applique à développer l’usage du français au sein de la communauté internationale des professionnels de la biologie clinique, en renforçant la place de cette langue dans les manifestations et congrès scientifiques nationaux et internationaux. La fédération se fixe ainsi plusieurs missions:

Diffusion en français des connaissances et du progrès scientifique.
Formation et la mise à jour des connaissances par la mise en place d’un réseau d’enseignements francophones et l’organisation de sessions thématiques.
Développement d’une recherche intégrant les priorités de santé publique dans les champs épidémiologiques et dans d’autres domaines.
Renforcement des liens avec les cliniciens pour établir des réseaux d’expertise bioclinique.
Dialogue constant avec les fabricants et distributeurs d’instruments, de dispositifs médicaux, etc., ainsi qu’avec les industriels du secteur pharmaceutique.
Maintien des liens avec d’autres entités non francophones actives dans le domaine de la biologie clinique au niveau international.

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