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Nº 3008 du vendredi 3 juillet 2015

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L’EI frappe sur trois continents. Le Liban n’est pas à l’abri

Vendredi 26 juin, trois attaques frappaient presque simultanément la France, la Tunisie et le Koweït. Ces deux dernières opérations, revendiquées par l’Etat islamique, illustrent la double stratégie de l’organisation terroriste, qui a recours à des attentats suicide dans le but d’exacerber les tensions inter-musulmanes, et à des opérations de loup solitaire. Deux méthodes qui pourraient éventuellement être appliquées au Liban.
 

Vendredi 26 juin, le livreur Yassine Salhi étrangle son patron, avant de le décapiter sur un parking à quelques mètres d’une usine en Isère, où il est supposé délivrer un colis. Salhi accroche la tête de sa victime et l’entoure de deux drapeaux noirs portant la profession de foi musulmane. A des milliers de kilomètres de là, dans la capitale du Koweït, un attentat suicide frappe la mosquée chiite Imam el-Sadek, pendant la grande prière. Vingt-sept personnes au moins ont été tuées et 227 autres blessées.
 

Le plan de Zarqaoui
L’organisation Etat islamique (EI) revendique l’attentat. Dans un communiqué, l’organisation précise que le kamikaze, Abou Souleiman el-Muwahed, a frappé «un temple des déviants (“rawafidh”)», terme par lequel le groupe désigne les musulmans chiites.
Le même jour, la Tunisie est frappée par un attentat meurtrier, également revendiqué par l’EI lorsque que Seifeddine Rezgui, un Tunisien de 23 ans, fait irruption sur la plage d’un hôtel à Port el-Kantaoui, près de Sousse, à 140 km au sud de Tunis, une kalachnikov cachée dans son parasol, avant d’ouvrir le feu sur les touristes. L’attentat fait 38 morts, principalement des Britanniques.
A priori, les motivations de la première attaque en Isère semblent liées à un différent entre Salhi et son employeur, bien que la police française semble privilégier le mobile terroriste. Les deux autres attentats, revendiqués par l’EI, ont des motivations clairement politiques et donc terroristes. Les modes opératoires sont inspirés des techniques d’Abou Moussaab el-Zarqaoui, le père spirituel de l’EI, ayant dirigé al-Qaïda en Irak, durant les années 2000,  ainsi que de ceux développés par al-Qaïda et remis au goût du jour par l’EI.
En 2004, en effet, des lettres adressées par Zarqaoui à certains cadres d’al-Qaïda livrent la pensée machiavélique du terroriste jordanien. «Notre combat contre les chiites nous permettra de pousser la nation [islamique] dans la bataille. On nous accuse de la lancer hâtivement dans une bataille pour laquelle elle n’est pas prête, un conflit qui sera révoltant et dans lequel le sang sera versé. C’est ce que nous voulons». Deux ans plus tard, l’application de ce nouveau plan a provoqué plusieurs milliers de morts. C’est dans ce cadre que s’inscrit l’attentat du Koweït, perpétré contre les chiites, une communauté représentant 30% de la population locale et connaissant des tensions avec le gouvernement depuis l’opération militaire «Tempête de Fermeté» menée par les pays du Golfe contre les rebelles houthis, appartenant à une branche du chiisme.
La deuxième technique − défendue à l’origine par al-Qaïda − et adaptée par l’EI au terrorisme actuel est celle des loups solitaires. Ces derniers se caractérisent par le fait qu’ils agissent individuellement, leurs modus operandi sont conçus et dirigés par l’individu, sans nécessairement répondre à des hiérarchies ou des ordres extérieurs. Ils agissent en suivant des «convictions politiques, idéologiques ou religieuses fortes, planifient leurs actions avec soin et peuvent cacher avec succès leurs activités à leurs proches».
L’attaque de la Tunisie semble adhérer à ce type de pensée. Seifeddine Rezgui, né en 1990 dans une famille pauvre de la localité de Gaafour, est emblématique de la nouvelle génération: bon élève, passionné de football et de breakdance, il met en ligne ses performances de danseur sur sa page Facebook, où il partage également les chansons. Selon Le Monde, début 2014, sa page Facebook a commencé à diffuser des textes salafistes. Toujours selon le média français, Rezgui aurait été en contact avec Yassine Laabidi, l’un des deux assaillants du Musée du Bardo. La piste libyenne est envisagée sans pour autant être confirmée.
Ces deux types de techniques terroristes peuvent toujours être utilisés au Liban par l’EI. La première, visant des lieux de culte ou d’agglomérations, a déjà été appliquée par des groupes comme le Front al-Nosra. Mais depuis l’attentat en janvier perpétré par deux jeunes de Tripoli contre un café de Jabal Mohsen, de nouvelles mesures ont été introduites par les forces de sécurité libanaises, qui ont permis l’arrestation des personnes liées aux nébuleuses terroristes.
L’EI se trouve également encerclé dans le jurd de Ersal, d’où provenaient la majorité des voitures piégées à destination de la banlieue sud de Beyrouth. L’armée a réussi à empêcher l’infiltration de nouveaux éléments terroristes à Ersal. Les opérations de contrôle se sont multipliées dans les secteurs à risques comme Tripoli ou la banlieue sud. De plus, la coopération des services de renseignements libanais entre eux, l’échange et une meilleure coordination avec les services étrangers, ont permis d’identifier les personnes à risques. Le contrôle a également été renforcé à l’aéroport, ainsi qu’aux frontières maritimes et terrestres.
Ces nouvelles mesures ont permis d’éloigner le spectre des attentats. Cependant, l’attaque perpétrée par un loup solitaire en Tunisie nous rappelle que ce type d’opérations reste facilement réalisable au Liban. Le danger étant accentué par la profusion d’armes se trouvant sur le marché et le fait que plusieurs centaines de jeunes, soupçonnés d’avoir rejoint l’EI en Syrie et en Irak, pourraient éventuellement en revenir encore plus radicalisés.

Mona Alami

Police touristique en Tunisie
Selon Le Monde, la Tunisie a annoncé, lundi 29 juin, qu’elle allait armer sa police touristique et déployer un millier d’agents de sécurité supplémentaires pour protéger, dès le 1er juillet, hôtels, plages et sites touristiques après l’attentat contre un hôtel à Sousse et cela trois mois après l’attaque contre le musée du Bardo. Le terroriste de Sousse rappelle celui du musée Bardo, un garçon au parcours en apparence «normal», chez lequel la famille et les voisins ne détectent a priori aucune tendance extrémiste.

Drame en Isère
Vers 9h30, vendredi 26 juin, Yassine Salhi, père de famille de 35 ans, se présente devant l’usine Air Products de Saint-Quentin-Fallavier, en Isère. Il sonne à la porte de l’usine classée Seveso. On lui ouvre sans problème sa camionnette étant siglée, donc connue. Quelques minutes plus tard, son véhicule fonce sur un hangar rempli de bouteilles de gaz et de produits chimiques. Une partie du hangar est soufflée. Les pompiers arrivent cinq minutes plus tard et, à 10h, ils repèrent Yassine Salhi en train d’ouvrir des bouteilles d’acétone. Il est maîtrisé à temps. C’est peu après qu’on retrouve le corps de sa victime. Il s’agit en fait de son patron, un homme de 54 ans, chef d’entreprise. Son corps a été retrouvé sans tête, avec un couteau à proximité.

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