Magazine Le Mensuel

Nº 3026 du vendredi 6 novembre 2015

ACTUALITIÉS

Crise syrienne. Un petit pas de fourmi à Vienne

L’avenir de la Syrie demeure au cœur des tractations internationales, avec la réunion, pour la première fois, de tous les acteurs de la crise syrienne, à Vienne, vendredi dernier. A l’exception notable, toutefois, des parties syriennes impliquées. Et toujours le même point d’achoppement, le sort de Bachar el-Assad.

Ces deux dernières semaines, les événements semblent se précipiter sur le plan diplomatique, tandis que sur le terrain, les combats demeurent toujours aussi âpres (voir encadré).
La première réunion, organisée à Vienne entre la Russie, les Etats-Unis, la Turquie et l’Arabie saoudite, a été suivie d’une autre rassemblant les mêmes acteurs jeudi 29 octobre, en préalable à une réunion élargie. En effet vendredi, et pour la première fois depuis le début du conflit syrien en 2011, la table de Vienne a réuni tous les pays impliqués, à l’exception des principaux intéressés, à savoir le régime syrien et l’opposition. Avec une grande première, la présence de l’Iran, qui avait été écarté des précédentes réunions organisées à Genève. Ce qui constitue déjà en soi une petite victoire pour la Russie et les Etats-Unis, qui sont parvenus à convaincre l’Arabie saoudite de la nécessité d’ouvrir le dialogue avec Téhéran.
Au préalable, le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, et son homologue iranien, Mohammad Javad Zarif, se sont entretenus en tête à tête, avant de rejoindre les autres participants. La veille, Sergueï Lavrov et John Kerry s’étaient également réunis avec leurs homologues turc et saoudien pour travailler à une solution politique. Pour le chef de la diplomatie américaine, ces discussions à Vienne représentent la meilleure chance de «sortir de l’enfer». Après quatre années de conflit sanglant et un bilan de morts, de blessés, réfugiés et déplacés qui n’en finit plus de s’alourdir, les grandes puissances tout comme les pays de la région ont, semble-t-il, décidé qu’il y avait désormais urgence. Au total donc, ce sont dix-sept pays qui ont été conviés à discuter sur la Syrie, dont le Liban, directement touché par les répercussions de la crise. Un tour de force rendu possible par les initiatives de Moscou et sa détermination à reprendre les négociations.
Au terme d’une réunion qui aura duré pas moins de sept à huit heures, dans un communiqué, les dix-sept pays réunis dans la capitale autrichienne ont déclaré s’être mis d’accord sur le «maintien d’une Syrie unifiée, même si d’importantes divergences persistent». Selon le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, invité aux négociations la veille seulement, «tous les sujets, même les plus difficiles» ont été abordés lors des discussions. Les 17 pays participants se seraient déjà entendus sur l’instauration d’un cessez-le-feu applicable dans l’ensemble du pays. Plus facile à dire qu’à faire, compte tenu des derniers développements.
 

Le sort d’Assad
Autre point d’accord, la nécessité d’en appeler aux Nations unies pour réunir l’opposition et le gouvernement syriens autour d’une même table, afin «de lancer un processus politique devant mener à une nouvelle Constitution et à des élections».
Sans surprise, c’est sur le futur du président syrien, Bachar el-Assad, que les discussions continuent d’achopper. Les divergences sur ce sujet ne semblent pas près d’être résolues. La France, tout comme ses alliés européens et arabes du Golfe, reste intransigeante et veut négocier un calendrier de départ précis du chef d’Etat syrien. Une attitude qui a provoqué une vive réaction du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-Moon, dans un entretien accordé aux quotidiens espagnols El Pais, El Mundo, ABC et La Vanguardia vendredi. Il a ainsi jugé «totalement injuste» et «inacceptable» que le sort du président syrien «prenne en otage tout le processus de négociation politique» sur la crise syrienne. «L’avenir du président Assad doit être décidé par le peuple syrien», a-t-il souligné. «Il est totalement injuste et irrationnel que le sort d’une personne prenne en otage tout le processus de négociation politique. C’est inacceptable», a-t-il ajouté. Evoquant la solution proposée à Vienne par la Russie et qui semble acceptée par les Etats-Unis, à savoir créer un gouvernement de transition incluant toutes les parties, Ban Ki-Moon a résumé ainsi les divergences existantes. «Le gouvernement syrien insiste sur l’idée que le président Assad doit en faire partie et de nombreux pays, en particulier occidentaux, disent qu’il n’y a pas de place pour lui». «Mais à cause de cela, nous avons perdu trois ans, il y a eu plus de 250 000 morts, plus de 13 millions de personnes déplacées à l’intérieur de la Syrie (…), plus de 50% des hôpitaux, des écoles et des infrastructures ont été détruits. Il n’y a plus de temps à perdre», a insisté le secrétaire général des Nations unies depuis 2007. Son appel aux participants de mettre de l’eau dans leur vin sera-t-il entendu? Rien n’est moins sûr. Si les participants ont convenu de se retrouver dans une quinzaine de jours et dans la même configuration, la messe n’est pas encore dite. En attendant, l’émissaire spécial de l’Onu pour la Syrie, Staffan de Mistura, a repris ses navettes diplomatiques, visitant Damas ce week-end, avant de se rendre en Turquie.
Quant à Laurent Fabius, il a déclaré qu’un «accord sur le fond (est) encore prématuré», même s’il peut y avoir un «accord sur la méthode».  

 

Iran: position inchangée
La position de l’Iran, comme de la Russie, n’a pas varié. Jeudi dernier, le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir Abdollahian, déclarait, depuis Vienne, que l’Iran n’avait pas du tout changé de position et soutenait toujours le président syrien. Téhéran semble espérer, plus qu’une solution politique, un renforcement du pouvoir en Syrie pour mieux combattre les groupes armés qui s’opposent au régime. La présence de nombreuses troupes iraniennes sur plusieurs fronts confirme cette thèse.
En face, l’Arabie saoudite reste inflexible en ce qui concerne l’avenir de Bachar el-Assad. La monarchie wahhabite continue d’exiger son départ sans condition et estime que ni Assad ni les multiples factions de l’opposition n’ont leur mot à dire désormais. Une position adoubée par la France, certains alliés occidentaux et arabes. L’opposition syrienne, elle, reste sceptique quant à l’obtention de résultats tangibles à Vienne.
«Le fait que cette réunion ait lieu, avec toutes les parties prenantes dans le dossier syrien, c’est une bonne chose. Mais je ne suis pas optimiste sur la possibilité d’une solution au conflit syrien, à l’issue de cette réunion. Les positions des deux camps sont trop éloignées», estime ainsi Walid el-Bounni, membre de l’opposition syrienne en exil.
Rien n’est donc fait. L’Iran a fait savoir, lundi, par la voix de son vice-ministre des Affaires étrangères, Hossein Amir Abdollahian, qu’il se retirerait des pourparlers sur la Syrie s’il estimait qu’ils ne sont pas constructifs, tout en déplorant le rôle négatif de Riyad lors de la première séance de discussions.

Jenny Saleh
 

L’axe Homs-Damas menacé
Bien loin des salons dorés de Vienne, sur le terrain, les combats continuent. Avec une nouvelle avancée de l’Etat islamique, qui pourrait bien, si elle se confirme, être lourde de conséquences. Les hommes de Daech sont en effet parvenus à avancer vers l’autoroute stratégique qui relie la capitale syrienne à la ville de Homs. Dimanche, ils ont facilement mis la main sur la ville mixte de Mahin, après avoir fait exploser deux voitures piégées, mais surtout obtenu des complicités locales de tribus. Cela alors qu’une trêve était en vigueur avec les différentes parties combattantes. Daech aurait ainsi réussi à «séduire» et, surtout, convaincre les tribus locales de s’allier à lui.
Daech tenterait également de prendre Sadad, une bourgade où vivent de nombreux chrétiens orthodoxes. Si cette ville tombe, l’Etat islamique ne serait plus qu’à une dizaine de kilomètres de l’autoroute reliant Homs à Damas et à une trentaine de kilomètres de la frontière libanaise.
Parallèlement à cette avancée, les raids aériens russes se sont poursuivis sans relâche tout le week-end. Selon Moscou, plus de 200 cibles auraient été atteintes, dont certaines dans la région de Palmyre, pour la première fois depuis le début de l’offensive russe. S’ils ont soigneusement évité la cité antique, en revanche, les raids ont visé des positions de l’EI situées à al-Qaryataïn, une ville sous le contrôle de Daech.
Sur un autre front, dans la province de Hassaké, au nord-est, l’Etat islamique se retrouve face à une offensive lancée par une nouvelle alliance entre les Américains et les groupes rebelles.

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