Magazine Le Mensuel

Nº 3032 du vendredi 18 décembre 2015

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BDL Accelerate 2015. Le Liban, Silicon Valley du Moyen-Orient

BDL Accelerate 2015, la seconde conférence internationale pour les start-up, reflète la volonté de la Banque du Liban de faire de Beyrouth une «Silicon Valley» au Moyen-Orient. L’objectif est de créer un hub technologique pour endiguer la fuite des cerveaux libanais à l’étranger.

Ce n’est pas un concert qu’accueillait, la semaine dernière, le Forum de Beyrouth, mais un événement d’une aussi grande envergure pour l’économie libanaise et même pour la jeunesse: la seconde édition de Banque du Liban Accelerate, la conférence internationale pour les start-up au Liban.
Sur 11 000 mètres carrés, l’événement a rassemblé, les 10 et 11 décembre, quelque 7 000 participants dont des investisseurs, des start-up et d’autres acteurs de l’économie digitale et de la connaissance, venus des quatre coins du globe.
Organisé par la Banque du Liban (BDL), l’événement n’est que la vitrine d’une ambition beaucoup plus grande de la part du gouverneur Riad Salamé: faire du Liban un véritable hub technologique dans la région et faire naître des success stories libanaises à la Mark Zuckerberg ou Steve Jobs, rien que cela.
Une entreprise que la Banque du Liban a commencé à concrétiser, le 22 août 2013, lors du lancement de la circulaire 331 permettant aux banques commerciales d’entrer au capital de sociétés exerçant dans l’économie de la connaissance et du savoir, tout en bénéficiant d’une garantie de leur exposition à au moins 75%.
«La circulaire 331 a créé une synergie entre le secteur financier et le secteur digital», a déclaré le gouverneur au cours de la séance inaugurale. «Avec ce projet, nous voulons contribuer à la stabilité sociale du Liban. Nous voulons donner aux générations futures la possibilité de construire un avenir dans leur pays».
L’objectif de la Banque du Liban est clair: passer à une économie basée sur la connaissance en tirant profit de la plus grande ressource du pays du Cèdre, à savoir son capital humain, et endiguer ainsi la fuite des cerveaux libanais à l’étranger.
Pour cela, la BDL entend bien développer l’écosystème digital et entrepreneurial libanais en lui apportant l’infrastructure et les ressources nécessaires pour faire du Liban cette économie digitale basée sur la connaissance.
Depuis le lancement de la circulaire, l’argent mis à la disposition des start-up libanaises a au moins été multiplié par dix avec quelque 400 millions de dollars consacrés aux start-up. Les banques commerciales ont déjà investi 250 millions de dollars dans les jeunes entreprises libanaises depuis 2013.
La Banque centrale ne compte pas s’arrêter là. Riad Salamé a annoncé la création, en 2016, d’une bourse électronique pour les entreprises qui sera gérée par l’autorité des marchés des capitaux.
Dans un entretien accordé à Magazine, Marianne Hoayeck, directrice exécutive de la BDL, confie: «Avec le succès de la circulaire 331, nous avons voulu aller plus loin encore. L’objectif est de créer des liquidités pour les start-up et les PME en leur donnant une alternative au crédit pour le financement de leurs projets».
«Finie la nostalgie des jours passés, construisons l’avenir». Car pour la directrice de la BDL, le Liban a tout pour se tourner vers l’économie de la connaissance. «Une économie basée sur le savoir nécessite comme ressource principale un capital humain de qualité, qui est justement la force du Liban», martèle-t-elle.
«Alors que le Liban est passé par une des périodes des plus difficiles ces quatre dernières années, il a tout de même réussi à maintenir une croissance moyenne de 2% par an, poursuit Marianne Hoayeck. Alors, nous ne voulons plus entendre parler de la gloire passée du Liban et du temps où Beyrouth était la Suisse du Moyen-Orient. Beyrouth est là aujourd’hui et nous construisons l’avenir à travers l’économie digitale et les jeunes d’aujourd’hui».
De son côté, l’ambassadeur de France au Liban, Emmanuel Bonne, a annoncé la création, en 2016, d’un rapprochement franco-libanais pour former les talents locaux.
«Il est évident que Beyrouth peut devenir le hub digital de la région. Vous avez presque tout pour cela, poursuit-il. Les ressources humaines, la qualité des universités, l’esprit entrepreneurial et celui de prendre des risques. Le challenge est aujourd’hui de donner aux Libanais une bonne raison de rester au Liban et pourquoi pas même d’y revenir pour ceux qui sont déjà expatriés».
Pour Marianne Hoayeck, le train est définitivement déjà en marche. «Nous ne nous attendions pas à autant de succès, confie-t-elle. Depuis le lancement de la circulaire 331, nous voyons tous les jours de gros calibres du secteur qui quittent leurs postes à Dubaï, Londres ou à New York pour revenir lancer un business au Liban. Malgré les difficultés du pays, nous avons mis à leur disposition l’essentiel: à savoir le financement nécessaire».
 

Un Skype libanais?
Même conviction pour Nicolas Sehnaoui. L’ancien ministre des Télécommunications croit dur comme fer au potentiel du Liban pour devenir une Silicon Valley au Moyen-Orient. «Regardez le succès de cette conférence. L’année dernière, quelque 2 000 personnes ont participé à l’événement, aujourd’hui, nous sommes 7 000». Selon l’ancien ministre, le secteur aurait ainsi connu une croissance de 8% par an depuis 2012.
«Nous avons le plus haut taux d’ingénieurs au monde par rapport à notre population. Pour l’Occident, le Liban est une porte d’entrée sur les marchés arabes avec des interlocuteurs libanais qui peuvent faire l’interface en anglais, français et arabe. Que demander de mieux?».
Diwanee, Shahiya, Instabeat… D’ici quelques années, Nicolas Sehnaoui s’attend à beaucoup d’autres succès libanais sur la scène internationale et même plusieurs exits de start-up libanaises.
 «Je m’attends à un Skype libanais d’ici peu, ajoute-t-il. Bientôt, vous verrez, le monde aura les yeux rivés sur ce petit pays qui pourrait bien être à l’origine de plusieurs success stories. Car ce que le secteur privé et la BDL sont en train d’accomplir est aujourd’hui un miracle pour un pays dans la situation du Liban».
Mais pour que ce miracle se poursuive, le secteur privé a tout de même besoin du soutien du secteur public, notamment pour améliorer les infrastructures, à savoir la qualité d’Internet, une composante essentielle pour favoriser le développement digital.

 

Soraya Hamdan

Que dit la circulaire 331 de la Banque centrale
Objectif Emise le 22 août 2013, la circulaire 331 a pour objectif d’encourager les banques commerciales à investir dans les secteurs de la création, de l’innovation et de la technologie.
Mode d’emploi Pour cette raison, la BDL a mis à la disposition des start-up libanaises, des fonds d’investissements, incubateurs et accélérateurs d’entreprises quelque 400 000 millions de dollars.
Chaque banque libanaise peut investir jusqu’à 3% de son capital dans une entreprise qui a un projet innovant ou créatif. En échange, elle obtient des facilités de crédits à taux zéro de la BDL pendant sa participation. La Banque centrale garantit au moins 75% de la somme investie pour encourager l’émergence d’un écosystème favorable aux entreprises et permettre ainsi la création d’emplois et même d’endiguer la fuite des cerveaux.
Critères d’éligibilité Les bénéficiaires doivent être des start-up, incubateurs, accélérateurs ou fonds
d’investissements libanais. Il ne doit pas s’agir d’entreprises offshore ou financières. Les sociétés bénéficiaires doivent permettre de participer à la croissance économique et être créatrices d’emplois. Leurs activités doivent être basées sur l’économie de la connaissance et soutenir la création et le capital humain.

Chronologie
L’émergence de la scène tech libanaise:
2011 Naissance du premier accélérateur
L’émergence de la scène technologique libanaise est née en 2011 avec la création du premier accélérateur de start-up dans le pays, Seeqnce, spécialisé dans le web et le mobile. Avec un programme sur un an, 600 000 dollars ont été levés pour accélérer 8 start-up. Parmi elles, une vient aujourd’hui de lever deux millions de dollars.
2012 Création de Beirut Digital District
Objectif: créer un cluster pour regrouper l’ensemble des acteurs du secteur de l’innovation et des nouvelles technologies: les industries créatives, les incubateurs et accélérateurs de start-up en leur offrant des services et une infrastructure adaptée. Un projet immobilier qui s’étendra au total sur 120 000 m2 pour un coût de 250 millions de dollars. Aujourd’hui, 50 PME et start-up y sont basées sur 15 000 m2 regroupant quelque 1 500 employés.
2013 Lancement de la circulaire 331 avec quelque 250 millions de dollars déjà investis par les banques commerciales.
2014 Première conférence internationale pour les start-up organisée à Beyrouth et regroupant quelque 2 000 participants.
2015 2e conférence BDL Accelerate regroupant 7 000 participants.

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