Magazine Le Mensuel

Nº 3043 du vendredi 4 mars 2016

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Oscars 2016. Leonardo DiCaprio et Spotlight vainqueurs

Avec la 88e cérémonie des Oscars, la nuit du 28 février, c’est la fin de la saison des cérémonies cinématographiques, la fin du marathon des tapis rouges et de la remise des statuettes. Une fin marquée de moments forts.

Ça y est, il l’a eu: Leonardo DiCaprio a enfin son premier Oscar, celui du meilleur acteur pour The Revenant. Les doigts étaient croisés depuis longtemps, sur la Toile, les réseaux sociaux et dans les milieux du cinéma, depuis sa première nomination, il y a vingt-deux ans, pour le trophée du meilleur second rôle dans Gilbert Grape, suivi de trois autres nominations dans la catégorie du meilleur acteur, la dernière pour son épatante interprétation dans The Wolf of Wall Street. Chaque fois, la récompense lui avait échappé, comme une injustice, une malédiction, levée ce 28 février. Dès l’annonce de son nom par Julianne Moore, c’est une salve d’applaudissements qui secoue la salle du Dolby Theater de Los Angeles, une standing ovation et des sourires sur tous les visages, même ceux de ses concurrents au prix: Bryan Cranston, Matt Damon, Michael Fassbender et Eddie Redmayne.
 

The Revenant perce pourtant
Une victoire qui marque l’un des événements importants de cette 88e cérémonie des Oscars, d’autant plus mémorable que le discours de DiCaprio a également été longuement salué et applaudi. A la suite des remerciements d’usage, notamment à l’adresse de son partenaire d’écran Tom Hardy, du réalisateur Alejandro González Iñárritu et de toute l’équipe du film, il a choisi d’attirer l’attention sur un sujet bien plus important qu’une simple statuette, à savoir le réchauffement climatique, «la menace la plus urgente pour notre espèce tout entière. Nous devons travailler collectivement, ensemble, et cesser de tergiverser… Pour les enfants de nos enfants, et pour les personnes dont les voix ont été étouffées par la politique de la cupidité. Je vous remercie tous pour ce prix incroyable ce soir. Ne prenons pas cette planète pour acquise. Je ne prends pas ce soir pour acquis».
Résultat espéré et attendu, le palmarès s’est déroulé sans accroc, sans grandes surprises non plus, mis à part l’Oscar du meilleur film. Contrairement aux pronostics qui prédisaient la victoire de The Revenant, c’est Spotlight qui l’emporte. Drame de Tom McCarthy, mettant à l’affiche Michael Keaton, Mark Ruffalo, Rachel McAdams, Liev Schreiber et Stanley Tucci, Spotlight est adapté de faits réels retraçant l’enquête en 2001, du Boston Globe, couronné par le prix Pulitzer, qui a mis au jour un scandale de pédophilie sans précédent dans l’Eglise catholique. Sujet délicat qui pourrait heurter la sensibilité des spectateurs libanais!, le film, hélas, n’est pas sorti dans nos salles, question d’autocensure, de rentabilité, d’éventuelles polémiques, peut-on espérer, après les Oscars, un revirement de situation, d’opinion et de pression? Le prix du meilleur film n’est pas la seule récompense octroyée à ce drame, qualifié de «porno pour journalistes!», par David Simon, créateur de la série The wire et ancien reporter au Baltimore Sun; il remporte également l’Oscar du meilleur scénario original, le meilleur scénario adapté revenant à The big short.
L’ultime récompense échappe peut-être à The Revenant qui remporte, toutefois, deux autres grandes récompenses: celles du meilleur réalisateur et de la meilleure photographie, permettant aux deux lauréats d’entrer dans la légende de Hollywood. Iñárritu, récompensé l’année dernière pour Birdman, marque là un doublé, s’inscrivant comme le troisième réalisateur à remporter deux fois de suite ce prix, après John Ford et Joseph L. Mankiewicz. Même entrée par la porte de l’Histoire des Oscars pour son DOP, Emmanuel Lubezki qui, avec sa statuette de meilleure photographie, se classe comme le premier chef opérateur à remporter ce prix trois années de suite, après Gravity et Birdman.
Si tout le monde n’avait d’yeux que pour Leonardo DiCaprio, c’est en toute discrétion, et sans grande surprise non plus, que Hollywood accueille une nouvelle venue sur la scène des grands: première nomination, premier Oscar, Brie Larson empoche la récompense de la meilleure actrice pour son rôle dans Room dans une catégorie qui comptait des pointures et des valeurs sûres, comme les actrices oscarisées Cate Blanchett et Jennifer Lawrence, ainsi que Charlotte Rampling et Saoirse Ronan. Dans un discours très simple, l’héroïne de Room lance une série de remerciements très succincts à «ceux qui ont travaillé sur le film, qui l’ont vu, aux fans, au public. Merci d’être allé au cinéma pour le voir».
Autre grand moment de cette 88e cérémonie: la reconnaissance du travail du compositeur italien, Ennio Morricone, qui a remporté l’Oscar de la meilleure bande originale pour The hateful eight de Quentin Tarantino. Après cinq nominations vouées à l’échec et un prix honorifique pour l’ensemble de sa carrière en 2007, à 87 ans, le complice de Sergio Leone ne cache pas son émotion face à cette «belle surprise» à laquelle il ne s’attendait plus. Notons, finalement, le triomphe technique de Mad Max: fury road qui a raflé toutes les statuettes techniques et la déception de Sylvester Stallone qui s’est vu privé de son Oscar du meilleur acteur dans Creed au profit de Mark Rylance pour Bridges of spies et la récompense tellement méritée d’Alicia Vikander dans la catégorie de la meilleure actrice dans un second rôle pour The Danish girl.
Une nouvelle fois, pour la 88e année, l’Academy of Motion Picture Arts and Sciences a décerné ses prix, entre rires, émotion et polémiques. Cette année, c’est l’absence des nommés noirs qui a enclenché un tollé et un appel au boycott. Une polémique que le maître de cérémonie, Chris Rock, n’a pas manqué de mentionner dès son discours inaugural: «Me voilà à la cérémonie des Oscars, également connue comme les récompenses décidées par les Blancs», lance-t-il d’emblée. «Vous réalisez que s’ils nommaient les maîtres de cérémonie, je n’aurais même pas eu ce boulot!». Drôle et engagé, il s’est tout autant moqué de ceux qui appellent au boycott que des décideurs des nominations et des prix, effectuant un retour historique, à la fois émouvant et humoristique, des Noirs d’Amérique, plaisantant sur la nécessité d’avoir des catégories noires pour avoir des nommés noirs, relevant au passage la présence, cette année, d’un «Rocky noir», comme il l’appelle en référence au film Creed, «qui se déroule dans un monde où les athlètes blancs sont aussi bons que les noirs»… le qualifiant pour cette raison de film de science-fiction. «Nous voulons, termine-t-il sur une note sérieuse, que les acteurs noirs aient les mêmes opportunités que les acteurs blancs. C’est tout».

Nayla Rached
 

Le palmarès
Meilleur film Spotlight (Michael Sugar, Steve Golin, Nicole Rocklin et Blye Pagon Faust).
Meilleur réalisateur Alejandro González Iñárritu pour The Revenant.
Meilleur acteur Leonardo DiCaprio pour
The Revenant.
Meilleure actrice Brie Larson pour Room.
Meilleur acteur dans un second rôle Mark Rylance pour Bridges of spies.
Meilleure actrice dans un second rôle Alicia Vikander pour The Danish girl.
Meilleur scénario original Spotlight (Josh Singer et Tom McCarthy).
Meilleur scénario adapté The big short (Charles Randolph et Adam McKay).
Meilleure photographie The Revenant (Emmanuel Lubezki).
Meilleure bande originale Ennio Morricone pour The hateful eight.
Meilleure chanson originale Writing’s on the wall dans 007: Spectre (Jimmy Napes et Sam Smith).
Meilleur film d’animation Inside out (Pete Docter et Jonas Rivera).
Meilleur film étranger Le fils de Saul (Saul fia) de Làszlo Nemes.
Meilleur film documentaire Amy d’Asif Kapadia et James Gay-Rees.
Meilleur montage Mad Max: fury road (Margaret Sixel).
Meilleurs costumes Mad Max: fury road (Jenny Beavan).
Meilleurs maquillages et coiffures Mad Max: fury road (Lesley Vanderwalt, Elka Wardega et Damian Martin).
Meilleure production design Mad Max: fury road (Colin Gibson).
Meilleur montage de son Mad Max: fury road (Mark A. Mangini et David White).
Meilleur mixage de son Mad Max: fury road (Chris Jenkins, Gregg Rudloff et Ben Osmo).
Meilleurs effets spéciaux Ex Machina (Mark Williams Ardington, Sara Bennett, Paul Norris et Andrew Whitehurst).
Meilleur court métrage Stutterer (Benjamin Cleary et Serena Armitage).
Meilleur court métrage animé Bear story (Gabriel Osorio et Pato Escala).
Meilleur court métrage documentaire A girl in the river: the price of forgiveness (Sharmeen Obaid-Chinoy).

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