Magazine Le Mensuel

Nº 3043 du vendredi 4 mars 2016

Musique

Shakespeare, le roi Lear et le théâtre Nô. Ravissement visuel

Durant la deuxième semaine de sa programmation, le Festival al-Bustan a accueilli, le 29 février, une production Naohiko Umewaka, King Lear and the death of a pianist. Au cœur de l’étrangeté du théâtre traditionnel japonais Nô, la beauté visuelle des tableaux.

Du théâtre traditionnel japonais Nô au Liban dans le cadre du Festival al-Bustan: une telle programmation constitue un événement en soi. La promesse d’une expérience d’autant plus singulière que le spectacle est prévu un 29 février. La curiosité est piquée, quelques recherches sur la Toile pour tenter de déceler la particularité de cet univers avant d’y plonger en direct, le corps prêt à toutes les sensations et les possibles.
Héritier des formes les plus anciennes du théâtre japonais, le théâtre Nô, dit-on, aurait été sauvé de l’extinction par Umewaka Minoru, l’arrière-grand-père de Naohiko Umewaka. Une donne qui, d’emblée, aiguise l’intérêt. Se produisant lui-même sur la scène de l’auditorium Emile Bustani, il est accompagné d’Eric Ferrand-N’Kaoua au piano, Soraya Umewaka dans le rôle de Cordelia, Anne-Marie Salameh dans celui de l’organisatrice de festival et Goneril et Naotomo Umewaka dans le rôle du servant et de Régane.
Le silence de l’attente, le noir de la salle, l’éclairage de la scène. King Lear and the death of a pianist: le spectacle commence par le discours inaugural d’une organisatrice de festival, des mots qui ramènent à la vie un pianiste qui s’était entièrement consacré à l’interprétation musicale de l’histoire du roi Lear. A travers sa musique, il a encore une dernière chance de ressusciter la relation entre le roi Lear et ses filles… De son piano, il distille des notes de George Gershwin, Jacques Duphly, Jean-Philippe Rameau, Alban Berg, Ravel, Bach, Wagner… Et la scène se fait le théâtre d’un étrange écrin plongé dans la pénombre où s’entremêlent le silence des gestes, la blancheur des masques, ce signe distinctif du théâtre Nô, les sonorités gutturales des cris, les déplacements en glissements, le combat à l’épée… Autant d’éléments fortement maîtrisés du théâtre Nô qui s’ouvrent, toutefois, à une influence autre, plus occidentale, plus proche de nous, plus contemporaine dans le sens le plus large du terme et centrée sur son côté réducteur.
La magie à laquelle on aurait pu s’attendre ne tient pas de bout en bout, souvent rompue par une incapacité à saisir le mariage des éléments qui se donnent à voir et à entendre. A la fois simple et touffue, la performance brille, cependant, par sa beauté visuelle et la surprise ravie et souriante que les tableaux ne cessent d’enclencher.
Aurait-on dû s’attendre à un côté plus exotique, plus authentique peut-être, convenant davantage, dans nos esprits du moins, à une tradition culturelle millénaire issue du Japon? Une musique plus autochtone peut-être? Le spectateur libanais a peu de chances de le savoir, les éventualités d’avoir réellement assisté auparavant à un théâtre Nô n’étant pas très élevées, pour le citoyen, le mélomane lambda du moins. Mais une chose semble sûre, il y avait comme un sentiment d’inachevé, d’étrangeté plutôt. Une quasi-impossibilité à vraiment déterminer les sensations, l’impression immédiate du beau venant à manquer. Mais au-delà de tout, la soirée du 29 février au Bustan reste un baptême du feu à garder en mémoire.

Leila Rihani
 

Au programme
Vendredi 4 mars Il Giardino delle Delizie avec Artemandoline – Musée Sursock.
Samedi 5 The Violin Star, avec Renaud Capuçon au violon et à la direction de Georgian Philharmonic Strings.
Dimanche 6 The power of a voice, avec Anita Rachvelishvili (mezzo-soprano) et David Aldashvili (piano).
Lundi 7 Anita and friends, la mezzo-soprano sera rejointe sur scène par un groupe de musiciens maniant bandonéon, piano, trompettes et percussions.
Mercredi 9 Vivaldi et Piazzolla avec le virtuose du violon Yury Revich.
Jeudi 10 Duo de violoncelles avec Giovanni Sollima et son épouse Monika Leskovar – Eglise Mar-Sassine à Beit Méry.

Tous les concerts débutent à 20h30 précises et auront lieu à l’auditorium Emile Bustani, sauf mention contraire.

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