Magazine Le Mensuel

Nº 3052 du vendredi 6 mai 2016

HORIZONS

L’air libanais. Toxique et dangereux

Avant même la crise des déchets, les scientifiques libanais tiraient la sonnette d’alarme sur la dangerosité de l’air que nous respirons. Trafic routier et générateurs électriques privés étaient alors les deux principales sources de pollution de l’air. Eclairage avec Najat Saliba, chercheuse à l’AUB et auteure de plusieurs études sur le sujet.
 

Si la crise des déchets et les incinérations sauvages ont remis sur le devant de la scène la question de la pollution de l’air au Liban, cela fait déjà bien longtemps que les Libanais respirent des substances dangereuses. En 2013, Najat Saliba, scientifique et chercheuse à l’Université américaine de Beyrouth (AUB), mène une étude dans le quartier de Hamra pour évaluer les conséquences de l’utilisation de générateurs privés électriques sur la pollution atmosphérique.
«Nous avons comparé l’émission des HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques, des polluants organiques potentiellement cancérigènes) durant une alimentation en électricité normale, explique Najat Saliba, c’est-à-dire durant les heures de courant alimentées par l’EDL (Electricité du Liban), puis pendant les coupures durant lesquelles les générateurs privés étaient en marche». Conclusions: avec l’utilisation des moteurs électriques, la pollution est de 38% supérieure à la normale.
«Cette pollution est équivalente à deux cigarettes fumées chaque jour par individu», ajoute-t-elle.

 

Le taux de dioxyde
Selon Najat Saliba, le trafic routier et l’utilisation de générateurs électriques au Liban seraient ainsi les deux premiers responsables de la pollution de l’air. «Nous avons mené une étude qui a montré que la pollution de l’air par particules était 40% supérieure en temps de trafic routier
au Liban».
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) préconise que le taux de particules fines soit inférieur à 10 mg/m3. Au Liban, l’équipe de Najat Saliba a mesuré un taux deux fois plus élevé sur la période 2008/2014, avant même le début de la crise des déchets.
La crise des déchets, notamment l’incinération sauvage, a exacerbé ces problèmes. «Durant les incinérations, le taux de dioxyde, un polluant bien connu, a été multiplié par 25», insiste Najat Saliba. Ce n’est pas le seul polluant qui est a été exacerbé par la crise des déchets. «Les odeurs que nous respirons sont non seulement désagréables, mais sont aussi dangereuses, car porteuses de gaz, ajoute la chercheuse. Nous avons demandé à faire une étude des conséquences de ces gaz qui se dégagent sur la santé, mais nous n’avons pas eu les fonds nécessaires». Les chances d’avoir un cancer sont ainsi passées de 1 sur un million à 60 sur un million, toujours de même source.
Selon l’OMS, les particules en suspension, également appelées PM10, inférieures à 10 microns, peuvent pénétrer dans les poumons, le sang et provoquer des cardiopathies, des cancers du poumon, des cas d’asthme et des infections des voies respiratoires inférieures.
L’OMS a estimé, en 2012, à 3,7 millions le nombre de décès prématurés causés dans le monde par la pollution ambiante (de l’air extérieur) dans les zones urbaines et rurales. «Cette mortalité est due à l’exposition aux particules d’un diamètre de 10 microns ou moins (PM10), qui provoquent des maladies cardiovasculaires et respiratoires, ainsi que des cancers», écrit l’organisation.


Les émissions HAP
Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) font partie, selon le ministère de l’Environnement français, «des polluants organiques persistants du fait de quatre caractéristiques principales: ils sont toxiques, persistants dans l’environnement, bioaccumulables (ils s’accumulent dans les tissus vivants du fait de leur forte solubilité dans les lipides) et peuvent être transportés sur une longue distance. Toujours selon les mêmes sources, l’un des HAP les plus connus est classé agent cancérigène pour l’homme (groupe 1) par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ). D’autres HAP sont également classés par le Circ comme agents cancérigènes probables (groupe 2A) ou cancérigènes possibles (groupe 2B).

Soraya Hamdan

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