Magazine Le Mensuel

Nº 3061 du vendredi 8 juillet 2016

  • Accueil
  • general
  • Yalla bye! ou mes trois semaines à Beyrouth. Quand les souvenirs ressurgissent
general

Yalla bye! ou mes trois semaines à Beyrouth. Quand les souvenirs ressurgissent

Présentée au théâtre Monnot, du 1er au 3 juillet, Yalla bye! est un chassé-croisé entre Clea Petrolesi et Raymond Hosny, les deux auteurs, aussi les personnages, du spectacle, mis en scène par Stéphane Olivié-Bisson.
 

Clea est française, vit à Paris et a 28 ans. Elle devait se rendre trois semaines à Berlin. Mais c’est à Beyrouth qu’elle décide finalement de passer ses vacances, parce que, dit-elle, elle aime les villes détruites. Et elle découvrira Beyrouth, ses us et coutumes, ses gens, ses habitudes, ses incohérences, son chaos, sa douceur de vivre, tout comme son passé et son présent douloureux, ses absurdités et son quotidien, le nôtre qui deviendra le sien l’espace de ces trois semaines.
 

Mais encore?
Raymond est libanais. Il a quitté son pays pour vivre en France, pour échapper à la guerre. Là-bas, sa lutte est d’un autre genre, à un niveau double; d’une part, au travers des méandres de l’administration française, papier de séjour, passeport, visa et autres paperasses à gérer face au visage obtus et impassible des responsables. D’autre part, sa détermination à réussir comme comédien.
Chacun est en quête de ce qu’il n’a pas. Ils ne se croisent jamais sur la scène que par les souvenirs, les propos et expériences rapportés et partagés. Les souvenirs abondent, les dates se croisent, jusqu’à en perdre haleine et brouiller le spectateur. 2005, 2006, 2014… les années de guerre… le spectacle avance par tableaux successifs, découpés, sans lien aucun ni au niveau du récit ni du scénario. Comme des souvenirs enfouis depuis longtemps et qui jaillissent d’un coup, en vrac. Seul élément rassembleur, ces chaises agencées de part et d’autre de la scène et qui se prêtent à toutes les métamorphoses de lieu et d’espace.
De la bonne volonté, oui certes, il y en a, beaucoup même, cela est visible, perceptible, sans prétention aucune. La volonté de bien faire, de tendre des ponts, de rapprocher, de partager des moments, des sentiments qui semblent submerger les auteurs-acteurs jusqu’au besoin de l’expression artistique. Mais cela est-il suffisant? Ces éléments de départ ne peuvent pas constituer uniquement les matériaux d’une pièce de théâtre. Surtout que tout dans la pièce, à quelques exceptions près, peut-être la mise en scène y échappe-t-elle un peu, garde encore et encore le spectateur dans sa zone de confort, dans une situation déjà vue et revue, vécue et revécue, même dans l’inconfortable pratique des situations énoncées. On rit parce qu’on a pris l’habitude d’en rire, de se prêter toujours à cette autodérision qui nous conforte. C’est dans cette expansion usitée que les tableaux se succèdent et enclenchent le rire amusé de la salle; quand Clea se rend chez une esthéticienne à Beyrouth et se prête à la douleur d’une épilation intégrale; quand elle classifie les types de personnes qu’on croise à Beyrouth, le Français forcément humanitaire, le Franco-Libanais à la double personnalité et le Libanais toujours en retard… Du côté de Raymond, même processus, qui met en scène ses débats au cœur de l’administration française, avec peut-être, par moments, un pincement un peu plus serré, face à sa lassitude de n’incarner que des rôles de miliciens, puisque, image clichée, il est issu d’un pays au passé sanglant, ce qui le rend, selon les gens du métier en France, capable de puiser de son propre vécu. Du vécu à la scène, tout un cheminement est à faire.

 

Nayla Rached

Autour du spectacle
Clea Petrolesi, comédienne française d’origine italienne, et Raymond Hosny, comédien libanais, ont écrit ensemble la pièce de théâtre Yalla bye! (ou mes trois semaines à Beyrouth), et ont eu la chance d’obtenir pour ce texte la prestigieuse Bourse d’aide à l’écriture de la fondation Beaumarchais-SACD, (Société des acteurs et compositeurs dramatiques). Stéphane Olivié-Bisson, qui a notamment mis en scène Caligula de Camus à l’Athénée, diffusée sur France 2, leur a proposé de s’occuper de la mise en scène et le théâtre Monnot de Beyrouth a accepté de les accueillir en résidence de trois semaines, pour répéter, présenter et filmer leur travail au Liban afin de le diffuser ensuite en France. Avec l’appui de plusieurs partenaires qui se sont joints à l’aventure, dont l’Office du tourisme du Liban, le Théâtre des Quartiers d’Ivry, le théâtre Monnot et les productions 62 events by Josyane Boulos. Il est prévu, grâce à l’aide de l’association Beaumarchais-SACD, un sur-titrage en arabe du spectacle, ainsi que l’édition du livre bilingue de la pièce. La compagnie devrait être présente au Festival d’Avignon pour présenter le travail effectué au Liban.

Related

Un an après. Le mouvement civil revient à la charge

Le Liban et la Syrie au menu. Rencontre Zarif-Jubeir à New York?

Fabrice Balanche, expert de la Syrie. L’accord russo-turc d’Idleb est provisoire

Laisser un commentaire


The reCAPTCHA verification period has expired. Please reload the page.