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Nº 3064 du vendredi 29 juillet 2016

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Courant patriotique libre. Gebran Bassil fait le grand ménage

Comme le feu qui couve sous la braise, le «malaise» était déjà là depuis un bon bout de temps. Mais soudain, ce qui se disait tout bas dans les salons et se murmurait derrière les portes fermées se dit tout haut. Que se passe-t-il au sein du Courant patriotique libre (CPL) qui se voulait un exemple de démocratie?   

Les derniers développements à l’intérieur du CPL sont scrupuleusement suivis aussi bien par les adversaires que par les alliés en raison de leurs graves retombées sur la position, le rôle et le poids du parti sur la scène politique. Alors qu’il bénéficie toujours d’une grande popularité et exerce pleinement son rôle politique, le général Michel Aoun a voulu confier de son vivant la présidence du parti à Gebran Bassil afin de préserver l’avenir du CPL et éviter les divisions et les dissensions à l’intérieur. Mais cet «héritage» n’a pas eu lieu sans que tout ce que craignait le général arrive en sa présence et se passe sous ses yeux. Depuis son entrée en fonction, Bassil ne cesse de faire face à ceux qui défient son autorité et rejettent la manière dont il a pris la présidence du CPL. Les élections municipales ont porté un coup sérieux à son autorité et ont clairement montré que de nombreux partisans ne se sont pas conformés aux instructions du parti. Tout cela arrive, alors que le général Aoun est toujours là et couvre les actions de Bassil. C’est d’ailleurs du fondateur de ce courant que le ministre des Affaires étrangères tire sa légitimité et sa couverture politique. Nombreux sont ceux qui s’interrogent sur ce qui arrivera le jour où Bassil se retrouvera seul et qu’il devra s’affirmer et livrer ses batailles sans le support du général.
 

Pas d’unanimité
Des observateurs estiment que Bassil a brûlé les étapes et pris très tôt les rênes du parti. Dans sa tentative de s’imposer, il a pris des décisions hâtives, que n’importe quel autre président de parti aurait mis quelques années à prendre, après avoir bien assis son pouvoir et su maîtriser les règles du jeu. Toutes ces secousses à l’intérieur du CPL ont lieu au mauvais moment, à une période où le général Aoun livre sa plus grande bataille, celle de la présidence de la République. Ce combat ne tolère aucun indice de faiblesse à l’intérieur de son propre camp.
Comment en est-on arrivé là? Plusieurs éléments ont contribué à créer cette situation. D’abord, le général Michel Aoun a voulu sciemment remettre la présidence du parti entre les mains de Gebran Bassil de son vivant. De cette manière, il a réussi à éviter au ministre des Affaires étrangères de gravir les échelons et de faire ses preuves avant de mériter la présidence du CPL. Pourtant cette élection-nomination n’est pas passée sans heurts et sans de vives critiques à l’intérieur du parti. Cette démarche a placé le Courant patriotique libre dans la même case des partis traditionnels qui appliquent le principe de l’héritage politique familial. En outre, Gebran Bassil ne fait pas l’unanimité au sein du parti et il est incapable de remplacer le général Aoun, tout comme il ne possède pas son charisme et sa prestance. Malgré sa combativité, sa compétence et sa détermination, le ministre des Affaires étrangères supporte plus qu’il n’en peut. Face à cette situation, il ne pouvait que relever le défi et s’affirmer même s’il doit pour cela prendre des décisions difficiles et régler ses comptes avec ses opposants et ceux qui contestent son autorité au sein du parti.
Ensuite, il y a eu le passage à la retraite du général Chamel Roukoz. Malgré ses multiples assurances qu’il ne fait pas partie du CPL, qu’il n’évolue pas dans sa mouvance et qu’il préfère l’action populaire à l’action politique dans le cadre d’un courant populaire, libre de toutes contraintes réglementaires, il n’en demeure pas moins que l’existence de Roukoz et Bassil sur un même terrain aouniste, et le fait qu’ils soient tous deux les gendres du général Aoun, suffisent amplement à créer une compétition entre eux. Cette dualité, qui aurait due être complémentaire, s’est transformée en rivalité entre les deux hommes et Roukoz pourrait attirer vers lui des cadres et des membres du CPL.
L’accord entre les Forces libanaises et le Courant patriotique libre est venu à son tour compliquer la situation. Les élections municipales ont été le premier test de cette entente. Le CPL s’est conformé à ce document et Aoun a montré, une fois de plus, qu’il était capable d’amener son courant et ses partisans là où il le voulait malgré la manifestation de multiples réticences. Nombreux sont ceux qui n’ont pas pu s’adapter à cette nouvelle situation après des années de conflits et de rupture. Ceux-là ont considéré que l’entente de Maarab comprend deux volets. Un premier volet chrétien concernant la réconciliation et l’ouverture d’une nouvelle page de collaboration et de coordination portant sur les dossiers chrétiens, que toutes les parties appuient. Un second volet politique, relatif à la relation politique et à la manière de mener les échéances électorales, de régler les différends à l’ombre des  conflits d’intérêt politiques et partisans. Cet aspect reste flou et équivoque chez une large tranche aouniste représentée par le général Chamel Roukoz, qui appuie la réconciliation chrétienne mais garde des réserves sur l’accord politique.
Les élections municipales ont mis au jour de nombreuses failles et beaucoup de points faibles à l’intérieur du CPL – ainsi que dans tous les partis et forces politiques – au niveau de la performance et de l’organisation dans la première expérience électorale que mène le CPL sous la présidence de Bassil. Ces élections ont montré que ce dernier ne contrôle pas le terrain et la base comme il faut et qu’il existe un déphasage entre la base et le commandement. Cette situation s’est clairement manifestée à Achrafié où se sont opposés Nicolas Sehnaoui, appuyé par Bassil, et Ziad Abs, le militant opposant. De même, à Jal el-Dib, le député Nabil Nicolas ne s’est pas conformé à la décision du parti et a appuyé la liste soutenue par Michel Murr. A Jezzine, de nombreux aounistes n’ont pas voté pour la liste de Khalil Harfouche et, à Jounié, le général Aoun a dû intervenir personnellement pour sauver la situation.

 

Primaires législatives
Alors que le dossier des élections municipales n’est pas encore tout à fait clos, Bassil a ouvert la page des élections législatives, tentant une nouvelle expérience, celle d’élections primaires pour déterminer les candidats aux prochaines élections législatives. Cette initiative est un pas courageux dans l’exercice de la démocratie et aucun autre parti libanais ne l’a déjà entreprise. Toutefois, cette mesure a ouvert la boîte de Pandore et créé des problèmes qui tombent à un mauvais timing et dont se serait bien passé le président du parti. Actuellement, le cercle des opposants à Gebran Bassil ne fait que s’agrandir et il comprend des noms qui possèdent une histoire dans le CPL, à l’instar de Naïm Aoun, Ziad Abs, Antoine Nasrallah et Tony Moukheiber. En parallèle, la liste des critiques et des accusations ne fait que s’allonger. Elles portent sur l’absence de dialogue et la mise en place d’une répression systématique. La démocratie n’a plus sa place au sein du CPL qui est en train de changer d’esprit et de voie. Le Courant patriotique libre est aujourd’hui dans une situation critique qui pourrait se transformer en une crise réelle. Les derniers événements sont une sonnette d’alarme. Cette situation est encore sous contrôle, mais elle nécessite une intervention directe du général Michel Aoun avant qu’elle ne dégénère en scission, séparation et démission collective…

Joëlle Seif
 

Coordination CPL-FL
Une réunion s’est tenue entre le ministre Gebran Bassil et le responsable de la communication et de l’information auprès des FL, Melhem Riachi, et le conseiller économique des FL, Ghassan Hasbani. De nombreux dossiers, notamment économiques, ont été étudiés. Un dialogue devrait avoir lieu entre les deux partis à ce niveau en vue de mettre à jour une vision et un plan communs économiques, sociaux et administratifs. Ils ont également décidé de poursuivre leurs concertations dans les dossiers politiques. Les FL ont fait part de leurs reproches au CPL concernant l’accord sur le pétrole que Bassil a conclu avec le président Nabih Berry dont elles n’avaient pas été tenues au courant. Une action conjointe entre le CPL et les FL a lieu dans le but de provoquer une brèche dans la crise constitutionnelle. Son objectif est de rétablir l’équilibre entre les composantes politiques du pays. Le premier pas dans ce sens serait l’élection du général Aoun à la présidence. Selon Samir Geagea, si un président n’est pas élu le mois prochain, la situation se compliquera davantage. Des sources proches de cette rencontre parlent de la préparation d’une action commune entre le CPL et les FL pour faire face à la loi de 1960 si un accord sur une nouvelle loi n’a pas lieu.

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