Magazine Le Mensuel

Nº 3068 du vendredi 26 août 2016

HORIZONS

Tekaya. Transformer des déchets textiles en objets design

Pamela Chami et Karim Hobeiche récupèrent les chutes de tissus et déchets textiles pour en faire des objets design, leur manière à eux de participer à un règlement de la crise des ordures.

Ils ont trouvé l’opportunité en pleine crise. «Quand on pense aux déchets, on pense souvent à ceux qui sont organiques, plastiques ou en carton, explique Karim Hobeiche, jeune entrepreneur de 24 ans. Pourtant, ce sont les déchets textiles qui constituent la majorité des ordures industrielles», poursuit le créateur de Tekaya.
C’est en travaillant dans l’entreprise de tissus de son père que le jeune entrepreneur a eu l’idée de récupérer les échantillons de textile jetés pour en faire des coussins, d’où le nom de son entreprise, Tekaya, qui signifie coussin en arabe. «Je me suis rendu compte que des quantités énormes de tissus partaient tout simplement à la poubelle, alors qu’ils étaient en excellent état. J’ai alors demandé à mon père de les récupérer pour que je leur donne une seconde vie».
Karim commence alors à confectionner ses coussins écolos en réutilisant les échantillons de tissus jetés par l’entreprise familiale. «Au début, je créais des modèles très simples, avec seulement deux couleurs et quelques designs. Je dois avouer que je manquais un peu d’originalité».
Cela ne dura que jusqu’à ce que Pamela Chami, 25 ans, décide de rentrer au Liban après plusieurs années passées à l’étranger pour ses études en architecture d’intérieur. «Quand Karim m’a parlé de Tekaya, j’ai tout de suite beaucoup aimé l’idée, raconte-t-elle, mais je sentais qu’il fallait apporter une touche de créativité à tout cela. Disons que Karim avait beaucoup d’idées, mais se focalisait sur le côté pratique plus que le design». Lorsque Pamela prend en charge le côté créatif, le duo est né et Tekaya commence alors vraiment son ascension.
Au début, le duo de créateurs produit une dizaine de coussins par semaine. Cela commence par le bouche à oreille, jusqu’à ce que le projet prenne une ampleur supplémentaire en passant de la confection d’objets à l’unité à la prise en charge de commandes en gros. «Nous avons commencé à produire du packaging écolo pour les entreprises, des cadeaux de fête des mères pour les garderies, des objets promotionnels en tissu…», ajoute Pamela.
 

Le upcycling
Aujourd’hui, si Karim et Pamela ont, tous deux, une activité professionnelle à temps plein en plus de Tekaya, ils espèrent bien faire de leur affaire un modèle d’entreprise sociale qui participe à son échelle à déclencher une prise de conscience environnementale au Liban.
«Ce que j’aimerais dire aux Libanais, insiste Karim, c’est qu’il faut arrêter de penser que tout ira bien et s’arrangera comme par magie sans rien faire. Il y a une crise des déchets et c’est un problème que nous sommes les seuls à pouvoir résoudre et pour cela, il faut agir. Il n’existe pas d’autre option».
Selon une étude du Council for textile recycling, quelque 5,8 millions de tonnes de tissus sont jetées chaque année en Europe, tandis que seuls 25% sont recyclés.
En évitant aux déchets textiles libanais de se retrouver dans les décharges déjà arrivées à saturation, Pamela et Karim font ce qu’on appelle de l’upcycling. L’idée est simple: il s’agit de transformer un matériel, tel que le tissu en objet qui a de la valeur, et sans un processus trop long et coûteux, en matière de transformation d’énergie.
«Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme», comme disait Lavoisier. «La différence avec le recyclage c’est que cela nécessite encore moins de consommation d’énergie, c’est encore plus écolo, explique Karim. Le tissu que nous utilisons ne se retrouvera pas dans une usine pour être transformé. Nous lui donnons simplement un autre rôle en devenant coussin ou sac en tissu, la consommation d’énergie est alors moindre et la transformation extrêmement peu coûteuse».
Tekaya contribue, en même temps, à rapprocher les marques des fabricants et des consommateurs.

Soraya Hamdan

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