Magazine Le Mensuel

Nº 3080 du vendredi 4 août 2017

Reportage

Château Ksara. Une histoire de 160 ans…

Cette année, Château Ksara célèbre ses 160 ans. A cette occasion, Magazine vous emmène au détour d’une visite exclusive du domaine, partie du patrimoine, de ses caves historiques à sa production, en toute transparence, sans secrets, au fil de l’Histoire et des histoires. Pour la passion du vin, et l’excellence du vin libanais. 

Quelques jours avant le début des vendanges, dès la 3e semaine d’août jusqu’à la mi-octobre, l’équipe de Magazine est allée à la découverte de Château Ksara, guidée par Dikran Ghazal, Directeur général, Michel Hallak, Directeur des caves, et Rania Chammas, Directrice des Relations publiques et Communication. Et nous voilà lancés dans une visite des caves, une tournée privée puisque certains recoins ne sont pas ouverts au public, pour mille et une précautions, là où sont stockés les «trésors des caves», les «vins d’or» de Ksara, notamment le plus ancien vin doux, qui remonte jusqu’en 1935. Au fil de la visite, les explications s’enclenchent, se faufilant en toute transparence, sur les techniques  de vinification et de vieillissement, et dans les interstices de l’histoire surtout, puisque Ksara s’imbrique étroitement aux traditions, à l’héritage, au patrimoine. Ksara fait partie du patrimoine libanais, le 3e site le plus visité après les grottes de Jeita et la ville de Byblos, précise Dikran Ghazal. Les caves ont une histoire qui attire, datant de l’époque romaine, et qui constitue un des éléments déterminant du succès de Château Ksara.

Histoire d’une passion
A noter que Château Ksara est la première entreprise vitivinicole du Liban à délivrer une  formation reconnue internationalement en partenariat avec WSET, institut fondé en 1969 et leader mondial dans la formation et la délivrance de diplômes dans le domaine des vins et spiritueux. Château Ksara ayant signé un accord de partenariat avec WSET fait désormais partie de ce programme disponible par ailleurs en 18 langues et dans 62 pays.
Dès l’entrée, l’histoire d’un patrimoine s’infiltre dans les machines très anciennes, utilisées par les pères jésuites, des Dames Jeanne, où sont stockées des eaux de vie aux fruits, jusqu’aux endroits inaccessibles au public, des barriques en chêne importées de France, aux cuves en inox et en béton pour la fermentation et la conservation, en passant par les chais de vinification jusqu’à la chaîne de mise en bouteille. Et un détour par l’arak, Ksarak, son méticuleux et onéreux processus de distillation et de rectification, trois fois distillé, et vieilli dans des jarres en grès pendant 2 ans.

Un assassinat et un renard
C’est en 1857 que les pères jésuites s’installent à Ksara autour du premier observatoire au Liban avec une vingtaine d’hectares de plantation, où ils cultivent la vigne et produisent alors des vins de messe ainsi que du vin rouge destiné à leur propre consommation. Le couvent est transformé en société vitivinicole suite à deux événements d’importance majeure. Le premier est d’ordre historique; deux pères jésuites ayant été assassinés sur la route conduisant de Beyrouth à Ksara par des soldats ottomans, le wali de l’époque, voulant éviter l’incident diplomatique, proposa une indemnisation via le consul général de France, qui se solda par l’octroi aux pères jésuites du domaine de Taanayel. Ce terrain à l’origine marécageux est largement transformé en vignobles par les soins des jésuites. Profitant de la présence mandataire française, ils dotent le domaine de techniques de vinification et de l’équipement vitivinicole le plus sophistiqué de l’époque, qu’ils renouvellent continuellement et qu’ils importent de France et d’Italie.
Le second événement qui favorise l’expansion de Ksara est la découverte de la grotte souterraine vers 1898. Pour la petite histoire, un renard friand de poulets en vidait le poulailler des pères et disparaissait dans une fente. L’un des pères le suivant un jour découvrit sa cachette: une grotte naturelle dont l’occupation par les Romains est établie et transformée par des dizaines de familles qui s’y réfugiaient pour fuir le joug ottoman, protégées par la loi de l’exterritorialité (en l’occurrence française). Découverte d’importance considérable puisque les pères jésuites firent élargir les boyaux de la grotte jusqu’à la taille des splendides galeries actuelles, mesurant environ 2 km de long. La température y est constante toute l’année, de 9 à 13˚, l’humidité est de 80%, conditions essentielles pour un parfait vieillissement du vin.
Chaque année, plus de 70000 personnes visitent ces caves souterraines à peine éclairées pour s’imprégner de toute la magie du lieu. Ksara a reçu les six premiers mois de l’année 40000 visiteurs, ce qui représente une progression de 40% par rapport au premier semestre de 2016, déclare Rania Chammas. Cette année, Château Ksara estime recevoir 85000 visiteurs en provenance des quatre coins du monde, surtout que depuis quelques années, les Libanais représentent 60% du nombre des touristes et les étrangers 40%. Les agences de voyage proposent aux étrangers autant qu’aux Libanais une tournée des caves, accompagnée de visites aux principaux sites archéologiques, Baalbeck et Anjar. Ces tournées donneront aux amateurs la chance de découvrir les célèbres caves, de s’informer sur la fabrication et de déguster le vin, de s’approvisionner et, surtout, de se familiariser avec toute une culture , ajoute Rania Chammas.

Développer l’industrie
Le 6 décembre 1973, les pères jésuites ont vendu château Ksara, qui a été acquis par un groupe d’hommes d’affaires. Dès 1991, l’objectif est d’accorder la production de Ksara aux exigences des grands vins internationaux. Un plan de modernisation a été adopté, il s’agit d’investissements en matériels et équipements ultra-modernes, de la plantation de nouveaux cépages et de la construction des dépôts frigorifiques. Ce qui différencie le vin de Ksara est la qualité et la diversité de ses 10 terroirs: Kanafar, Tal el-Deir, Taanayel, Mansoura, Tal-Dnoub, Kefraya, Chlifa, Massa, Saghbine… Des sols argilo-calcaires, graveleux, limon-calcaire sans oublier l’altitude de ces plantations qui s’échelonne entre 900 et 1400 mètres et un climat continental parfait pour produire des vins généreux et expressifs.
Château Ksara, fruit d’une expérience plus que centenaire et d’un effort continu de modernisation, est la première entreprise vitivinicole au Liban. Aujourd’hui, château Ksara avec 130 employés, -sans compter les saisonniers, les agriculteurs, et les partenaires-, produit 3 millions de bouteilles par an, dont 40% sont exportés vers une quarantaine de pays,  essentiellement la France, la Grande-Bretagne, les Etats Unis… «Nous en sommes fiers, affirme Dikran Ghazal, notre objectif est de nous développer et de consolider notre position de leader sur le marché local». Dans ce contexte, il ajoute, que «le consommateur manque davantage d’éducation que de moyens. Le vin est un produit d’interactions complexes. Mais la demande reste plus forte sur les vins libanais, souvent pour les faire goûter à l’étranger, signe de fierté nationale». M. Ghazal est loin de prêcher une politique de l’exclusivité, bien au contraire: «Le consommateur libanais a un éventail de choix aujourd’hui pour déguster les vins exceptionnels libanais, des vins d’excellence imprégnés de la saveur du terroir et élaborés avec amour.»
Château Ksara a remporté de nombreuses distinctions et acquis une reconnaissance significative internationale. Elie Maamary, Directeur export, explique que plusieurs critères sont pris en considération pour sélectionner les concours auxquels participe Ksara. «Pour les compétitions en Europe, on choisit les concours qui sont sous le patronage de l’OIV, l’Organisation Internationale de la Vigne et du Vin, dont le siège est à Paris, ou ceux qui sont sous le patronage de l’Union Internationale des Œnologues ainsi que l’Union des Œnologues du pays où se déroule le concours. Un gage de qualité pour les consommateurs ».
Dikran Ghazal souligne que «la société dispose de tous les atouts pour réussir: des équipes qualifiées et talentueuses, des équipements à la pointe pour le travail de la vigne et le vin et la particularité de ses cépages». James Palgé, directeur technique et œnologue, au Liban depuis 1993, estime de son côté que «la particularité de l’encépagement de château Ksara et sa très grande diversité de cépages (29) qui ont été plantés en fonction du sol et de l’altitude, permettent en toute circonstance suivant les aléas climatiques de produire une qualité irréprochable».
Beaucoup de foisonnement et déjà plusieurs projets visant une diffusion à l’échelle nationale et internationale seront amorcés: ventes aux enchères des vins de collection ou des vins millésimés, lancement d’une nouvelle eau de vie… tant et tant de projets permettant d’accélérer le rayonnement souhaité et nécessaire. Au cours des deux dernières décennies, l’industrie vitivinicole ne cesse de progresser, le nombre de vignobles n’a cessé  d’augmenter, avec 40 producteurs, et la demande a augmenté en proportion. «Ce n’est probablement que le début d’un processus de croissance prometteur», conclut Dikran Ghazal.
Château Ksara offre une variété de gammes qui allient créativité, originalité, tradition et savoir-faire. Derrière chaque bouteille, un mélange de méthodes traditionnelles et de nouvelles techniques,un savoir-faire, un art de vivre, un terroir, une histoire.
www.chateauksara.com

Nayla Rached

Related

Français de Syrie. Les oubliés de la République

Histoire de coopératives. Excursion au cœur du commerce équitable dans la Békaa

L’étonnante Enfé. A la découverte des trésors inconnus

Laisser un commentaire


The reCAPTCHA verification period has expired. Please reload the page.