Magazine Le Mensuel

Nº 3090 du vendredi 1er juin 2018

En Couverture

Retour des réfugiés syriens. Le Liban veut agir seul

L’une des priorités du président Michel Aoun dans la période à venir sera d’organiser le retour du plus grand nombre de réfugiés syriens dans leur pays, sans attendre l’Onu et la communauté internationale.


En plus du fardeau économique et des tensions sociales générées par la présence d’un million de réfugiés syriens sur son sol, le Liban craint une éventuelle déstabilisation due à l’implantation définitive d’une partie d’entre eux. Ce «danger existentiel» est de plus en plus évoqué, ouvertement par le président Michel Aoun et le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil, et plus discrètement par d’autres responsables.
L’intégration de plusieurs centaines de milliers de réfugiés syriens, sunnites dans leur écrasante majorité, transformerait radicalement la réalité démographique du Liban.
Avec le retour au calme dans de vastes régions de Syrie, les dirigeants libanais plaident depuis des mois auprès des Nations unies et des pays occidentaux en faveur du retour des réfugiés. Mais leurs appels n’ont pas été entendus, sous prétexte que le retour des réfugiés est tributaire de la solution politique.

Abbas Ibrahim à l’œuvre
Beyrouth défend l’idée d’un retour «digne et sûr» des réfugiés, alors que l’Onu et l’Union européenne plaident pour un retour «digne, sûr et volontaire». Les divergences sont apparues en avril lorsque le Liban a organisé, en coordination avec les autorités syriennes, le retour de 500 réfugiés, installés dans la localité de Chébaa, dans leur village de Beit Jin, au sud de Damas. L’opération a été organisée par le directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, chargé par le président Aoun de coordonner ce dossier avec les autorités syriennes.
La communauté internationale a très mal réagi à l’affaire de Beit Jin. Dans un communiqué, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) a indiqué qu’il n’était pas «impliqué dans l’organisation de ce retour ou d’autres retours pour le moment, vu l’état de la situation humanitaire et sécuritaire en Syrie». «Le UNHCR respecte cependant les décisions individuelles des réfugiés de retourner dans leur pays d’origine, lorsqu’elle n’est pas prise sous la pression», poursuit l’agence de l’Onu.
La position de l’agence onusienne a été sévèrement critiquée par la diplomatie libanaise. «L’UNHCR n’encourage même pas un exemple à petite échelle d’un retour sûr et digne qui respecte tous les principes humanitaires et les usages internationaux», a estimé le ministère des Affaires étrangères.
Rebelote quelques jours plus tard. Lors de la réunion, à Bruxelles, d’une conférence consacrée au dossier des réfugiés, l’Onu, l’Union européenne et d’autres pays et organisations ont appelé les pays hôtes à accorder aux réfugiés syriens un statut juridique, une résidence légale et un permis de travail au sein des pays d’accueil. Il n’en fallait pas plus pour provoquer la colère de Michel Aoun. Dans un communiqué, le président a dénoncé les conclusions de cette conférence qui mettent «en danger le Liban en proposant une naturalisation voilée des réfugiés syriens».
Ces deux incidents ont conforté le président Aoun dans sa conviction que le retour des réfugiés ne peut plus attendre le feu vert de la communauté internationale. Et pour bien montrer sa détermination, Beyrouth pourrait prochainement réclamer le départ de la Coordonnatrice spéciale par intérim des Nations unies pour le Liban, Pernille Dahler Kardel, accusée par les autorités libanaises d’œuvrer au maintien des réfugiés syriens au Liban.
Après Beit Jin, Abbas Ibrahim discute avec Damas du possible retour de 5 000 réfugiés. D’ici à la fin de l’année, le rapatriement de plusieurs dizaines de milliers de déplacés est envisagé.
 

Paul Khalifeh

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