Chaque
jour apporte son lot d’explosifs, de morts, de blessés et de dégâts que
provoquent les véhicules de la mort. Les Libanais vivent dans
l’angoisse de ce qui les attend. Les services de renseignements et les
forces de sécurité s’acharnent à intercepter les terroristes avant
qu’ils n’agissent. Ils réussissent, parfois, et en paient le prix.
L’armée est devenue la cible privilégiée des criminels. Ce fléau qui
frappe le Liban ne peut être éradiqué que par une politique, dans le
sens le plus juste du mot, menée par des hommes conscients de la
responsabilité qui leur incombe, celle d’assurer la sécurité et le
bien-être des citoyens. Nous en sommes très loin.
A Tripoli, devenue ville fantôme, les combats meurtriers se poursuivent.
Les écoles ferment leurs portes, les commerces baissent leurs rideaux
et les gens du Nord vivent au rythme des agressions contre Ersal. A cela
se greffe la chute de Yabroud, une «victoire» que célèbre bruyamment le
Hezbollah ignorant le flux de nouveaux réfugiés qui traversent la
frontière gonflant le nombre de ceux qui, désormais, sont sur place avec
peu d’espoir de rentrer chez eux, du moins à court terme. On estime,
sans crainte d’exagérer, que Syriens et Palestiniens confondus
constituent non moins du tiers de la population libanaise encore
résidante dans le pays. Arrivés sans ressources, dans leur grande
majorité, ils sont accueillis, presque, à bras ouverts, mais sans aucun
plan social et surtout sans contrôle. Leur présence, quel que soit le
devoir humanitaire qui dicte l’aide qui leur est apportée, pèse lourd
dans un pays où l’Etat peine à répondre aux besoins sociaux de ses
propres citoyens. Ces derniers sont très souvent remplacés dans nombre
de travaux par une main-d’œuvre moins coûteuse.
Les Libanais, toutes cultures, toutes classes sociales confondues,
s’interrogent sur l’avenir de leur pays où la vie devient de plus en
plus dure et où l’espoir d’un redressement radical n’est pas hélas à
l’horizon.
Sur qui et sur quoi peuvent-ils compter? Est-ce sur des élus qui ont
oublié le chemin de l’hémicycle et qui, pour beaucoup, ne le
retrouveront probablement plus? Sur des situations où les compromis,
indispensables dans l’état actuel des choses, sont la règle? Sur
certains leaders, chefs de file de courants ou zaïms d’un autre temps?…
On ne sait plus. Même si nous n’avons pas le droit de généraliser et de
mettre dans un même panier tous ceux qui sévissent dans les hautes
sphères, il nous faut reconnaître que les meilleurs d’entre eux n’ont
plus vraiment leur destin en main et le nôtre encore moins. Dans un pays
où l’Etat dans l’Etat affaiblit l’autorité, celle-ci peut difficilement
s’imposer. Il ne nous reste, pour toute perspective, que le dialogue.
Mais sommes-nous assez naïfs pour croire encore dans la bonne foi de
ceux qui ne cessent de renier leurs engagements? Nous entendons sans
cesse la chose et son contraire. Peut-on croire que le Hezbollah qui,
comme l’a laissé entendre récemment l’un de ses piliers, favoriserait
une Armée libanaise renforcée par des équipements que le chef de l’Etat
s’acharne à obtenir? Le président Sleiman et l’institution militaire ne
sont-ils pas la cible quasi permanente du parti de Dieu? Ce qui nous
reste, en guise de consolation, c’est de placer nos espoirs dans ce
gouvernement en gestation, souhaitant qu’il ne naisse pas affublé d’un
handicap irrémédiable. Déjà, en filigrane des débats parlementaires, se
dessine le profil de la présidentielle mais attendant, au cours des deux
mois qui leur sont accordés, ces messieurs du Sérail ne devraient pas
chômer. Ils ont du pain sur la planche et surtout des services à assurer
à tous ceux dont ils ont la charge et qui peinent à trouver les moyens
de survivre, d’éduquer leurs enfants et de boucler leurs fins de mois.
C’est ce qu’attend le Libanais lambda.
Mouna Béchara