Dans
son dernier rapport trimestriel sur le Liban, paru le 27 avril, la
Banque mondiale tire la sonnette d’alarme: le modèle économique libanais
n’est plus viable et doit être remplacé par une formule capable
d’assurer les besoins financiers et économiques du pays.Le rapport
de l’institution internationale regorge de chiffres et d’indicateurs
négatifs. Les plus alarmants sont le déficit de la balance commerciale,
qui a atteint 15,7 milliards de dollars, fin 2016, et le volume des
importations, qui ont grimpé à 26% du produit intérieur. Cela signifie
que plus du quart de la richesse produite par les Libanais est utilisée
pour importer des produits de l’étranger.Ces mauvaises prestations
macroéconomiques s’accompagnent de mauvaises nouvelles pour les ménages:
une hausse des prix de 3,13%, selon l’Association des consommateurs.
Cette hausse, qui intervient alors que l'érosion du pouvoir d’achat se
poursuit, serait due à deux facteurs: le débat parlementaire sur la
grille des salaires dans le secteur public et la nouvelle batterie de
taxes et d’impôts envisagée pour la financer. Le vote de la grille a
finalement été reporté sine die mais les commerçants en ont profité pour
majorer les prix de certains produits de consommation, comme les
boissons alcoolisées, les produits de luxe et les cigarettes.Cette
conjoncture, couplée à la crise politique larvée qui menace d’exploser à
tout moment, s’est traduite par des pressions sur la livre libanaise.
Selon des sources bancaires, la Banque du Liban (BDL) a dépensé entre
1,5 et2 milliards de dollars en deux mois pour intervenir sur le
marché des changes afin de soutenir la monnaie nationale. Par
conséquent, les réserves en devises de la BDL sont tombées sous la barre
des 40 milliards de dollars.Les pressions sur la livre seraient
dues au débat politique concernant la loi électorale, qui a montré
combien le fossé était profond entre les forces politiques, et
l’incertitude quant au renouvellement du mandat du gouverneur de la
banque centrale, Riad Salamé. Pendant ce temps, la présence
d’1,5 millions de réfugiés syriens continue de peser sur l’économie, en
l’absence de toute aide internationale sérieuse, susceptible de réparer
une partie des dégâts causés aux infrastructures.En parallèle, les
milieux financiers s’attendent à un durcissement des législations
américaines et internationales relatives à la lutte contre le
blanchiment d’argent sale et le financement du terrorisme. Cette
transformation des lois internationales limite les capacités du secteur
bancaire libanais et le prive de certains de ses atouts, principalement
le secret bancaire, réduit à sa plus simple expression.Face à ces
réalités inquiétantes, la classe politique continue de se chamailler
autour de la loi électorale et d’autres sujets, alors que chaque jour
qui passe, la BDL dépense entre 20 et 30 millions de dollars pour
soutenir une livre dont plus personne ne veut.
Paul Khalifeh