L’horreur
n’a peut-être pas encore atteint son paroxysme. La France, apparemment
cible privilégiée du terrorisme, n’a pas fini de payer un tribut que lui
impose Daech. Un prêtre de 84 ans est égorgé alors qu’il célébrait la
messe dans l’église d’une petite ville près de Rouen. L’un des assassins
n’était pas inconnu des services antiterroristes français. Ce drame,
s’il en fallait encore un, renforce la fragilité de la planète menacée
par les attentats terroristes qui pèsent sur toutes les régions.Les
dirigeants libanais, toutes fonctions et toutes communautés confondues,
continuent à fermer volontairement les yeux et les oreilles et à
refuser, sinon par quelques déclarations carrément anodines, de se
sentir pris dans la tourmente planétaire. Dans leur vie quotidienne, les
citoyens sont quasiment oubliés. Ils ressentent les dangers qui les
guettent et leur impuissance à y faire face, alors que dans les hautes
sphères d’une République privée de tête, ce ne sont que les Affaires
avec un A majuscule qui prennent le dessus. Certains parmi ceux qui ont
la charge de notre bien-être continuent à vivre dans le déni de leurs
responsabilités et notamment dans celui des dangers que font courir au
pays l’Etat islamique, Daech et consorts. Ces convertis à un radicalisme
qui prétend sauver le monde en éliminant les «mauvaises graines» font
un nombre incalculable de victimes, chez les enfants, les femmes, les
hommes et s’en prennent maintenant aux religieux. Ils n’ont rien de
véritables guerriers, mais sévissent dans des pays bien mieux structurés
que le Liban d’aujourd’hui.Le Premier ministre, représentant le
chef d’un Etat «fantôme» qui, de mois en mois, se fait oublier,
participe à tous les sommets arabes ou internationaux. Il n’en recueille
certes pas grand-chose mais rappelle au moins, l’espace de quelques
jours, l’existence du Liban. Un pays qui semble avoir été rayé des
agendas internationaux. Il peine toutefois à se faire accompagner par
des membres de son gouvernement qui, sans être tenus d’intervenir
directement dans les débats, craignent que leur seule présence soit une
approbation des conclusions qui ne plaisent pas à leurs alliés et à
leurs visions présentes et futures.Pour sa 27e session, qui s’est
ouverte en tout début de semaine en Mauritanie, la Ligue arabe ne manque
pas de sujets dont l’importance n’échappe à aucun pays arabe: la lutte
contre le terrorisme, les crises politiques qui secouent le monde, et le
Moyen-Orient en particulier, requièrent une coordination pour la
sécurité et la stabilité des pays de la région. Des sujets sur lesquels,
de toute évidence, les décisions sont critiques. Les raisons de
l’absence de ministres aux côtés du chef du gouvernement au sommet sont
claires. Mais quelle place aura le Liban dans tous ces débats et quels
bénéfices en récoltera-t-il? Les expériences passées et actuelles
prouvent que le Liban n’est plus inscrit sur les calendriers des grandes
nations.Le président Tammam Salam a hérité d’un Etat en
décrépitude. Le courant électrique sur l’ensemble du Liban, déjà
rationné mais au moins programmé, réserve sans cesse des
coupures-surprises. L’eau est polluée et le ministre de la Santé
publique s’emploie à faire des annonces quasi quotidiennes mettant en
garde contre de nombreux produits alimentaires jusqu’au blé, nourriture
quotidienne de tous et parfois exclusive pour une classe sociale très
peu, sinon jamais, prise en considération et dont le pain est l’aliment
essentiel, pour ne pas dire parfois unique.Si les ministres lancent
des promesses qu’ils savent ne pas pouvoir tenir, les citoyens n’y
croient plus. L’augmentation des salaires des fonctionnaires, annoncée
pour le mois prochain, les soins de santé gratuits pour les personnes de
plus de 64 ans… et peut-être d’autres gracieusetés de ce genre qui
auraient pu réjouir les bénéficiaires, si tant est que les caisses de
l’Etat, vidées depuis belle lurette, le permettaient encore.On
entend rarement parler encore d’une inspection centrale, pourtant jadis
très active, ni de fonctionnaires déférés devant la Cour des comptes ou
devant les juges spécialisés, et encore moins devant le Conseil de
discipline. Tout cela appartient au passé. Et où sont les Libanais, de
différentes générations, qui ont réussi à libérer le pays de tous les
mandats étrangers pour, hélas, retomber chaque fois sous la houlette
d’un autre occupant tout aussi étranger? L’avenir le dira.
Mouna Béchara