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Nº 2877 du vendredi 28 décembre 2012

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Peu d’éclaircies dans un tableau noir. En 2012, le Liban contaminé par la crise syrienne

 

La politique de dissociation n’aura pas suffi à endiguer les débordements sécuritaires, politiques et communautaires du conflit syrien. Face au double jeu du Hezbollah, s’est dressé un sunnisme identitaire prêt à en découdre. Mais malgré la pression continue de l’opposition, les pôles centraux de la majorité ont assuré une continuité toute relative de l’Etat.

Comme si, passé le bras de fer autour du TSL, les antagonismes libanais avaient trouvé un nouveau terrain d’expression. Jamais, depuis 2005, la Syrie n’avait semblé aussi présente. La lutte entre le régime d’Assad et les insurgés a allègrement débordé les frontières administratives. Le débat du moment sur la loi électorale et les échéances, sans doute décisives, de l’année prochaine, survient comme une sorte de trêve. Le calme précaire qui règne à Tripoli et le soutien international à la gestion de l’Etat concluent une rude année de transition. Les premières semaines qui l’ont marquée, semblent remonter à l’éternité. Le 15 janvier, un immeuble de six étages s’effondrait comme un château de cartes à Fassouh, dans le vieux quartier d’Achrafié, bilan: 27 personnes périssent sous les décombres. Une semaine plus tard, les travaux de démontage du pont en piteux état de Jal el-Dib sont entamés. Ces événements semblent remonter à des siècles. Comme la démission de Charbel Nahas, acceptée le 23 février dernier.

Une majorité solide
Le départ du ministre du Travail a été l’occasion pour les membres de la coalition majoritaire d’accorder leurs violons. Au vu des risques dont menace la crise en Syrie, le gouvernement ne pouvait plus se payer le luxe de tiraillements en son sein. Face aux fortes secousses, ils se sont tous réunis autour du principe de la défense des institutions. Chacun y est allé du sien. En 2012, le bureau politique des faucons de la majorité, formé de Gebran Bassil, Ali Hassan Khalil et Hussein Khalil, aura moins de travail de médiation à faire. Un prélude à l’édification d’un courant centriste organisé?
Infatigable promoteur du dialogue national, le président Michel Sleiman a assuré un service maximum. La deuxième année du magistère du Premier ministre Najib Mikati à la tête du gouvernement a été celle de la consolidation. Le futur candidat aux législatives à Tripoli a dû jouer les funambules. Gages d’accointance avec certaines figures de l’islamisme tripolitain d’un côté, visage à l’international de la politique libanaise de distanciation de l’autre, le locataire du Grand sérail a réussi, tout au long de l’année, à éviter les embûches.
Aux côtés du couple à la tête de l’Exécutif, Nabih Berry et Walid Joumblatt jouent de leur talent politique pour préserver l’essentiel. Si les bureaux du Parlement sont aujourd’hui l’ultime lieu de rencontres entre la majorité et l’opposition, le leader druze, dont les ministres sont les proches interlocuteurs du Premier ministre, a su convaincre ce dernier de ne pas présenter sa démission, après l’attentat qui a coûté la vie au patron des services de renseignements des FSI, le général Wissam el-Hassan, le 19 octobre.
Ce dispositif politique, qui le couvre en interne et vis-à-vis de la communauté internationale, a sans doute permis au Hezbollah de vaquer à sa mission première: la résistance à l’ennemi. En Israël, les spéculations sur les possibilités d’une réédition  d’une lutte entre le Parti de Dieu et Tsahal vont bon train. Preuve de sa puissance, l’organisation dirigée par Hassan Nasrallah lance, le 6 octobre dernier, un drone télécommandé sur le sud de l’Etat hébreu. Face au Hezb et à ses alliés qui soutiennent le régime de Bachar el-Assad, se dresse un 14 mars menaçant et prêt à en découdre.
 
L’opposition riposte
La coalition mène contre le Hezbollah une guerre totale. Pour lutter contre son allié damascène, elle a pris fait et cause pour l’insurrection. Pour combattre le gouvernement, l’opposition improvise, à l’occasion des funérailles de Wissam el-Hassan, une manifestation populaire destinée à foncer sur le Grand sérail pour en déloger Najib Mikati. Au cours de l’année, lumière est faite sur la part souterraine de cette guerre. Le 9 août, l’ancien ministre libanais, Michel Samaha, accusé par les FSI d’avoir transporté des charges explosives que lui aurait délivrées le chef de l’appareil sécuritaire syrien le général Ali Mamlouk, est arrêté. La justice libanaise délivre contre eux des mandats d’arrêt. Réponse du berger à la bergère. Fin novembre, des enregistrements audio rendus publics, montrent Okab Sakr, député chiite du Courant du futur, coordonnant des transferts d’armes à l’opposition armée syrienne à la demande du chef du Courant du futur Saad Hariri. Eux aussi sont menacés de mandats d’arrêt. Mais la procédure n’est pas facile.
Si cette affaire doit montrer la profonde implication du parti dans le conflit syrien, d’autres personnalités lui ont emboîté le pas. S’il fallait remettre le prix de la révélation de l’année, il serait sans doute décerné à Ahmad el-Assir. L’imam de la mosquée Bilal Ben Rabah de Saïda s’est imposé comme la figure de proue du salafisme triomphant. Il aura été le réceptacle de la profonde colère de la communauté sunnite qui n’a toujours pas digéré la prise du pouvoir du Hezbollah. Ses prêches identitaires ont visé juste. Lorsque les uns s’affrontent avec les partisans du parti chiite à Saïda, les autres prennent les armes et combattent à Tripoli ou en Syrie. Le plus modéré Courant du futur a pensé devoir suivre ses traces. Ses élus du Akkar, les inénarrables Khaled Daher et Mouïn Merhebi ont multiplié les attaques, le gouvernement est voué aux gémonies. Mais cette stratégie a montré ses limites. Le rassemblement du 14 mars auprès du siège du gouvernement a fait pschitt. La coalition se contente aujourd’hui d’un boycott politique, en espérant que le calendrier syrien se précipite et que l’emportent ceux qu’elle soutient activement.   

Sécurité minimale
Ayant admis le fait que le pays batte au rythme des développements de l’autre côté de la frontière, les citoyens doivent également vouloir que cette guerre s’achève. Surtout à Tripoli où les habitants ont vécu l’enfer des jours et des semaines. Des deux côtés de la rue de Syrie, entre Jabal Mohsen le alaouite et Bab el-Tebbané la sunnite, les morts se comptent par dizaines. La capitale du Nord est devenue un abcès de fixation. Le silence des armes utilisées dans la ville, imposé par un énième et dernier plan sécuritaire en date, constitue le plus long cessez-le-feu de l’année. A Tripoli, l’armée revient de loin. Le 20 mai dernier, après la mort de deux cheikhs, abattus par des soldats après que leur véhicule rempli d’armes eut forcé un barrage, des responsables locaux appelaient les habitants à les chasser manu militari.
Les débordements sécuritaires ne sont pas l’apanage d’une seule communauté. Le 22 mai, 11 pèlerins chiites qui revenaient d’Iran, sont enlevés dans la province d’Alep. Excédées par la lenteur des négociations visant à les libérer, les familles des victimes et leurs proches ont, à plusieurs reprises, manifesté leur colère en bloquant les routes, une pratique qui aura fait des émules tout au long de l’année. Dans la banlieue-sud de Beyrouth, les Syriens qui ne montraient pas patte blanche, en étaient chassés. Pire, lorsqu’à la mi-août, Hassan Mokdad a été enlevé par les combattants de l’ASL, des kidnappeurs appartenant au clan du même nom enlèvent, en guise de représailles, une trentaine de ressortissants syriens. En été, la crise était à son paroxysme. En cette fin d’année, l’escalade est maîtrisée, notamment grâce à l’aptitude du pouvoir aux compromis, mais les questions demeurent posées.
En 2013, lequel de ces calendriers dictera son agenda? Le calendrier syrien ou celui des législatives? Pour certains, la pression exercée par l’afflux massif de réfugiés venus de Syrie est devenue incontrôlable. Jusqu’alors l’apanage des partis chrétiens, le retour au premier plan du débat sur la loi électorale et, par extension, la relégation au deuxième plan de la question syrienne, pose déjà les enjeux de l’année qui vient. 

Julien Abi-Ramia

 

Les religieux au centre du jeu
L’année qui s’est écoulée a donné raison au patriarche Béchara Raï. La visite au Liban du pape Benoît XVI en septembre et l’élévation, deux mois plus tard, du patriarche maronite au rang de cardinal, légitiment son magistère et les craintes des chrétiens du Liban et de la région, qui observent avec inquiétude l’hiver islamique, enfant terrible du Printemps arabe.
 En pointe sur le dossier de la loi électorale, sera-t-il celui qui finira par enterrer la loi de 1960?
 Après avoir perdu la figure tutélaire d’Ignace IV Hazim, la communauté orthodoxe s’est trouvé un successeur jeune et dynamique en la personne de Youhanna X Yazigi. Les chrétiens de Syrie ne seront pas oubliés.
 Des leaders spirituels du pays, le mufti de la République, cheikh Mohammad Rachid Kabbani, aura sans doute été le plus ballotté. Tenant d’un discours modéré, le maître de Dar el-Fatwa doit faire face à la grogne des dignitaires sunnites locaux, très proches du parti de Hariri, qui répercutent la colère de leurs fidèles.     

Economie en berne
2012 aura été l’année de la grogne sociale. Transporteurs publics, enseignants et fonctionnaires sont tour à tour descendus dans la rue pour défendre leurs bons droits.
L’année aura également été celle de l’instabilité du pays et la crise que traverse la Syrie, partenaire commercial et plate-forme de transit, aura eu un impact considérable sur l’économie du Liban. Première victime, le tourisme. La forte baisse du nombre de visiteurs arabes relègue les chiffres globaux du tourisme au faible niveau de 2008.
Autre moteur de la croissance économique, l’immobilier stagne.
Du côté de l’Etat, le déficit et la dette publique augmentent légèrement. La Banque centrale a su amortir la crise de l’économie réelle. Le Liban traverse, depuis deux ans environ, une période économique critique qui se traduit par une croissance au ralenti atteignant difficilement les 2% cette année. Le secteur commercial a été très durement touché et les ventes ont chuté entre 2 et 7% selon les activités. Le déficit commercial a, quant à lui, atteint 13 milliards de dollars au cours des neuf derniers mois de 2012, avec des importations qui ont augmenté de 11,3% et des exportations qui n’ont crû que de 2,2%.

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