Magazine Le Mensuel

Nº 2915 du vendredi 20 septembre 2013

Hommage

Le symposium Emile Bustani. Le parcours d’un battant

Le samedi 7 septembre, un symposium organisé par la Fondation Emile Bustani a eu lieu à l’hôtel Al Bustan à Beit-Méri à l’occasion du cinquantenaire de la disparition du grand homme, Emile Bustani. De nombreuses personnalités libanaises, arabes et internationales étaient présentes pour rendre hommage à celui qui a consacré sa vie à l’essor de son pays et du Moyen-Orient.
 

«Un homme éduqué et philanthrope». C’est sur ce thème que les conférenciers Peter Dorman, Demianos Kattar, Georges Asseili, Issam Shammas, Ramsay Khoury, Nabil Dajani et Sami Salman sont intervenus. Il a été rappelé qu’Emile Bustani n’avait eu de cesse de rapprocher l’Occident et le monde arabe, qu’il a été nommé ambassadeur de l’Université américaine de Beyrouth à cause de son souci de l’avenir des jeunes dans toute la région. Il a, par ailleurs, assuré dans ce cadre l’éducation d’un grand nombre de ces jeunes. Pour lui, l’éducation est le meilleur moyen de développer les sociétés. La sienne a été subventionnée par des bienfaiteurs et non par ses parents. Il a perdu son père alors qu’il avait six ans et sa mère ne pouvait pas assurer sa scolarisation.
«La politique libanaise: du village à la scène internationale». C’est ce thème que les conférenciers ont développé: Lama Salam, Marwan Hamadé, Georges Skaff, Salah Honein, Maroun Bustani ont apporté leurs témoignages. Tammam Salam, dont le père, le président Saëb Salam, était très proche d’Emile Bustani, s’était fait représenter par son épouse. Celle-ci a insisté sur l’admiration que portait l’ancien Premier ministre au dynamisme de son ami. Georges Skaff a évoqué beaucoup de souvenirs qu’il a partagés avec le disparu. Pour lui, cet homme est allé plus loin que ses rêves. Maroun Bustani a parlé de la famille à laquelle Emile Bustani était si fier d’appartenir. Il a souligné que sa devise était «Travaille tout le temps et ris tout le temps… même si ton cœur est traversé d’une flèche». Marwan Hamadé a souligné en lui la conscience de la montagne, une conscience qui suscitait l’admiration autant chez Camille Chamoun que chez Kamal Joumblatt. Salah Honein a rappelé ce que son père Edouard Honein pensait de cet homme spirituel, engagé, sincère, plein d’énergie et aux capacités multiples.
«Sa politique arabe et internationale» a été également au cœur des interventions des conférenciers: Marwan el-Moasher, sir Alan Munro, Richard Beeston, Mohamad el-Sammak et Marwan Iskandar. Marwan el-Moasher a exprimé dans son message son admiration pour le parcours de cet homme, sa vision politique… son soutien pour la cause palestinienne. Sir Alan Munro a insisté sur le fait que Bustani a, pendant longtemps, œuvré pour la coopération entre la Grande-Bretagne et le Moyen-Orient à l’époque où le Liban était le nerf de la diplomatie anglaise dans le monde arabe. Marwan Iskandar est revenu sur le travail accompli par Bustani dans le secteur pétrolier, lui qui avait proposé la création d’un Fonds de développement arabe financé par 5% des revenus arabes de ce secteur.
«Un homme d’affaires et un entrepreneur: la fondation de la compagnie C.A.T.»
Les conférenciers: Raya el-Hassan, Fouad el-Khazen, Talal el-Shaër, Azizi Syriani, Salim Nassar, Georges Zakhem, Ayman Asfari, Samir Lahoud et Georges Hajj ont évoqué les principes économiques qu’il avait instaurés et qui sont toujours d’actualité. Les intervenants ont également mis l’accent sur les méthodes de travail de Bustani qui, grâce à sa persévérance et son professionnalisme, a fait de sa société une grande réussite.
«Son amour pour la vie»
Son sens de l’humour, son charme insolent, son engouement pour le sport, pour la danse, pour le vin, pour le cigare cubain, son intérêt pour les animaux, sa sincérité envers son épouse Laura… Autant de témoignages de Samir Khalaf, Nina Jidedjian et Asma Andraos qui ont apporté une note d’optimisme. Cet homme, travailleur acharné, était aussi un épicurien, plein d’entrain et de vie. Ainsi, quand il était étudiant, il avait monté un dispositif pour espionner le dortoir des filles. Cette habitude, il l’avait gardée tout au long de sa vie et avait installé ce même télescope dans sa demeure à Yarzé pour surveiller son entourage. Dans les dîners mondains, il s’amusait à convaincre ses amis de devenir végétariens et en profitait pour leur prendre leur viande…
 

Le discours de clôture  
«Qu’est ce qui aurait changé si Emile Bustani était toujours vivant?». Ce thème a été développé par Peter Dorman pendant qu’un documentaire sur la vie de Bustani était présenté. Il avait l’habitude de dire «donnez-moi dix ans et je transformerai le Liban en paradis». Ce qui ne lui a hélas pas été donné et le Liban n’a pas été transformé en paradis.
Le président Fouad Siniora a fait un parallèle entre le parcours de Bustani et celui de Rafic Hariri, «deux hommes partis de rien et qui, grâce à leur personnalité hors du commun, ont réussi à tracer leurs voies». «Ces deux hommes, dit-il avec émotion, sont nés dans des familles démunies. Ils ont beaucoup enduré et lutté de toutes leurs forces pour surmonter les difficultés… le Liban a perdu ces deux personnalités avant qu’elles ne réalisent ce qu’elles avaient planifié. Ils croyaient en un Liban pluriel et ouvert». 


Danièle Gergès

Bio d’Emile Bustani en bref
Né dans une famille modeste, Emile Bustani a perdu son papa très jeune. Bosseur acharné, dès sa plus tendre enfance, il réussit à la force du poignet à se faire un nom dans le monde des affaires et de la politique. Ses études, financées par des personnes qui ont décelé ses capacités, ont été brillantes. Cela lui valut de décrocher une bourse à l’Institut de technologie de Massachusetts (Massachusetts institute of thechnology – MIT). En dix ans, il a édifié un empire et une société de construction de renommée internationale. Elu député, 
nommé ministre, il a été très influent sur la scène libanaise mais aussi arabe. Il était fervent supporteur de cette partie du monde et entretenait des relations étroites avec l’Occident. Son nom a été évoqué pour la candidature à la présidence de la République libanaise, mais le destin en a décidé 
autrement. Il périt à 55 ans dans son avion disparu dans des conditions restées floues. Sur le plan national, il mène un combat contre la corruption, les pots-de- vin et le 
confessionnalisme qui, à son avis, est source de tous les maux dans cette partie du monde. Il a tenté par tous les moyens de consolider la formule libanaise de coexistence. Il a défendu avec acharnement la cause palestinienne dans son double aspect politique et 
humanitaire à travers les tribunes du monde. Dans leurs témoignages, plusieurs 
intervenants reviendront sur la capacité qu’avait cet homme de concilier les 
contradictions politiques et personnelles.

La remise du prix Emile Bustani
C’est Edgar Choueiri qui a reçu le prix Emile Bustani remis par Myrna Bustani. Le président Siniora a prononcé une allocution de 
circonstance: «Edgar Choueiri représente le vrai visage du Liban. Son Liban est celui du vivre en commun, de l’acceptation de l’autre dans ses différences, dans le respect d’une concurrence loyale dans le domaine des inventions et des réalisations». Rappelons que Choueiri, savant libanais, travaille pour la Nasa et préside l’Académie libanaise des sciences.

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