Magazine Le Mensuel

Nº 2918 du vendredi 11 octobre 2013

Expositions

Syria Contemporary Art Fair. L’art comme ultime expression

Du 2 au 9 octobre, l’Artheum a accueilli la Syria Contemporary Art Fair. Une cinquantaine d’artistes syriens, peintres, sculpteurs, photographes ont donné à voir leurs œuvres récentes.
 

Une foire artistique syrienne. L’idée remonte à 2010. Le galeriste Samer Kozah voulait la mettre en place en 2012, à Damas même. Mais vu la situation de son pays, elle a été reportée jusqu’en 2013 pour se tenir à Beyrouth, en collaboration avec Nino Azzi, fondateur de l’Artheum. «Beyrouth n’est pas seulement géographiquement proche de Damas, mais elle a également ouvert les bras pour accueillir la communauté artistique syrienne. Notre plan est de s’exporter dans les différents pays qui continuent d’exposer et de publier l’éternel renouveau des arts et de la culture de nos deux pays voisins».
Samer Kozah estime que, même si les galeries ont dû fermer leurs portes en Syrie ou réduire leur activité au minimum, «l’artiste n’arrête pas de créer, surtout dans ces conditions. Au contraire, ces dernières années, la production artistique syrienne a augmenté, tout comme la demande. C’est aussi pour cette raison que nous avons peu de galeries présentes cette année et beaucoup plus d’artistes indépendants».


Entre le corps et le pays
Déambulations au cœur des couloirs, des chambres et des dédales de l’Artheum à la Quarantaine. Judicieusement agencées, les œuvres de chaque artiste disposent d’un espace ou d’un pan de mur, permettant ainsi aux visiteurs d’embrasser d’un coup d’œil l’ensemble, tout en se faufilant au travers des détails de chaque œuvre.
Présentée en cinq sections, la Syria Art Fair donne ainsi à voir les œuvres de quatre galeries, d’artistes établis, d’artistes émergents, de photographes et d’artistes vidéo. Cette dernière section se réduit dans la présente exposition à une seule artiste, Khadija Baker, qui présente Syrian Wedding, une animation en stop-motion. Côté photographie également, une faible participation; Houssen Shoufan met à nu autant de possibilités d’histoires que de clichés saisissant le corps féminin dans sa mouvance, et Michel Chaccour expose ses photos des villes de Damas et d’Alep, de leurs souks où s’ébat la vie dans ses multiples expressions, avant l’irruption de la guerre. En pensant à l’éventuelle et probable dévastation de ces anciennes villes, on ne peut qu’être bouleversé par ce qui pourrait bien représenter désormais les seuls vestiges de ce qui, il y a encore trois ans, regorgeait de couleurs et de chaleur.
La part belle est donc accordée aux peintres et sculpteurs, qu’ils soient représentés par des galeries ou qu’ils soient indépendants, qu’ils soient  artistes confirmés ou émergents, certains résidant encore en Syrie, d’autres installés au Liban ou à l’étranger. La totalité presque des œuvres exposées date des deux dernières années, au moment où la Syrie est toujours à feu et à sang. C’est souvent en période d’insécurité, d’instabilité, de guerre, que l’art prolifère, que l’expression artistique se fait plus urgente.
Dès l’entrée dans l’espace culturel, une sculpture de Fadi Yazigi attire le regard: I will never leave the horse alone. Perturbé et émerveillé, le visiteur poursuit sa tournée, plongeant dans les sculptures en bois de Moustafa Ali, représentant des têtes humaines disposées verticalement ou horizontalement à même le sol, les énigmatiques toiles de Mohammad Omran, les derviches tourneurs de Badi Jahjah, ou encore les sculptures d’Amal Muraywed. Et tant d’autres noms encore: Hasko Hasko, Hamoud Shantout, Maher el-Baroudi…
Parmi les artistes émergents, Alaa Abou Shaheene, Issa Kazah, Oruba Deeb… Le visiteur ne peut qu’être interpellé par cette installation de Fadi el-Hamwi; dans une des chambres de l’Artheum, au cœur d’un amoncellement de blocs de béton brisés, entassés arbitrairement les uns sur les autres, trône un ancien poste de télévision, éventré, grésillant. Une installation détonante de suggestions à travers une merveilleuse économie de moyens. Un peu plus loin, le visiteur retrouve la sensibilité crue de l’artiste dans ses toiles montrant l’intérieur squelettique d’un cheval. Les émotions affleurent et s’entremêlent à la violence mise à nu.
A l’écart de l’exposition, un espace a été dédié aux collectionneurs privés et aux passionnés d’art, autour d’œuvres de célèbres artistes syriens du début du XXe siècle jusqu’aux années 70.
La Syria Contemporary Art Fair, une première édition réussie et éclectique, donnant à voir la variété de la production artistique syrienne, comme pour contrer toutes les images et les idées de destruction, de violence, de sang… véhiculées par les médias.

Leila Rihani

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