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Nº 2919 du vendredi 18 octobre 2013

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Le légendaire Wadih el-Safi n’est plus. Trois mille chansons… éternelles

Wadih el-Safi n’est plus. Le maître s’est éteint le 11 octobre. Mais sa musique, sa voix, ses chansons, le sourire de son oud, feront toujours résonner en écho dans nos cœurs l’amour du pays.
 

Vendredi soir, Beyrouth avait un seul mot à la bouche: Wadih el-Safi. La légende venait de s’éteindre, de rendre son dernier souffle. Chacun de nous, à sa manière, l’a tout de suite ranimé, ce soir-là, en pensée, en souvenirs, en émotion. Il n’est plus, mais il est toujours là, à quelques battements de cœur, à quelques voyages en musique, toujours vibrant au diapason de son immense voix, de son amour inconditionnel du Liban, de son oud posé sur ses genoux. L’espace d’un instant, son image rejaillit, pour emprunter mille et un détours, et se figer, dans son sourire, ce sourire dont il ne s’est jamais départi, pour imprégner le nôtre de mélancolie et de bonheur.
Le 11 octobre, en soirée, Wadih el-Safi était en visite chez son fils à Mansourié. Vers 19h30, à la suite d’une indisposition, il est immédiatement transporté à l’hôpital Bellevue où il décède, selon l’Agence nationale de l’information (Ani). Dans moins d’un mois, il aurait eu 93 ans. Le 1er novembre 1921, Wadih Béchara Francis naît à Niha, au Chouf, deuxième enfant d’une fratrie de huit. L’appel de la musique arrive très tôt. Encore enfant, alors que son oncle l’emmenait souvent en promenade, il aurait été fasciné par le cri du coq qu’il tentait aussitôt d’imiter, enclenchant l’admiration de son oncle pour la puissance de cette voix enfantine, selon la biographie publiée par l’Ani qui regorge autant de petites histoires aussi fascinantes dans le parcours de ce géant. A l’instar de sa première rémunération artistique, à 11 ans, de huit livres en or, de Nazira Joumblatt pour qui il aurait chanté alors qu’elle était indisposée dans son lit.
En 1938, à l’âge de 17 ans, alors que la famille Francis s’était déjà installée à Beyrouth, le jeune Wadih, âgé alors de 16 ans, participe à un concours de chansons organisé par la radio nationale libanaise. Il remporte le premier prix devant une quarantaine de concurrents. Le jury, sous le charme de sa puissante voix, lui demande aussitôt d’intégrer la radio. Et il sera surnommé Wadih el-Safi, en référence à la pureté de sa voix. Sa carrière musicale débute. Pour atteindre le sommet. Géant de la chanson arabe, véritable légende, voix d’or, la voix du Liban, la voix de la montagne, une école… autant de termes et de qualificatifs qui auréolaient Wadih el-Safi, toujours humble, humble surtout et avant tout, face à son pays, ce Liban qu’il n’a cessé de porter dans son cœur, dans ses chansons, de par le monde, aux quatre coins de la planète. Le Liban ce «morceau de ciel» qui lui doit tant et tant.

Wadih el-Safi n’est plus. Mais il sera toujours là. Pour certains, ce sera le souvenir de ce jour où il a reçu, en 2011, des mains des responsables le timbre à son effigie. Dès son apparition, une vague d’émotion perceptible avait immédiatement plané sur la salle, l’assistance se levant aussitôt, spontanément, amoureusement, pour l’applaudir, l’accueillir comme on l’a tout le temps accueilli dans nos cœurs. Comme on continue à le faire. Comme on continuera à le faire, au-delà de la mort. Pour d’autres, ce sera cette brève rencontre, ces quelques mots échangés, ce flambeau qu’il passe aux nouvelles générations, pour l’amour du pays. Pour d’autres encore, élèves ou étudiants, ce sera cette image portée à bout de bras, quand le lundi 14 octobre en journée, ils se dirigeaient à pied au centre-ville pour rendre un dernier adieu à celui qui a enchanté leurs pères et grands-pères. Et qui les enchantera à leur tour. Wadih el-Safi n’est plus. Mais il sera toujours là, à chaque fois qu’on entendra, qu’on passera, qu’on tressaillira à une de ses chansons.
Vendredi soir, sur les réseaux sociaux, il n’y avait qu’un seul hommage. A Wadih el-Safi. En musique, sa musique à lui et ces simples mots «Repose en paix». Lebnan ya ot3et sama, Ra7 7alfak bel ghossen ya 3asfour… Autant de chansons écoutées, réécoutées, diffusées ce soir-là. Ecouter, réécouter, ne jamais cesser d’écouter, sa musique, ses chansons, au-delà des mots qui sonnent inutiles, le plus grand hommage, le plus grand signe d’amour éternel d’un pays à celui qui l’a toujours porté dans son cœur, quels que soient les sacrifices, et ils sont nombreux, portés en silence, le sourire toujours aux lèvres, parce que comme il ne cessait de le répéter «l watan abel kill chi».

Nayla Rached

Un dernier adieu
Les obsèques officielles et populaires de Wadih el-Safi ont eu lieu le lundi 14 octobre, en la cathédrale Saint-Georges des maronites au centre-ville, présidées par le patriarche maronite, Béchara Raï: «Adieu Wadih el-Safi, le Libanais par excellence, déclare-t-il, devant une foule d’officiels et de citoyens. Wadih el-Safi chantait pour Dieu et les gens. Avec sa voix d’or, il a enchanté le monde. Maintenant que sa voix s’est tue, il a rejoint les anges et les saints, lui qu’on appelait le saint du tarab… Il a été l’ambassadeur du Liban dans le monde, il a chanté le Liban et sa beauté… On lui a accordé trois nationalités étrangères, égyptienne, brésilienne et française, et de nombreuses distinctions, mais sa fierté restait toujours sa nationalité libanaise et les distinctions que lui avaient accordées cinq présidents de la République». Le président Michel Sleiman lui a décerné, à titre posthume, la médaille d’or de l’ordre du Mérite libanais remise par le ministre de la Culture, Gaby Layoun. Sleiman a également demandé au ministère des Télécommunications, 
en collaboration avec le ministère de la Culture, de produire des timbres à l’effigie
de Wadih el-Safi.

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