Magazine Le Mensuel

Nº 2924 du vendredi 22 novembre 2013

general

Conflit syrien. Le Liban le plus touché

Croissance à 0,7%, montée du chômage à 20%, afflux toujours plus important de réfugiés, le Liban est le pays le plus touché par le conflit syrien, aussi bien économiquement que socialement. Mais le plus inquiétant reste la capacité du gouvernement à y faire face.
 

Les rapports récemment publiés par l’Institut de la finance internationale (IFI) et la Banque mondiale font état d’une situation économique déplorable au Liban, la plus déplorable de la région, après l’Iran et la Syrie. En cause, un conflit syrien qui déborde de ses frontières et provoque une montée de l’insécurité et un afflux de réfugiés.
Le débordement du conflit syrien au Liban, symbolisé par les attentats meurtriers et les affrontements à Tripoli, provoque un sentiment d’incertitude auprès des agents économiques, ce qui influe sur leurs comportements. Preuve de cette panique, les investissements et le cours des obligations libanaises sur les marchés financiers connaissent une baisse jamais observée depuis l’invasion d’Israël en juillet 2006, et bien plus importante que celle qui a suivi l’assassinat de Rafic Hariri.

 

La dette se creuse
La question des réfugiés syriens, qui se pose avec toujours plus d’acuité (on atteindra, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le million de réfugiés enregistrés au Liban le mois prochain), participe également de ce sentiment d’instabilité. Elle pose surtout des problèmes nouveaux, auxquels il faut répondre rapidement, par l’augmentation du budget pour les infrastructures et services. Selon le rapport de la Banque mondiale, l’Etat devra grossir son budget de plus de 1,4 milliard de dollars, pour que les services publics, tels que l’éducation ou la santé, reviennent à leur niveau de qualité et d’efficience d’il y a trois ans.
Tous ces éléments combinés conduisent inévitablement à une baisse des revenus et une hausse des dépenses de l’Etat, ce qui alourdit le poids de la dette souveraine libanaise. La dette ne cesse de se creuser depuis l’éclatement de la crise syrienne, atteignant aujourd’hui les 143% du PIB (chiffres IFI), alors qu’elle est restée stable depuis 2006. «Si, jusqu’à maintenant, la dette ne se creusait pas, c’est parce que la croissance couvrait les dépenses, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui où nous faisons face à un ralentissement économique qui a d’ailleurs commencé début 2011, avant le début des manifestations en Syrie», a rappelé lors d’une conférence Nassib Ghobril, économiste en chef de la Byblos Bank. Selon lui, le gouvernement n’a pas profité de la relative prospérité des années passées pour entreprendre les réformes lui permettant de réduire ses dépenses, et il en paye le prix cher aujourd’hui. Car c’est la question de l’indépendance du Liban qui est en jeu s’il est contraint de financer sa dette à travers les instances financières internationales, notamment la Banque mondiale et le Fond monétaire international (FMI). Celles-ci posent comme condition à leur aide une mise en œuvre de réformes drastiques, réduisant les dépenses, comme la Troïka l’a fait en Grèce. Si ces réformes sont douloureuses, elles visent à un assainissement des dépenses, sans quoi l’aide financière n’apportera pas les effets attendus.
Pourtant, les experts restent très sceptiques quant à la capacité du gouvernement à répondre aux attentes internationales, étant donné sa paralysie actuelle.
Le coauteur du rapport de la Banque mondiale, le Dr Ibrahim Jamali, pourtant convaincu de la nécessité des réformes qu’il préconise, avoue lui-même «émettre quelques doutes» sur leur mise en œuvre. En plus d’être pieds et poings liés, le gouvernement est contraint de naviguer à l’aveugle. Face aux incertitudes liées aux développements du conflit syrien, à son issue et à ses vainqueurs, mais aussi au nombre de Syriens qui le fuient, difficile en effet d’élaborer une politique cohérente de moyen ou long terme.
Une crise politique en Syrie a conduit à une crise économique et sociale au Liban. Espérons qu’elle n’aggrave pas trop la crise politique actuelle.

Elie-Louis Tourny

Les businessmen profiteurs
Jihad Yazigi, éditeur en chef du Syria Report, a rappelé que la guerre en Syrie ne faisait pas qu’affaiblir l’économie, mais qu’une 
nouvelle économie émergeait aussi de ce conflit. Selon lui, de nombreux businessmen tirent profit du conflit, et font affaires entre d’un côté le régime et de l’autre l’opposition, ainsi qu’entre le Liban et la Syrie.

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