Magazine Le Mensuel

Nº 2937 du vendredi 21 février 2014

general

Hiam Abou Chedid. Une femme à l’écoute

Tantôt actrice, tantôt présentatrice, c’est une femme d’une grande culture, profondément croyante, dont la priorité reste sa famille. Toujours sous les feux des projecteurs, elle refuse quand même que la vie virtuelle l’emporte sur la vie réelle. Portrait de Hiam Abou Chedid.
 

C’est chez elle, dans une maison à son image, chaleureuse et accueillante, qu’elle nous reçoit. Nous avons vite fait de nous sentir chez nous. Tout est simple, sans clinquant et sans aucune fioriture. «Je n’aime pas avoir le sentiment de vivre dans une galerie d’art. Ma maison me ressemble». Hiam Abou Chedid n’aime pas le show-off et l’étalage. «Ce n’est pas parce que la majorité des gens agissent d’une manière déterminée que cela soit correct», dit-elle. De son enfance passée en tant que pensionnaire à l’école italienne, auprès de religieuses à l’esprit ouvert, elle a gardé ce côté amical, décontracté et cette chaleur humaine qui la caractérisent. Au bout de quelques instants passés avec elle, on a l’impression de la connaître depuis toujours. «J’ai beaucoup d’affection pour les religieuses et bien que l’école ait fermé, j’ai gardé le contact avec elles». Son père et sa mère, vivant au Ghana, en Afrique, Hiam Abou Chedid a trois ans lorsqu’elle entre au pensionnat. Ce n’est qu’à l’adolescence que ses parents rentrent d’Afrique et s’installent au Liban.
 

A l’image de son père
«Notre maison était tout le temps remplie de monde. Mon père avait des contacts dans les milieux politiques, artistiques et culturels et j’ai réalisé qu’il était célèbre. Je voyais défiler chez nous Ghassan Tuéni, Saïd Akl, Wadih el-Safi, les frères Rahbani et bien d’autres», se souvient Hiam Abou Chedid. De ce grand poète, elle a hérité les yeux brillants, la repartie facile et la précision des mots. «Pour Elia Abou Chedid, la parole était sacrée. Un mot pouvait détruire ou construire. Il nous demandait toujours de réfléchir avant de parler et de commencer et finir la phrase dans une même langue». De son père, Hiam Abou Chedid a appris la culture orientale et s’est imprégnée de la musique d’Oum Koulsoum, Abdel Wahab, Nour el-Houda et Feyrouz. Sa mère, violoniste, lui a transmis son goût pour la musique occidentale: Edith Piaf, Jacques Brel, Georges Brassens… Hiam Abou Chedid était très proche de son père, surtout que l’écart d’âge entre lui et ses enfants était très faible. Il s’était marié à 18 ans. «Aujourd’hui, ce n’est pas Elia Abou Chedid qui me manque, mais c’est mon père. Le poète, lui, appartient à tout le monde», reconnaît l’actrice avec émotion. Des années après sa mort, elle est toujours incapable de le pleurer. Profondément croyante et pratiquante, pour Hiam Abou Chedid, la mort a une autre dimension, c’est un passage d’une vie à une autre. «Dans les moments les plus forts de la vie, à la naissance comme à la mort, on est seul. C’est en solitaire que l’on prend le premier souffle et qu’on rend le dernier soupir», dit-elle.

 

De la médecine au théâtre
Au départ, Hiam Abou Chedid a la ferme intention d’entamer des études de médecine pour devenir anesthésiste après avoir été acceptée à l’Université de Montpellier en France. Mais, à peine arrivée en France, son père l’appelle: «Pourquoi faire la médecine alors que tu es douée pour le théâtre?», lui dit-il. «Chacune de mes sœurs avait une caractéristique. Je me suis fait une place dans la famille en m’imposant par le rire. J’imitais tout le monde, chaque personne qui entrait chez nous». Son père lui conseille de choisir une carrière artistique, qui sied plus à son caractère. «Il n’y a rien de plus beau, lui dira-t-il, que de faire de son hobby son métier». Des paroles qui trouvent écho chez Hiam qui, après maintes démarches, réussit à s’inscrire en lettres modernes et art dramatique. «C’étaient les plus belles années de ma vie. Nous avons appris à gravir tous les échelons pour mériter de monter sur les planches. Nous devions nous occuper du guichet, balayer le théâtre et accomplir plusieurs tâches avant d’avoir le privilège d’accéder à la scène», se rappelle Hiam Abou Chedid. De cette période, elle garde le souvenir d’une journée d’improvisation sur la place de la Comédie à Montpellier, où chacun des étudiants devait tenir un rôle et rapporter le plus d’argent. «Des instants inoubliables».

 

Deux enfants… à l’étranger
Actrice très douée, elle tourne dans des films cinématographiques, des feuilletons télévisés, ainsi que dans des pièces de théâtre. «Les planches me manquent. C’est très différent de jouer dans chacun de ces trois domaines. La production est souvent injuste envers l’acteur à la télévision à cause du facteur temps et du facteur financier. Il ne travaille pas dans de bonnes conditions et, souvent, il doit faire beaucoup de sacrifices», indique l’actrice. Actuellement, les conditions s’améliorent quoique la situation politique n’encourage pas vraiment les producteurs à investir».
Perfectionniste jusqu’au bout, elle met sa carrière en veilleuse pendant sept ans pour fonder une famille. Mariée au chirurgien plastique Souheil Hejeili, ils ont deux enfants: une fille, Kinda (24 ans), qui vit et travaille à Dubaï, et un garçon, Nadim 
(22 ans), qui poursuit ses études au Canada, à Vancouver. «Ma priorité était de réussir en tant qu’épouse et mère», dit-elle. Elle a voulu vivre sa maternité à fond et refuse toute forme d’anesthésie en accouchant
de manière naturelle de ses deux enfants.
C’est la proposition de Simon Asmar, son ange gardien, comme elle le qualifie, de présenter la fameuse émission Studio el-fan, qui marque un tournant dans sa carrière. Hiam Abou Chedid prouve qu’elle est aussi une excellente présentatrice. Deux saisons de suite, elle présente la célèbre émission et refuse une troisième proposition pour ne pas être enfermée dans une image spécifique. «Studio el-fan, confie-t-elle, m’a servie de tremplin pour réussir dans la présentation». Entre ces deux professions, elle ne fait aucune comparaison, mais elle se retrouve plus dans la peau de l’actrice. «La présentation est différente. Ce sont deux milieux très distincts. Jouer est pour moi une bouffée d’oxygène. J’aime retrouver l’ambiance des tournages, vivre en saltimbanque, partager un tas de choses avec l’équipe. J’aime ce monde». La présentation révèle plus le caractère de la personne, alors que cette dernière disparaît devant l’actrice. «Lorsque je suis sur scène, je
m’efface au profit du rôle. Je prête ma voix, mon visage et mon corps à quelqu’un d’autre. Je deviens une autre personne. Je peux expérimenter d’autres vies et entrer dans la peau d’autres personnages lorsque je joue. Il y a tellement de choses moches autour de nous que, lorsque je suis sur scène, je me déconnecte de tout. C’est aussi une manière de fuir la réalité. J’ai besoin de ces deux professions et c’est en les exerçant que je trouve mon équilibre».
Lorsqu’elle présente une émission, elle ne cherche pas à faire des scoops et n’aime pas utiliser la souffrance de son invité et le faire pleurer pour tenir le spectateur en haleine. «Je n’aime pas le zoom sur les yeux, mettant l’accent sur les larmes de mon interlocuteur. Le but n’est pas de faire pleurer mon invité. Ce n’est pas sa souffrance que je veux mettre en valeur mais son expérience. D’ailleurs, s’il lui arrive de pleurer, je lui présente directement des excuses et j’essaie toujours de lui donner le temps de se ressaisir. Je n’aime pas étaler la vie des gens. Tout ce que je veux, c’est profiter de leur richesse intérieure», souligne Hiam Abou Chedid. Pour elle, la vraie guerre c’est celle que livrent certains médias corrompus qui montrent toujours l’aspect négatif de chaque chose. «Les médias agissent à trois niveaux: la tête, le cœur et l’instinct. La véritable guerre c’est lorsqu’on détruit notre culture, nos principes et nos jeunes».

Joëlle Seif
Photos Milad Ayoub- DR

Ce qu’elle en pense
Social media: «Je suis sur Facebook, mais j’ai toujours un sentiment de schizophrénie, comme si j’avais deux vies. Je ne sais jamais s’il faut accepter toutes les demandes ou uniquement celles de personnes qu’on connaît. Je n’aime pas étaler ma vie».
Ses loisirs: «J’aime la lecture, la musique, la contemplation. Je lis beaucoup la Bible, j’écris et je fais aussi de la photographie. J’aime les sports de plein air comme la marche et la natation. J’adore également les voyages et la découverte de nouvelles cultures».
Sa devise: «Traiter les autres comme vous aimeriez être traités vous-mêmes. C’est la raison pour laquelle je traite tout le monde avec respect. On ne perd rien à être gentil et à l’écoute de l’autre».  

Hiam Abou Chedid 2014
Actuellement, Hiam Abou Chedid présente l’émission Al Kalima laka, une série de vingt-six épisodes, qui passe sur la chaîne OTV. Elle vient de finir le tournage d’un documentaire de cinq épisodes, de trois heures chacun, produit par la chaîne Sat7, Guerre et Foi, qui retrace la guerre du Liban telle que vue par les principales figures chrétiennes: le président Amine Gemayel, le général Michel Aoun, Sleiman Frangié, Samir Geagea et Dory Chamoun. Hiam Abou Chedid est en train de tourner un feuilleton télévisé Arouss et Ariss, écrit par Mona Tayeh et un feuilleton historique Yasmina écrit et produit par Elie Maalouf. Engagée jusqu’au bout, elle participe au tournage du film Cris sans échos, écrit par l’employée de maison éthiopienne Rahil Zighy avec Omar Harfouche, sur son expérience au Liban. «Un grand nombre d’acteurs jouent dans ce film tels que Carmen Lebbos, Julia Kassar, Jean Kassis, Salah Tizani connu sous le nom d’Abou Salim». Elle enseigne également à l’Université Saint-Joseph «Ethique et média» et parraine le Lexique de langue des signes des termes religieux. Elle apprend le syriaque et améliore son italien. 

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