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Nº 2947 du vendredi 2 mai 2014

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Jean-Paul II et le Pays du Cèdre. Le Liban proclamé pays-message

Des deux papes qui ont été canonisés dimanche, c’est sans conteste avec le désormais saint Jean-Paul II que les Libanais entretiennent une relation particulière. Car le souverain pontife, qui dirigea l’Eglise durant vingt-six ans, a toujours porté une attention inédite au Pays du Cèdre.

Si saint Jean XXIII a ouvert les portes du dialogue islamo-chrétien, c’est bel et bien le pape polonais qui l’enrichira. Lors des jeux panarabes qui se déroulent au Maroc, Jean-Paul II rappelle ainsi que «c’est en Lui que nous croyons, vous musulmans, nous catholiques». Un discours d’ouverture envers les croyants de l’islam qu’il réitère en 1989, au sujet du Liban, dans une perspective claire de dialogue islamo-chrétien. En octobre 1989, il adresse une lettre à tous les évêques de l’Eglise catholique, qui contient la célèbre formule, désormais chère au cœur des Libanais. «L’Eglise désire manifester au monde que le Liban est plus qu’un pays, c’est un message de liberté et un exemple de pluralisme pour l’Orient comme pour l’Occident». «Sa sauvegarde est l’une des tâches les plus urgentes et les plus nobles que le monde d’aujourd’hui se doive d’assumer», poursuit-il dans sa missive.
Des mots et des gestes qui prennent une résonance particulière, puisque le Liban est, à l’époque, plongé dans une guerre civile fratricide depuis quatorze ans. Déjà, en 1986, le Saint-Siège avait lancé un plan de sortie de la guerre porté par le cardinal diplomate, Achille Silvestrini. Plan qui échouera. Le Vatican s’emploie également pendant la guerre à tenter d’empêcher l’armement des milices chrétiennes, là aussi sans succès réel.
Pendant l’ensemble de son pontificat, Jean-Paul II continuera de porter une attention particulière au Pays du Cèdre, en raison de l’importante présence chrétienne. Mais aussi à cause du statut du Liban, considéré comme un «laboratoire» du dialogue interreligieux.
Ainsi, en 1995, un synode spécial débute, afin d’examiner les nouvelles donnes du Liban d’après-guerre, d’autant que les chrétiens ont quelque peu perdu leur représentativité politique avec les accords de Taëf, dans un rééquilibrage en faveur des musulmans.
Mais la relation entre les Libanais et Jean-Paul II prend toute sa mesure en 1997, lors de la venue du souverain pontife au Liban. Il s’agit aussi de son premier voyage au Proche-Orient. Les 10 et 11 mai, il part donc à la rencontre des Libanais, des jeunes du pays, qu’il appelle «Belo orizonte», lors d’une rencontre à Harissa, qui marquera les cœurs comme les esprits. Pour les chrétiens libanais, cette visite constitue un vrai coup de pouce moral, alors que le pays est sous tutelle syrienne.
Jean-Paul II met l’accent sur le «vivre-ensemble», incitant les chrétiens à rester au Liban, à s’y intégrer et à participer à la vie politique et sociale.
C’est aussi au Liban qu’il prononcera l’Exhortation apostolique finale du synode entamé en 1995, qui constituera une pierre de plus à l’édifice du dialogue islamo-chrétien.

 

La messe du centre-ville
Point d’orgue de sa visite de deux jours, la messe célébrée à Beyrouth, le 11 mai, à laquelle pas moins de 500 000 personnes venues de tous les coins du pays assisteront. A l’assistance multiconfessionnelle réunie devant lui, Jean-Paul II lancera: «Aujourd’hui, je salue le Liban (…) Ces circonstances me permettent d’être sur votre terre pour la première fois et de dire l’amour que l’Eglise et le siège apostolique portent à votre nation, à tous les Libanais». Lors de son homélie, il évoque même la question du Liban-Sud et de la crise au Proche-Orient. «Parlant de Tyr et de Sidon, je ne peux omettre de mentionner les grandes souffrances que connaissent leurs populations. Je demande aujourd’hui à Jésus de mettre fin à ces douleurs». Devant les ruines du cœur historique de Beyrouth, il se déclare convaincu que «les souffrances des années passées ne seront pas vaines. Elles fortifieront votre liberté et votre unité». A la fin de la messe, il adressera une prière à la Vierge, ainsi qu’aux saints libanais, saint Maron, saint Charbel et sainte Rafqa, implorant Notre-Dame du Liban, de «réconforter avec son affection maternelle les plus pauvres, ceux qui souffrent dans leur corps ou dans leur cœur, les prisonniers et les réfugiés». La messe, très émouvante, touchera les Libanais en plein cœur. Ils auront d’ailleurs du mal à quitter les lieux de la célébration.

Jenny Saleh

La petite histoire
Selon notre confrère Fady Noun, qui a publié sur le sujet Dévastation et rédemption, récits d’apparitions de la Vierge au Liban, presses de l’USJ, l’affection particulière du pape Jean-Paul II pour le Liban aurait été déclenchée en 1978. Gilberte Doummar, une mère de famille qui approche souvent le pape, s’étonne de l’«amour spécial du Saint-Père pour le Liban», lors d’une rencontre en 1984.
C’est Stephane Vilkanovitch, un écrivain ami de longue date du pape, qui livrera la réponse. «Quand, en octobre 1978, après son élection, il est sorti saluer la foule sur la place Saint-Pierre, un calicot est apparu subitement, sur lequel était écrit: «Saint-Père, sauvez le Liban!» avant d’être prestement escamoté. Et, a dit le Saint-Père, cela lui est entré au cœur «comme un dard». A la fin des festivités, après avoir salué tout le monde, il est rentré s’agenouiller devant le Saint-Sacrement et a demandé à Jésus, présent dans l’Eucharistie, «assez de vie pour pouvoir sauver le Liban».

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