Magazine Le Mensuel

Nº 2949 du vendredi 16 mai 2014

Presse étrangère

Le Liban, refuge des exclus

Balançant entre analyses géostratégiques et portraits poignants, la presse internationale décrit le Liban comme le refuge des exclus de différents horizons. Alors qu’à l’est, la guerre en Syrie fait toujours rage.  

L’Express
Inquiétante sécheresse

L’Express reprend le cri d’alarme de Karim Abou Merhi, diffusé dans de nombreux fils d’informations dans le monde: «Le Liban appréhende l’été après une sécheresse record».
Le Liban connaît sa pire sécheresse depuis plus de 80 ans, et devrait souffrir cet été d’une pénurie d’eau dramatique, aggravée par le gaspillage des ressources hydrauliques et l’afflux de réfugiés syriens. A Aamiq, dans l’est du pays, Khaled el-Kaabi irrigue ses champs d’avoine un mois plus tôt que prévu. «Généralement, nous le faisons fin mai, mais cette année le peu de précipitations nous oblige à le faire maintenant», explique-t-il à l’AFP.
Le niveau de précipitations de la saison passée – de septembre à août – n’a été que de 431 mm, contre 905,8 mm l’an d’avant, et une moyenne générale de 812 mm pour cette période de l’année selon le service de météorologie. Il faut remonter à 1932 pour trouver une année encore plus sèche avec 335 mm, explique Hadi Jaafar, maître de conférences au département d’ingénierie de l’irrigation et de gestion de l’eau à l’AUB. «Nous allons pomper les nappes phréatiques, mais si la sécheresse se répète l’an prochain, il ne restera plus que 5% de ces eaux», se lamente Khaled el-Kaabi.
Pour le Haut-Commissariat de l’Onu aux réfugiés, l’augmentation du nombre de réfugiés syriens qui dépassent le million, aux côtés des quatre millions de Libanais, a provoqué une «forte chute» des ressources en eau renouvelable. Selon un employé du barrage de Chabrouh, l’un des deux que compte le pays, la quantité d’eau retenue n’est qu’au tiers de sa capacité.

Le Nouvel Observateur
Les réfugiés invisibles

Le Nouvel Observateur consacre une enquête aux Doms. Mais qui sont-ils?
Dans tout le Moyen-Orient, il y a plus de cinq millions de gitans, si l’on compte les Zott en Iran, les Ghorbat en Irak, etc. La Syrie a la population dom la plus importante de tout le Moyen-Orient. Des communautés doms, de confession musulmane, sont installées un peu partout, du Moyen-Orient à l’Asie centrale. En dehors de la Syrie, on les rencontre au Liban, en Turquie, en Jordanie, en Israël et dans les territoires palestiniens. Mais aussi à Chypre, au Kurdistan irakien, en Iran, en Ouzbékistan et en Afghanistan.
En 2011, à l’occasion d’une étude sur les discriminations des Doms au Liban, L’ONG Terres des hommes a recensé 3112 personnes appartenant à ce groupe ethnique dans les zones où elle est présente: Beyrouth et le Liban-Sud. Parmi ces personnes, 72% avaient la nationalité libanaise. Bien qu’ils aient pour la plupart la nationalité, ils ne sont pas considérés comme libanais. C’est un groupe social vu comme inférieur. On leur prête donc des attitudes déviantes. Les hommes sont considérés comme des fainéants qui profitent du travail des femmes qui, elles, sont vues comme passives et sans honte.

Guardian
Entre esclavage et pauvreté

Un correspondant du Guardian à Katmandou au Népal était à la descente de l’avion qui ramenait des travailleuses népalaises de Beyrouth. Leur témoignage est saisissant.
Pendant des années, cette trentaine de femmes ont vécu clandestinement au Liban, avec aucun moyen de rentrer chez elles après avoir fui leurs employeurs abusifs. Le système strict de kafala, qui lie le personnel migrant à leur patron, est tel que lorsque les femmes s’échappent de leur emprise, elles perdent tout: leur statut juridique, leurs passeports et leurs salaires. C’est seulement avec l’aide d’une association locale et de l’ambassade népalaise en Egypte (Le Népal n’a pas d’ambassade au Liban) que les femmes ont finalement pu quitter le pays et revenir chez elles.
«Ma madame me grondait pour rien. J’ai été forcée à travailler sans arrêt, mais elle n’était jamais contente. Elle a même demandé à son mari de me battre. J’ai souvent été frappée avec des bâtons », dit Anita Niraula, 27 ans. Mais, comme des centaines de femmes népalaises au Liban, Niraula a observé qu’en travaillant clandestinement, en son nom propre, elle gagnait dix fois plus qu’en tant que domestique. «J’avais l’habitude de gagner près de 1500 dollars par mois pendant l’été dans différentes maisons, et en hiver 600-700 dollars».

The Daily Beast
Israël, allié des rebelles

Cette semaine, dans une tribune publiée dans The Daily Beast, le dissident syrien Kamal Labwani a jeté un énorme pavé dans la mare. «Pour protéger les innocents et renverser la dictature Assad, les Syriens doivent travailler avec Israël pour créer un havre de paix», écrit-il. Délire utopique ou vérité cachée?
Longtemps, Israël a été blâmé pour tout. Mais il n’est plus notre ennemi. Nous voyons comment Israël a ouvert ses portes à nos blessés. Nous voyons comment les enfants syriens sont traités dans les prisons d’Assad et dans les hôpitaux israéliens. Israël nous achemine des denrées pendant qu’Assad affame son peuple. La Syrie a désormais un seul ennemi: le régime d’Assad, soutenu par l’Iran et le Hezbollah. Je rencontre tous les jours des dissidents syriens et des chefs militaires. J’ai vu, après des décennies de lavage de cerveau, leur mentalité commencer à changer. Israël, qui a senti le poids de l’imprudence d’Assad à travers son soutien à des groupes terroristes comme le Hamas et le Hezbollah, serait un allié naturel. J’ai proposé une idée controversée: demandons à Israël d’aider notre opposition à se débarrasser du dictateur. Un défi commun beaucoup plus important que le plateau du Golan. Le Golan dans l’avenir peut devenir un havre de paix pour tous. Après une rencontre avec des dizaines de rebelles dans la majorité des provinces syriennes, je crois qu’ils seraient beaucoup à soutenir un tel plan».

Russia Today
Syrie: le massacre caché

L’autre article qui a le plus circulé sur les réseaux sociaux ces derniers jours est l’enquête de Sharmine Narwani, diffusée par la chaîne de télévision russe, Russia Today, sur un incident qui s’est déroulé à Deraa, en mars 2011, au lendemain des premières manifestations qui ont lancé le mouvement d’insurrection en Syrie.
Plusieurs vieux camions militaires russes roulent sur une pente difficile dans la vallée de Deraa entre les zones de Mahata et de Balad. A l’intérieur, un escadron des forces syriennes de sécurité. En douce, des hommes armés en embuscade ont versé de l’huile sur la chaussée. Les freins étaient devenus inopérants. Les camions se sont encastrés les uns sur les autres. Les hommes armés donnent l’assaut. Selon plusieurs sources d’opposition, jusqu’à soixante agents du régime ont été tués ce jour-là dans un massacre qui a été caché à la fois par le gouvernement syrien et les résidants de Deraa. Un habitant explique: «A cette époque, le gouvernement ne voulait pas montrer qu’il était faible et l’opposition ne voulait pas montrer qu’elle était armée». Au-delà, les détails se contredisent. Les uns expliquent que le massacre a eu lieu à la fin du mois de mars 2011, les autres avant la deuxième semaine d’avril. Rami Abdel-Rahman, qui dirige l’OSDH, explique qu’au début du mois d’avril, 18 ou 19 «moukhabarat» ont été tués.

 

Top Thèmes
L’élection présidentielle continue à vampiriser l’attention des analyses de la presse internationale sur le Liban. Au-delà du spectre du vide qui la menace, cette élection sera d’ailleurs observée à l’aune des nombreux scrutins qui donnent l’illusion de la stabilité, avis partagé par l’ensemble des spécialistes arabes et occidentaux. L’autre actualité abondamment commentée est le premier cas de coronavirus au Liban, décelé la semaine dernière, rappelant qu’une large communauté libanaise est installée dans le Golfe où le virus est apparu.
La presse canadienne s’est, elle, concentrée sur les poursuites engagées pour le gouvernement de son pays par un cultivateur, Henk Tepper, qui a croupi pendant plus d’un an en prison au Liban.  

Julien Abi Ramia

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