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Nº 2991 du vendredi 6 mars 2015

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Beyrouth métamorphoses. Rendez-vous parisien de l’art contemporain libanais

Représentée par Balsam Abo Zour, Maha Yammine, Imad el-Khechen, Maxime Chami et Marwan Moujaes, la nouvelle scène de l’art contemporain libanais a débarqué à Paris. Sa mission? S’exposer à l’œil plus ou moins expert des Franciliens, du 4 au 7 mars, dans l’espace 12 Drouot, salle d’exposition de l’institution éponyme, carrefour du marché de l’art, connue pour ses ventes aux enchères. Une initiative musclée conduite par Sandy Saad, consultante spécialiste du marché de l’art, qui signe avec Beyrouth métamorphoses, son premier commissariat d’exposition.

Il aura fallu une certaine détermination à Sandy Saad pour offrir à son projet les moyens d’exister, autant au sens propre qu’au sens figuré. Arrivée en France en 2007, la jeune Libanaise, amatrice d’arts, décide, il y a deux ans, de se former au métier de consultante spécialiste du marché de l’art sur les bancs de l’institution Drouot. Diplôme en poche, elle entreprend de donner vie à son projet de mémoire de fin d’études, intitulé A l’heure de Beyrouth. «Je voulais parler de la capitale libanaise au-delà du prisme habituel de la guerre à travers lequel on la perçoit en France, introduit Sandy Saad. Je voulais évoquer Beyrouth à travers l’art contemporain libanais. Car même si plusieurs galeries parisiennes, l’Institut du monde arabe ou encore l’Office du tourisme du Liban à Paris exposent le travail de nos artistes, la nouvelle scène libanaise de l’art contemporain reste largement méconnue en France, méconnue d’ailleurs des Libanais eux-mêmes».
La jeune femme sait ce qu’elle veut: travailler avec de jeunes artistes sélectionnés par le doyen de l’Institut des beaux-arts de l’Université libanaise et exposer des œuvres qui auront été réalisées spécialement pour l’événement autour d’un thème choisi collectivement avec les artistes. Le thème, ce sera celui de la métamorphose, ou plutôt des métamorphoses, de Beyrouth, des artistes, d’un moment particulier, d’une mémoire… Au total, de ce fil conducteur naîtront vingt-cinq œuvres, installations, photographies, sculptures, peintures ou encore vidéos. Si Imad el-Khechen et Maha Yammine ont choisi d’évoquer Beyrouth à travers leurs souvenirs d’enfance ou leur présence/absence dans la ville, Balsam Abo Zour a représenté Beyrouth sous les traits d’une femme en métamorphose perpétuelle. Un choix de conjuguer Beyrouth au féminin inspiré par «l’aspect maternel de la ville, qui engendre et accueille son peuple», explique-t-elle. Marwan Moujaes a, lui, choisi d’aborder le thème de l’exposition d’un point de vue tragique, en questionnant, comme à son habitude, des problématiques sans réponses. «J’ai interprété la métamorphose de Beyrouth à un moment précis, après sa mort et avant sa résurrection», détaille l’artiste. Enfin, Maxime Chami s’est inspiré des câbles électriques de la capitale pour en faire des sculptures. Captivé par le mouvement créé par la superposition des câbles – qu’il compare aux oliviers dont la courbure est lente mais féroce -, il décide de le continuer à sa façon. «La métamorphose se passe à travers moi», souligne-t-il.

 

Un rêve devenu réalité
Rencontrés à Paris quatre jours avant le début de l’exposition, Balsam, Marwan et Maxime mesurent la chance qu’ils ont de faire partie du projet. «Le simple fait d’être à Paris est déjà exceptionnel, assure Balsam Abo Zour. Pour le moment, nous n’avons presque rien vu de la ville, mais c’est comme si nous avions tout vu, notamment ces contrastes entre Beyrouth et Paris. C’est une chance considérable pour nous de pouvoir exposer notre travail à une nouvelle culture», ajoute-t-elle. «Cette aventure, poursuit Marwan Moujaes, impossible de la refuser. C’est ce dont nous avons besoin: exposer en France, dans une métropole artistique comme Paris. C’est un rêve qui frôlait l’impossible et qui finalement se réalise grâce à Sandy Saad. Le monde devrait compter beaucoup plus de personnes comme elle». Un avis que partage également Maxime Chami: «Montrer notre travail à Paris, ville d’art, est le rêve de chaque artiste. Ici, le public est plus tolérant qu’au Moyen-Orient, vis-à-vis de l’art contemporain. Alors si la mise en place du projet a été un peu difficile, cette expérience est très importante
pour nous».
Difficile, la préparation de l’exposition l’a été et Sandy Saad qui en partage le commissariat avec Christophe Delavault, directeur du Cercle Drouot Contemporain et Frédéric Ballon, directeur de Drouot Formation, ne le nie pas.
Fière d’annoncer une véritable mobilisation du réseau libanais parisien autour de Beyrouth métamorphoses, la jeune consultante a tout de même dû porter tout le projet sur ses épaules, avançant elle-même le financement de l’exposition. En effet, bien que le projet soit soutenu par une pléthore d’institutions libanaises dont la Délégation permanente du Liban auprès de l’Unesco, l’Université libanaise, l’Alba, l’ambassade du Liban en France, l’Union libanaise culturelle mondiale (ULCM- France) ou encore l’Office du tourisme du Liban à Paris, ces derniers n’ont contribué qu’en termes de communication.
Au-delà de la participation de quelques entreprises privées, Sandy Saad a dû recourir au système D pour que le rêve de ces cinq artistes devienne réalité: la mise en place d’un compte KissKissBankBank (plateforme de financement collaboratif), l’élaboration d’astuces pour transporter les œuvres d’art en minimisant les coûts et, notamment, l’organisation d’un concert pour clôturer en beauté et en musique cette aparté parisienne. Car, parmi les cinq artistes présents, se trouve le finaliste de l’émission Arabs got talent 2012, en la personne de Maxime Chami. Une aubaine. Le baryton, accompagné d’un pianiste libanais, donnera donc un récital ce samedi 7 mars à 18h30.
«Certes, cela a été difficile de faire aboutir le projet, je suis en apnée depuis cinq mois et si c’était à refaire, je ne recommencerais pas de la même façon. Mais quoi qu’il en soit, je ne regrette rien, certifie la commissaire. C’est vrai que nous n’avons pas vraiment eu d’aides financières à part quelques belles exceptions». Déçue? «Oui, je le suis sûrement un peu, avoue-t-elle, mais cela ne m’a pas bloquée, je n’avais pas d’attentes, j’étais prête à avancer seule sur ce projet». D’ailleurs, la jeune femme a de la suite dans les idées et ne compte pas s’arrêter là afin de maintenir cet échange artistique entre Paris et Beyrouth.

Delphine Darmency, Paris

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