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Nº 3008 du vendredi 3 juillet 2015

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ECONOMIE

«Arrêtons le suicide collectif». L’appel du 25 juin, un nouvel élan

Imaginons la France, les Etats-Unis, l’Allemagne sans président depuis 13 mois! Certes, comparaison n’est pas raison, mais au Liban, le blocage institutionnel entrave l’activité économique du pays. C’est dans ce sens que des représentants des organismes économiques, de syndicats, d’ordres et de la société civile se sont retrouvés au Pavillon royal du Biel pour sonner «L’alarme du 25 juin – Arrêtons le suicide collectif» et signer une pétition visant à mettre fin à la paralysie politico-économique.

Au Liban, la stabilité politique et sécuritaire est menacée. Le développement et le progrès économiques sont en danger. La vie sociale est ébranlée. La démocratie libanaise, cette rareté du Moyen-Orient, est en péril. A qui incombe la faute? Au débordement du conflit syrien organisé? A la provocation des conflits communautaires, menés par des groupes radicaux? A la division interne institutionnalisée de la société libanaise? Quelles que soient les raisons d’une telle décadence, le rassemblement organisé le 25 juin a appelé à un sursaut national, dans le but d’élire un président de la République libanaise et de réactiver l’action parlementaire.
379 jours sans président. C’est à l’ombre de cette vacance présidentielle que les responsabilités des institutions libanaises perdent à rétablir l’ordre au Liban. C’est dans cette mesure que le député de Tripoli, Robert Fadel, a appelé le peuple libanais à sortir de son silence et à agir pour trouver des solutions à la crise politique libanaise, qui affecte fortement l’économie nationale. «Pour la première fois, le patronat, les travailleurs et la société civile sont rassemblés autour d’une cause commune: la nécessité de dissocier cette crise politique de la situation économique et sociale du pays», martèle Fadel, insistant sur l’importance du rôle que peut jouer le peuple libanais en exerçant une pression sur les responsables qui, aujourd’hui, ne cherchent qu’à satisfaire leurs intérêts personnels, négligeant ceux du citoyen libanais. Fadel ajoute: «Les députés se sont métamorphosés en destructeurs de la loi, n’agissant plus en tant que législateurs». Selon lui, le suicide collectif commence par le vide présidentiel pour atteindre le bon fonctionnement des institutions du pays. Les dirigeants politiques doivent, en effet, s’attacher en priorité à affermir la souveraineté et l’indépendance du pays et des institutions. «Le Liban ne vivra pas si l’Etat et la société productive ne redoublent pas d’efforts pour assurer un minimum de collaboration sociale pour lutter contre ce phénomène».
Le rassemblement, organisé au Biel, a mis l’accent sur la nécessité d’activer le travail des institutions constitutionnelles, à commencer par la Chambre des députés, l’élection d’un président de la République, la mise en place d’une Chambre des représentants et la reprise du travail législatif, notamment en matière de financement extérieur, pour renforcer l’économie. Le destin du Liban reste l’otage des intérêts des politiciens, ce qui a entraîné un recul des capitaux en provenance de l’étranger qui constituent, depuis plusieurs années, l’une des principales soupapes de l’économie locale. Qu’il s’agisse d’investissements directs étrangers (IDE), de transferts d’émigrés ou de recettes touristiques, le pays vivait au rythme de ces flux abondants, dont le montant global culmine en moyenne à une dizaine de milliards de dollars par an, soit près du tiers du PIB. Les recettes touristiques ont ainsi été affectées par le recul du nombre de visiteurs, qui a encore baissé. Les IDE ont également baissé en raison d’un environnement défavorable aux investissements. Dans l’ensemble, la tendance est négative. Au lendemain de la guerre, en 1990, le Liban avait réussi sa reconstruction et son redécollage économique. Aujourd’hui, le prix à payer à la suite de la crise politique est énorme, vu l’impact terrible du poids des réfugiés sur le commerce extérieur et le tourisme. Les représentants du patronat, de syndicats et de la société civile ont appelé le gouvernement à assumer ses responsabilités et à mettre de côté les querelles partisanes et communautaires, pour tenter d’apporter une aide efficace au pays. Tant que ces conditions ne sont pas remplies, le pays continuera à s’enliser dans l’abîme. «Cet appel n’est que la première étape: si nous ne sommes pas entendus, nous accentuerons la pression sur les décisionnaires», a déclaré Robert Fadel, assurant que «l’Etat doit soutenir les secteurs les plus touchés par la crise et créer de l’emploi à travers un plan de relance». «Le Liban a besoin d’une véritable politique de solidarité sociale, alors que plus de 300 000 Libanais vivent avec moins de deux dollars par jour et que de nombreux enfants sont déscolarisés», certifie le député de Tripoli.
Le pays dispose effectivement de plus d’un potentiel de ressources inexploitées, voire même réprimées, en particulier la qualité de ses ressources humaines, qui sont exportées au lieu d’être valorisées sur place, mais aussi ses ressources en eaux et capacités hydrauliques non seulement mal exploitées, mais qui subissent une pollution alarmante. Reprendre les choses en main s’avère donc une priorité pour le rassemblement organisé au Biel.
 

Natasha Metni

Une croissance faible
Depuis l’indépendance, les gouvernements successifs ont toujours privilégié le commerce, les activités financières et le tourisme, délaissant ainsi le développement de l’industrie et de l’agriculture. Depuis 2011, l’économie traverse une phase de ralentissement avec un taux de croissance moyen en dessous de ses performances passées. Vues sous l’angle conjoncturel, la crise syrienne et la dégradation de la situation sécuritaire dans le nord du pays alimentent un climat d’incertitude. D’un point de vue structurel, les entreprises libanaises pâtissent de l’obsolescence des infrastructures publiques et du manque de transparence qui pèsent sur l’investissement et handicapent une économie peu compétitive. En 2015, la croissance reste malgré tout faible et conditionnée par l’évolution de la situation sécuritaire. De plus, le statu quo observé par la classe politique libanaise devrait rendre difficile toute mise en place de réformes, ce qui pourrait à terme freiner la reprise de l’investissement privé.

Un système bancaire solide
Malgré ce contexte morose, les banques libanaises restent solidement capitalisées, liquides et rentables. Les dépôts continuent d’augmenter en 2015, compte tenu des taux de rémunération attractifs et de la confiance que le système bancaire inspire aux déposants de la sous-région, ce dernier n’ayant pas connu d’effondrement. Le pays dispose de contrepoids et de garde-fous importants qui empêchent une explosion sociale et un système monétaire qui fait coexister comme moyen de paiement courant le dollar avec la livre, ce qui crée un risque systémique important pour la stabilité de la monnaie nationale.

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