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Nº 3010 du vendredi 17 juillet 2015

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A l’Institut du monde arabe. Le hip-hop est dans la place!

Quand l’Institut du monde arabe (Ima) se met au hip-hop, c’est pour faire voyager ses visiteurs «du Bronx aux rues arabes». Au programme encore jusqu’au 26 juillet prochain: de la danse, des graffitis, du rap, du mix, de la mode et plus encore…

Premiers pas, premiers sons, première ambiance. New York city, années 70. Le visiteur est accueilli par une collection de Boombox, de ghetto-blasters, enfin disons de radiocassettes portatives à la taille démesurée. Développée dans les années 80, cette prouesse technique va amener la musique dans la rue. Le breakdance et le rap sont nés!
 

Une scène arabe dès les années 90
C’est dans le Bronx qu’en 1973, Kool Herc et Afrika Bambaataa fondent ce mouvement culturel et artistique urbain, devenant l’un des plus importants modes d’expression de la jeunesse contestataire de par le monde. C’est dans les fêtes de quartier, dans ce qu’on appelle les block parties, que s’invente cet art transdisciplinaire, notamment à travers les DJ qui animent ces soirées et commencent à isoler des motifs de percussions, des breaks. Les techniques s’améliorent, les DJ s’affrontent en battles, le mouvement s’enracine et permet à ses artistes de fuir le quotidien difficile et dangereux des gangs et de la pauvreté qui étrangle alors le Bronx.
La première salle de l’exposition revient sur la genèse du hip-hop aux Etats-Unis à renfort de bandes-sons entraînantes, de photographies, vinyles, vidéos, de flyers de concerts, etc. Au mur, une grande carte du monde arabe dévoile les contours de la scène hip-hop dans cette région du monde: des débuts remarqués dès les années 1990. Quelques années plus tôt, c’est par la danse que le courant s’est déjà infiltré au Maghreb. On rappe en anglais, en français, puis en arabe comme le groupe algérien MBS (Micro brise le silence). En s’approchant vers le Moyen-Orient, on peut lire sur la carte: «Si l’on cherche un son militant au Liban, c’est du côté du rap et du hip-hop qu’il s’exprime. Affaiblissement économique, assassinats, accentuation des inégalités, les rappeurs trouvent de multiples raisons d’exprimer leur désarroi. Avec des paroles en arabe et en français, Waël Kodeih, alias Rayess Bek, est l’une des figures les plus connues de la scène underground et, surtout, l’un des premiers à rapper en arabe dialectal. Il dénonce la corruption et la superficialité de la société libanaise. Son univers hip-hop, teinté de beats orientaux, est à mille lieues de l’industrie du rêve de la pop arabe produite au Liban».
Des beats orientaux? Des passages instrumentaux qui peuvent très bien être inspirés des plus grands noms de la musique arabe. Comme l’explique l’une des pancartes de l’exposition «le beat s’enrichit, se nourrit des racines et de l’histoire de chacun, au gré des bibliothèques familiales ou de la curiosité personnelle. Dans le monde arabe, il n’est pas rare de retrouver des emprunts aux musiques populaires arabes, à la poésie arabe classique, mais également à la musique traditionnelle». Les possibilités créatives sont donc immenses.
Et comme tout le monde ne maîtrise pas totalement les règles de l’art du mix, le DJ Mr. Viktor propose un cours de rattrapage retransmis sur trois grands écrans géants (montrant trois angles différents des platines). Les étudiants éphémères sont attentifs. Il le faut, car ici on parle de mix, pass-pass, break, beat juggling, de scratch, etc.
L’exposition continue à l’étage. Chaque discipline du hip-hop est explorée une à une: la danse, le graph, le rap, la mode… car oui, le mouvement révolutionne tout ce qu’il touche et la mode ne fait pas exception. «Tendances, appartenances, usages et manières de porter sont les bases de cette nouvelle identité», lit-on. Gros lacets, sneakers, casquettes, bijoux, blousons. Un vestiaire hip-hop qui s’enrichit de chaque culture locale. On peut ainsi retrouver dans la garde-robe des rappeurs arabes une abaya ou un keffieh associés à une grosse chaîne en or ou à des sneakers (chaussures de sport). Pour le rappeur français Akhenaton, commissaire de l’exposition, «on est face à un mouvement qui révolutionne la façon de faire de la musique, de s’exprimer, de s’habiller, de bouger. Le hip-hop, c’est une discipline de sampling permanent, ce qui nous entoure, on l’observe, on le voit, on l’incorpore, détaille-t-il dans une interview intégrée au catalogue de l’exposition. Ça peut être des sons, des tenues, des jeux de lumière et d’autres musiques. Il est exactement comme une éponge, il absorbe tout ce qui l’entoure. Il le déforme, le réinvente et se l’approprie».
En poursuivant, on découvre un hip-hop arabe engagé aux rimes souvent politisées. Les mots deviennent alors des armes pour lutter. On citera, entre autres, le groupe palestinien DAM (Da Arabian MC’s), dont le morceau Qui est le terroriste? en 2001 sera, dit-on, téléchargé plus d’un million de fois, ou encore le rappeur tunisien El General qui, en 2010, a été emprisonné trois jours pendant la révolution pour sa chanson Raïs el-bled, avant d’être relâché sous la pression populaire.
La balade dans l’univers hip-hop se termine au détour de graffitis, photographiés dans les rues arabes, notamment à Beyrouth, ou réalisés sur les murs intérieurs de l’Ima. A Paris, c’est presque fini et on en redemande, alors que l’exposition devrait ensuite voyager au Maroc en 2016.

Delphine Darmency, Paris
 

La Block party de l’Ima le 26 juillet
Pour clôturer en beauté son exposition Hip-Hop, du Bronx aux rues arabes, l’Institut du monde arabe se fait plaisir et donne des airs new-yorkais à son parvis parisien. Dans la plus pure tradition des fêtes de quartier des années 70, l’institution rassemble les meilleurs rappeurs de New York à Beyrouth, en passant par Paris. A l’affiche Pusha T, Disiz, Malikah, Narcyssisit, Vald, Virgil Abloh et Manaré!.

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