Magazine Le Mensuel

Nº 3029 du vendredi 27 novembre 2015

Confidences Liban

Confidences Liban

Etat d’urgence non déclaré
Adoption par le Hezbollah de nouvelles méthodes de sécurité préventive basées sur l’espionnage et l’échange des renseignements avec les services libanais, notamment le département des Renseignements qui a prouvé ses hautes aptitudes en la matière, aptitudes vantées par le secrétaire général du Hezbollah. Sayyed Hassan Nasrallah a, en effet, souligné les performances de cet organe qui a mérité les félicitations spéciales des organes de renseignements internationaux pour avoir découvert le réseau libano-syrien impliqué dans les préparatifs de l’attentat suicide de Bourj el-Barajné.
L’étape suivante englobera, premièrement, la mise d’un terme aux infiltrations de terroristes, en poursuivant ceux qui leur facilitent la traversée. Deuxièmement, la consolidation de la sécurité, dans les régions limitrophes de la Syrie transformées en usines de production d’explosifs de tous genres. Troisièmement, la coordination entre services sécuritaires libanais et régionaux permettant de dévoiler des opérations terroristes en gestation. Des sources assurent que le Hezbollah et les organes sécuritaires sont en état d’urgence non déclaré.

 

Divergences chez les ulémas musulmans
La dernière réunion du Comité des ulémas musulmans, qui remonte à quelques jours à Beyrouth, a été le théâtre de divergences aiguës qui auraient pu mener à l’implosion du comité. C’est pourquoi, les participants ont préféré s’abstenir d’émettre un communiqué à l’issue de ces assises.
Certains cheikhs ont catégoriquement refusé de condamner les attentats de Bourj el-Barajné, considérant que ces explosions sont le résultat de l’implication du Hezbollah dans la crise syrienne. Toute condamnation pourrait être perçue comme l’expression d’un appui au parti chiite et une acceptation tacite de son action en Syrie, ont-ils estimé. Alors que d’autres ont développé l’idée suivante: ce n’est pas la peine d’entrer dans la valse des condamnations, la position du comité vis-à-vis de Daech et de ses attentats suicide est claire. Les constantes idéologiques du comité rejettent et condamnent toute forme d’assassinat d’innocents.

Cabinet: en attendant Godot
Aucune possibilité de tenir un Conseil des ministres à court terme, même si des attentats graves comme ceux de Bourj el-Barajné ont lieu. Une source ministérielle se dit désolée de cet état de fait, sachant que le Premier ministre, Tammam Salam, s’abstient de convoquer les ministres à une réunion par peur d’aboutir à une impasse gouvernementale. Les proches du président du Conseil estiment qu’un rendez-vous pour une réunion ministérielle est tributaire des progrès accomplis sur le dossier des déchets. Le ministre Akram Chéhayeb, qui poursuit ses contacts, examine plusieurs propositions avec les membres de la commission technique dont certaines concernent l’exportation des détritus. L’analyse du dossier est aujourd’hui axée sur les aspects juridiques, financiers et techniques… Dès la fin des travaux, le Conseil des ministres sera invité à en débattre parce que la crise des poubelles reste la priorité des priorités.

Les réfugiés restent
Il est prématuré de parler de cessez-le-feu en Syrie, n’empêche que le sort des réfugiés syriens constitue un élément de pression sur le Liban en premier lieu, au chapitre de la feuille de route pour un règlement en Syrie. Toute annonce de cessez-le-feu, même provisoire, doit prendre en considération le retour des déplacés dans leur pays et rejeter l’idée de leur concéder un statut de réfugiés au Liban. Cela suppose que le Liban soit au cœur du processus politique pour exposer ce dossier, non sous l’angle des promesses internationales visant à assurer les besoins vitaux des déplacés en matière d’éducation, de santé… mais pour l’inscrire en tant que document sur la table des négociations. Les pays européens feront désormais preuve d’une plus grande fermeté à l’égard de l’accueil des Syriens, ce qui multiplie les risques de l’installation de ces derniers au Liban. Le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, a insisté sur ce point à Moscou, en déclarant: «Le Liban n’a pas besoin de tensions supplémentaires dues à la multiplication du nombre de réfugiés sur son sol…».

FL-Moustaqbal: alliance et divergences
Le conseiller du chef des Forces libanaises (FL), le général Wehbé Katicha, précise que «l’accord des FL avec le Moustaqbal est un accord stratégique portant sur la distanciation du Liban des conflits régionaux, le refus des armes du Hezbollah et la condamnation de l’ingérence du parti chiite dans la guerre syrienne. Nous sommes d’accord sur ces points, mais il existe des divergences en ce qui concerne les institutions. Ils sont dans le gouvernement, alors que nous nous sommes abstenus parce que nous prônions un gouvernement de technocrates. Pour ce qui est du dialogue national, le Hezbollah n’a pas respecté la déclaration de Baabda, est-ce que nous devons lui assurer une couverture? Le Moustaqbal estime que sa participation au dialogue contribue à l’apaisement des tensions… Mais le gouvernement et le dialogue ont, tous deux, échoué».

Daech à Aïn el-Heloué
L’interrogatoire du responsable officiel de Daech à Aïn el-Heloué, Jihad Akkouche, et de son frère Ziad, membre de la commission de la Charia, arrêtés par la Sûreté générale, alors qu’ils planifiaient des attentats contre des personnalités politiques, des postes militaires et des lieux de culte, a permis de rassembler des informations sur l’action de cette organisation à l’intérieur du camp.
Ziad Akkouche a importé une idée du leader de Daech, Abou el-Bara’a el-Loubnani, de Raqqa à Aïn el-Heloué en septembre 2014, une idée développée par Mohammad Ali Jawhar (Abou el-Zabir) pour établir une salle d’opérations unifiée à laquelle sont rattachés tous les mouvements armés prêtant obédience à Daech dans les camps palestiniens. Ces éléments se sont mobilisés pour former des clans surtout après avoir accueilli un nombre de cadres du Nord appartenant à Daech, comme Tarek el-Khayat (Abou Abdallah, le Jordanien), et Ibrahim Barakat.
Le commandement de Daech en Syrie avait chargé, en 2014, Abou el-Bara’a du suivi à Aïn el-Heloué, et Ziad Akkouche, de la coordination. La salle d’opérations unifiée était présidée par l’émir de Daech dans le camp, Abbas Yassin, et regroupait le responsable militaire Yahya Mansour et Mohammad Jawhar.

Mrad à Riyad
Les nouvelles autorités saoudiennes semblent vouloir pratiquer une politique d’ouverture sur toutes les personnalités sunnites libanaises sans forcément passer par le Moustaqbal. L’ex-ministre Abdel-Rahim Mrad s’est envolé, pour une première visite officielle à Riyad, où le sunnite le plus en vue du 8 mars a été reçu par de hauts responsables, créant ainsi la surprise. L’accueil réservé à Mrad porte des indices politiques: l’Arabie reconnaît devant ses visiteurs que le Moustaqbal reste son fils préféré, mais que la maison saoudienne est ouverte à toutes les personnalités sunnites de l’autre camp… Depuis que Mrad a fait une déclaration, soulignant que la sécurité du royaume et celle du Yémen étaient liées, tout comme la sécurité du Liban relève de celle de la Syrie, et que la sécurité en Egypte et celle de Libye sont interactives, il a commencé à modifier sa stratégie politique. Il ajoute aussi que la sécurité arabe est indivisible, prenant ses distances par rapport à ses alliés du 8 mars.

Politique étrangère: qui décide?
Les propos du ministre Gebran Bassil à Moscou, après sa rencontre avec son homologue russe Sergueï Lavrov, ont interpellé les milieux politiques. Le ministre des Affaires étrangères a ainsi déclaré: «Je n’exclus pas que Beyrouth sollicite un jour Moscou pour une aide militaire afin de combattre le terrorisme». Comment Bassil se permet-il de prendre une telle position en solo dans un dossier aussi délicat qui n’a pas été débattu en Conseil des ministres? S’interrogent ces milieux d’un ton critique. Le député Walid Joumblatt a posé la question: «Quelle est la politique officielle du Liban en matière d’Affaires étrangères? Par qui est-elle tracée?». Il a également eu recours à la dérision à travers les réseaux sociaux: «Le ministre Bassil étant à Moscou, nous comptons sur lui pour qu’il explique au président Vladimir Poutine que Moukhtara est en sécurité, de peur que ce dernier nous envoie un avion Sukhoï ou un missile à partir de la mer Caspienne sous prétexte que Moukhtara abrite Daech».

Entre Mikati et Derian
Derrière le rapprochement entre le mufti de la République, le cheikh Abdel-Latif Derian, et le président Najib Mikati, des raisons d’ordre politique et personnel, rapporte une source beyrouthine. Leurs intérêts commerciaux et financiers communs se sont récemment développés, surtout que leurs relations étaient déjà solides bien avant l’élection de Derian à la tête de Dar el-Fatwa en 2014. L’apparition en public du mufti à un événement modeste organisé par Mikati est un indice fort du soutien politique réciproque dont les deux hommes ont besoin à cette étape où les équilibres sunnites sont en pleine mutation. La source pense que tous deux, malgré le décalage de leurs puissances financières respectives, sont des hommes d’affaires. Ils œuvrent à anticiper les développements politiques, sachant qu’ils peuvent tirer profit de leur bonne réputation, étant connus pour être plus «clean» et plus indépendants que d’autres qui sont sous la tutelle de forces régionales. Derian avait surpris le public en assistant personnellement à la cérémonie organisée par Mikati en l’honneur de l’ex-directeur des institutions de protection sociale au Liban, Mohammad Barakat.

Terroriste mineur
Serait-il permis de juger des mineurs, en ignorant certains de leurs droits, dans le cadre de la lutte antiterroriste? Le débat est à l’ordre du jour parmi les juristes, qui se sont particulièrement penchés sur le cas de Omar Mikati qui a comparu devant le tribunal militaire, cette semaine. Ils étayent leurs avis en se basant sur un précédent aux Etats-Unis, lorsque la magistrate du tribunal pénal de New York, Margot Prody – sur suggestion du ministère de la Justice – a accepté de juger un mineur accusé de terrorisme qui n’avait pas atteint ses 18 ans lorsqu’il a été arrêté. Les détails de ce cas de jurisprudence ont été publiés il y a quelques jours. Pour justifier sa décision, la juge américaine a invoqué la dangerosité du crime perpétré par ce mineur. Ce qui s’applique à Omar Mikati qui a rejoint les rangs de l’Etat islamique à 17 ans. Avec son parent, Bilal Mikati, il avait égorgé le soldat Ali Sayyed, originaire du Akkar, pris en otage par l’Etat islamique et filmé leur crime sans hésiter à le poster. Lors de son interrogatoire devant le tribunal militaire, le 20 novembre, Mikati a annoncé qu’il était mineur au moment des faits, le général Khalil Ibrahim a alors décidé de reporter la comparution au 12 février et d’annuler les minutes de l’interrogatoire.

L’Anti-Liban s’embrasera-t-il?
Le Hezbollah s’apprête à mener des assauts sur plusieurs fronts de la chaîne de l’Anti-Liban pour cibler les combattants installés dans les villages syriens adjacents à d’autres libanais. L’idée est d’empêcher ces éléments armés de s’infiltrer à travers les frontières, selon des informations provenant du 8 mars. Le parti de sayyed Hassan Nasrallah rejoint ainsi les efforts internationaux visant à couper la voie à l’extension des terroristes. La confrontation est inéluctable parce que le territoire libanais est la seule issue pour les combattants. C’est ce à quoi se préparent le Hezbollah, l’armée et les habitants.
La prochaine étape, poursuivent ces sources, sera chargée d’incidents graves tant que les autorités libanaises n’auront pas pris de décisions courageuses pour l’exécution d’une opération militaire et sécuritaire d’envergure dans le village de Ersal et son jurd. Une telle opération nécessite une décision politique de haut niveau.
Le Liban a refusé, via des canaux non officiels, la proposition du Front al-Nosra de libérer les otages militaires, à la condition de reprendre le contrôle de deux villages syriens actuellement sous l’emprise de l’armée du régime et du Hezbollah. Un tel échange signifie accepter qu’al-Nosra étende son hégémonie sur des régions stratégiques qui représentent une menace sur les frontières libanaises, la capitale syrienne et les axes de ravitaillement reliant le Liban à la Syrie.

L’étau se resserre sur le Hezbollah
La résolution votée par le Congrès américain contre le Hezbollah porte clairement l’empreinte d’Israël, assurent des milieux d’affaires chiites. Cette décision est en concordance avec les souhaits de certains businessmen israéliens qui projettent de mettre la main sur les sociétés chiites dans plus d’une région dans le monde. Le projet américain, qui vise à mettre la pression sur les hommes d’affaires de cette communauté, n’est pas sans conséquence sur l’économie de notre pays, vu les virements et les investissements que ces entrepreneurs font dans la mère patrie. Il ne faudrait pas occulter l’éventuel effet de cette décision sur la participation américaine à la reconstruction de la Syrie, soulignent ces milieux. Les marchés syrien, irakien et même iranien pourraient, d’une manière ou d’une autre, pâtir de cette décision. Par ailleurs, le business chiite libanais ne constitue nullement une menace pour les intérêts américains. Au contraire, disent ces sources, sans la contribution de la Résistance à la lutte antiterroriste pour empêcher l’extension des groupes radicaux, la stabilité au Liban, c’est-à-dire la coexistence entre les intérêts américains et du Golfe avec ceux de l’axe de la Résistance, se serait effondrée. Les experts évaluent les virements en provenance de l’extérieur à quelque 8 milliards de dollars par an. L’Association des banques du Liban avait déployé de grands efforts et envoyé, à plusieurs reprises, des délégations aux Etats-Unis pour éviter l’adoption de telles mesures ou du moins les alléger, en vain.
 

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